Sur quel pied allez-vous danser ?

Ladies & gentlemen, 
La famille Somerset vous invite officiellement à prendre part au bal d'intronisation à la société de la jeune Hester Somerset, mais aussi, pour célébrer le futur union entre la jeune demoiselle Lola Percy avec un homme de prestige, un duc qui plus est.

N'ayez crainte pour le manque de personnels, la famille Percy a consenti de laisser quelques uns de ses hommes et femmes à participer aux festivités en tant qu'employés au service des Somerset.

L'une des demoiselles mise à l'honneur en ce jour, Lady Percy, n'est malheureusement plus à marier, déjà promise au Duc de Manchester, Benjamin Deverill. Il en est tout autre de Lady Somerset qui, peut-être, lors de cette soirée, trouvera un époux. 

Vers 20h, vous serez amenés par carrosse. Ainsi viendront les premiers invités, pour les plus riches, mais à cheval pour les plus pauvres, un valet se fera un devoir de crier le nom et le titre des nouveaux arrivants. Hommes et femmes seront séparés, en attendant l'ouverture du bal. Pour s'occuper, il y a, pour messieurs des fauteuils pour parler politique, stratégie, guerre autour d'une partie d'échec. Pour mesdames, papotage, commérage au rendez-vous, et ce, derrière un jeu de cartes. 

Le bal pourra officiellement débuter lorsque tous les invités seront présents. Mesdames et messieurs pourront enfin se retrouver autour d'une danse. Il n'en déplaise à certains, l'honneur de la première danse revient à Ladies Somerset et Percy, avec le cavalier de leur choix parmi les personnes présentes (Les Pnj tels que les pères sont acceptés). Ensuite suivies par les convives.

Heureusement pour ceux qui ne savent pas sur quel pied danser, la piste de danse n'est pas obligatoire, il est possible de regarder les danseurs à l'oeuvre depuis des banquettes et fauteuils. Un buffet est servi pour sustenter les convives et des valets circulent dans les salons, proposant des rafraîchissements, du champagne, du vin ? A la convenance du servi ! 

Les portes sont ouvertes, il ne reste plus qu'à les franchir... 

J'arrive parmi les premiers au bal donné par la famille Percy. C'est la moindre des politesses après tout, puisqu'il s'agit de la présentation officielle de ma petite fiancée, Lady Lola. Autrement dit, le début de la fin de ma vie simple de célibataire. Pourvu que Keana ne soit pas de la partie, ou je ne répondrai plus de ma capacité à jouer mon rôle de fiancé modèle !

Enfin, fiancé modèle, fiancé modèle, c'est vite dit. La société n'attend pas grand-chose de moi à part, faire danser ma blonde, ma future belle-mère, ma mère, mes sœurs, de nouveau ma blonde, puis toutes les autres dames et demoiselles de l'assemblée. Enfin, sur le papier, c'est simple. En pratique, il faudra aussi... me contenter de les faire danser.

Comme si un jeune homme dans la force de la jeunesse et de la virilité pouvait se contenter de faire danser une belle dame sans aucune arrière-pensée ! Vraiment, cela s'annonce au-dessus de mes forces. J'ai l'impression de devoir choisir entre Charybde et Scylla. Soit Keana est présente, et je ne pourrais pas me détacher d'elle – soit elle sera absente, et je ne parviendrai à me concentrer sur personne.

- Benjamin ? Benjamin, nous sommes arrivés !

La voix de ma mère me tire de ma rêverie. Je partage en effet le landau fermé avec mes parents – mes sœurs, mariées, arriveront plus tard accompagnées par leurs époux. Je lui fais mon plus beau sourire de circonstance, laisse Père descendre le premier afin d'aider Mère avec les marches du véhicule. Père nous annonce auprès du valet de pied :

- Lord Deverill, Duc de Manchester ; Lady Deverill, Duchesse de Manchester ; Lord Deverill, Vicomte Mandeville.

J'ai l'impression d'entendre un bruit du côté des chevaux au moment où Père annonce mon nom. Je ne sais pas dire si c'est un de nos chevaux – un couple de bêtes de traits importées de la Bretagne française pour leur intéressante robe noire pangarée (c'est-à-dire noire mêlée de fauve) – qui a fait un de ces bruits bizarres que font parfois les chevaux, ou si c'est l'écuyer qui s'est étouffé tout seul.

D'ailleurs, sa trombine me dit quelque chose...

Oh misère ! C'est Erskine mon compagnon de beuverie de l'autre soir ! Pourvu qu'il ne m'ait pas reconnu...

Je me glisse promptement pour mettre mes parents entre lui et moi, et me cacher derrière eux, tournant ma tête pour éviter au maximum qu'il voie mon visage, et suit nerveusement le mouvement lorsque le valet nous invite à le suivre.

Tandis que le père de famille des Fraser est parti chercher les Percy, Erskine et Earnest ont discuté un peu, avant que ce dernier n'entre dans le salon. 

"Colonel Wilde", crie un valet, titre que celui-ci devra retenir pour l'ouverture officielle du bal... Il l'a noté quelque part, ne sait-il jamais, il oublierait ! Il repart donc aussitôt devant les portes, attendant un nouveau venu, ou plusieurs. 

Peu après, c'est au tour de Benjamin que de se rendre au salon des Hommes, accompagné de son père. 

"Lord Deverill, Duc de Manchester, et son fils, Lord Deverill, Vicomte Mandeville." entonne le porte-parole. 

"Lady Deverill, Duchesse de Manchester", est exclamé au salon des femmes.

(Si jamais vous souhaitez parler à Benjamin ou à Earnest, ladies, il vous faudra attendre l'ouverture du bal, oui, cela s'applique même à la fiancée, Lola Percy. Tandis que pour vous, gentlemen, peut-être aurez-vous l'occasion de leur parler politique dans le salon pour hommes).

Avril 1816 « Veux-tu bien cesser de te ronger les sangs de cette manière ? Tu es magnifique. Tu éblouiras cette soirée, peu importe ce que tu fasses. » La familiarité avec laquelle elle parlait avec celle qui était son employeur direct pouvait sembler particulière, mais témoignait surtout de cette proximité qui avait su naître entre les deux jeunes femmes. Venant glisser ses doigts frêles sur les épaules de la jeune débutante, Theodora lui sourit, dans le reflet du miroir, comme pour lui donner ce courage qui manquait à la fille du Duc de Beaufort. Elle ne mentait jamais. Pas quand cela concernait cette jeune femme sur laquelle elle veillait comme la prunelle de ses yeux. Elle était cette sœur qu’elle n’avait jamais eue. Qu’elle n’aurait jamais.

Repositionnant méthodiquement la parure de la demoiselle, elle finit par s’écarter légèrement d’elle, son sourire ne parvenant pas à quitter ses lèvres, la fierté se lisant dans ce regard. Ce soir, une nouvelle ère s’annonçait au sein de cette demeure, passage attendu dans l’âge adulte de la fille du Duc. D’ici demain, Theodora pourrait se faire plus discrète, moins présente, les prétendants ne manquant pas de se présenter sur le perron de la maisonnée pour faire savoir leur intention de faire la cour à la brunette effrayée qui semblait vouloir se terrer dans un coin. « Hesther, tout se passera bien. Je te le promets. Si quelqu’un ou quelque chose te met mal à l’aise, tu n’auras qu’à t’enquérir de me trouver, d’accord ? Je vais devoir y aller… » Elle ne pouvait se présenter aux côtés de celle qui était l’incontournable de ce soir. Elle devait se faire discrète, chanceuse qu’elle pouvait être, déjà, de se trouver parmi cette foule de nobles et de puissants.

Ajustant sa propre robe blanche, tranchant avec ses cheveux sombres, elle vérifia qu’une mèche était bien contenue dans son chignon avant de sourire une dernière fois à son amie pour mieux quitter la chambre, murmurant à la femme de chambre que si quoique ce soit compromettant ouvertement l’entrée d’Hesther dans le monde devait se passer, il lui faudrait la trouver. Descendant les marches, elle croisa les hommes de la maison, les saluant bien bas avant de les quitter pour mieux regagner le petit salon des Dames. Certaines étaient déjà arrivées, Theodora se joignant à une partie de cartes qui démarrait, tendant les oreilles pour mieux entendre les dernières rumeurs tout en brassant son jeu. Une chose la réjouissait : Elle risquait de croiser plus d’une mine connue en cette soirée, les Percy étant également des invités de choix et les Fraser étant à leur service…

Avril 1816 Il y avait quelque chose de satisfaisant, d’excitant, même, à reprendre une saison mondaine de façon officielle. Ce sentiment animait la maisonnée Gilderstone, et Amelia le ressentait. Pourtant, si les deux dernières années avaient été source d’angoisse et d’une pression qu’elle avait su s’imposer avec force, elle abordait cette nouvelle période avec la satisfaction de porter une bague à son annulaire, témoignage d’un heureux événement… Qui aurait d’ores et déjà dû être célébré. Ce rêve était parti en fumée, littéralement, à l’image de la chapelle familiale dont il ne restait que des fondations noircies par les flammes. Signe du destin ? Amelia ne l’interprétait nullement ainsi, inquiète à la veille de cet événement de savoir si son fiancé serait bien capable d’engendrer une descendance. Ce temps qu’on leur accordait, ne leur permettrait que de se connaître davantage, de mieux discuter l’un avec l’autre. De mieux espérer ressentir les premiers émois d’un cœur lié à celui de l’autre, dans son cas.

Ajustant son gant de soie, elle adressa un sourire à sa mère, lisant en ses yeux toute la fierté qu’elle pouvait ressentir. Puis, les cinq Gilderstone concernés par l’événement avaient rejoint les voitures frappées du blason familial pour rejoindre la demeure des Somerset. Amelia eu le privilège de pouvoir monter avec Arthur tandis que leur mère gardait un œil sur Allen et Anna. Ah, si cette dernière aurait pu rester à la maison, Amelia aurait certainement été soulagée. Mais, le temps du trajet, au moins, elle n'aurait pas à supporter ses légères piques adressées à tout va. Lissant le tissu de sa robe blanche, elle sourit doucement à son aîné. « C’est bien dommage que Lord Manners n’ait pu se joindre à nous pour nous rendre au bal. Mais je vous remercie de l’avoir proposé, Arthur. Il est vrai que, d’un certain point de vue, je fais d’ores et déjà partie de la famille Manners. » car si tout s’était passé comme prévu, le mariage aurait été prononcé, et la jeune Amelia serait Duchesse de Rutland à l’heure qu’il était. Comme un rappel à tous concernant ce fait, elle avait fait broder les armoiries du Duché de Rutland sur sa robe au fil d’argent, motif qui venait se répéter aux côtés de celui de sa maison de naissance.

Elle avait plus que hâte de retrouver les salons de bal, de pouvoir évoluer en dansant aux bras de gentlemen, sachant déjà que William se démènerait pour s’efforcer de lui accorder une valse en dépit de sa jambe douloureuse. Cette soirée promettait d’être inoubliable, c’était une certitude. A peine arrivés, les ladies furent invitées à quitter les gentlemen dans l’attente de l’arrivée de tous les convives. Une règle plaisante autant qu’amusante puisqu’elle allait ainsi pouvoir retrouver et converser avec des amies de longues dates, priant intérieurement pour qu’Anna fasse son chemin, loin du sien.

Je serre doucement la main de ma sœur Amelia en l'aidant à descendre du carrosse.

- Je vous souhaite de passer un agréable début de soirée en compagnie des autres dames, ma chère. Dès que j'aurai la joie de vois arriver notre – votre – cher Lord Manners, j'enverrai un domestique vous le faire savoir.

Puis je suis le valet jusqu'au salon des hommes. Il n'y a pas encore énormément de personnes présentes. Le Duc de Manchester a l'air parfaitement à l'aise, contrairement à son bon à rien de fils – à sa figure, je croirais presque qu'il a vu un fantôme. Je leur fait signe de la tête par politesse, puis je porte mon attention sur le journal du jour posé sur une table. C'est une façon indirecte de signifier que je ne suis pas d'humeur à converser pour le moment.

Il y a également un officier de l'armée, dont les traits du visage me semblent étrangement familiers. Je ne peux pas m'empêcher de lui jeter de fréquents regards par-dessus les pages du journal. Où aurais-je pu le rencontrer ? Quelque chose au fond de ma mémoire me souffle quelque chose au sujet de l'époque de mes études à l'internat. Pourtant, un grand gaillard de cette carrure, cela ne me dit rien. Mais son visage...

Je finis par replier le journal en masquant au mieux mon impatience, ma frustration et mon exaspération. Il faut que j'en aie le cœur net. Je m'approche de lui, le salue respectueusement, et finis par lâcher le pavé dans la mare :

- Pardonnez mon impertinence, Monsieur, mais votre visage me semble étrangement familier. Vous aurais-je déjà rencontré par le passé ? Ou un membre de votre famille peut-être ?

Un homme de taille moyenne, âgé d'une quarantaine d'année à première vue, les cheveux grisonnants, regarde en fronçant ses sourcils une jeune femme. Une employée, qui ne travaillait pas pour lui, il ne l'avait vu que plus tôt, pour les présentations des employés Percy. Et ! Elle était là, telle une sotte, à attendre que le temps passe ! Et doux Jésus ! Il a horreur des personnes qui ne font rien ! Il s'approche d'elle et à la limite de lui aboyer dessus, en postillonnant, il lui dit. 

-Waelsh ? C'est cela ? Que faites-vous à poiroter là !? Vous voulez vous enraciner sur place ou quoi ?

Il ne lui laisse pas le temps de répondre qu'il enchaîne directement, quitte à lui couper la parole.

-Hop hop hop ! Bougez-vous. Ha ! J'ai une idée. Allez servir les demoiselles dans le salon des Dames. Que vous vous rendez utile. 

Il la pousse devant la porte du salon en question, le valet ne prête aucunement attention à eux. 

-Allez voir Lady Gilderstone, veilliez à ce qu'elle soit le mieux traité possible, après tout, c'est la fiancée d'un Duc ! 

Il ne saurait dire si elle la connait, ce n'est pas son problème, elle aurait dû connaître les personnes importantes ici. Tss. 

Il la juge de haut en bas. 

-Qu'est-ce que vous faites encore là, Waelsh ? Allez la servir ! 
 

Un bal, ce soir-là, était donné par les Somerset en l'honneur de l'entrée dans la société de leur fille Hester, mais également celle de Lola. Celle-ci était heureuse, d'avoir enfin le droit d'assister aux événements sociaux réservés aux adultes. Cela signifiait qu'elle était à présent une femme aux yeux de tous, et non plus une enfant. Elle avait été chez la modiste se chercher une belle robe blanche toute simple. Ses cheveux avaient étés relevés en un magnifique chignon tressé.

Lola était arrivée en carrosse vers vingt heures en compagnie de Lady Percy, qui était en charge de la chaperonner une fois de plus. La brune n'était pas stressée, mais plutôt euphorique à l'idée de cette soirée. À leur arrivée, les deux femmes avaient étés emmenées dans une salle où se trouvaient toutes les femmes conviées. Elle était d'abord, bien sûr, aller saluer Lady Hester. Après cela, elle était s'installer pour jouer aux cartes avec d'autres dames, les écoutant commérer.

Avril 1816 Les quelques mots d’Arthur à son attention obtinrent un sourire enjoué et heureux. Intérieurement, elle n’avait qu’espoir de voir lord Manners faire son entrée pour mieux voir son expression face à l’audace qu’elle avait eu concernant cette toilette qu’elle avait fait faire pour l’événement. Elle espérait bien lui faire plaisir par ce simple geste, clin d’œil subtil quoique visible de cette famille qu’elle souhaitait rejoindre, malgré les événements récents. Un peu de pommade passée pour mieux l’aider à digérer ce caprice de voir ses Noces se dérouler au Suffolk, même si cela impliqué un décalage de plusieurs mois.

Rejointe par les autres ladies de la famille Gilderstone, elle avisa rapidement Allen qui suivit son aîné d’une mine qui se voulait un peu trop réjouie. Pour sûr, elle tâcherait de le maintenir occupé au moins un instant par une danse, à l’avenir. Mais pour l’heure, les trois femmes firent leur entrée dans le salon, annoncées comme il se devait par le valet de pied. Toisant la petite assemblée déjà en place, Amelia leva les yeux au ciel quand Anna ne tarda guère à se montrer ingrate. Il ne lui avait donc fallu qu’une poignée de secondes pour que son naturel revienne au galop. Frances perçut la tension qui se dessinait entre ses filles et emmena la cadette à une table de jeu, laissant l’aînée vaquer à ses occupations. Croisant la fille du comte de Norfolk, elle engagea une discussion légère avec elle, recevant cette pitié qu’elle espérait éviter concernant ses Noces non célébrées. Coup du sort. Voilà qui était mesquin mais ainsi pouvaient être les débutantes entre elles.

Si elle manqua de lui répondre, ce fut parce que l’une des invités de marque fit son entrée, étirant le sourire de la demoiselle du Suffolk. Lola Percy était une amie de longue date et elle se réjouissait à l’idée de pouvoir converser avec elle de choses diverses. Et de lui montrer cette toilette qu’elle avait commandé en sa compagnie. Seulement, la concernée ne sembla pas l’apercevoir au milieu de toutes ces personnalités et se joignit à la même table où se trouvait Anna. Pinçant un instant les lèvres pour signifier son mécontentement, Amelia manqua de sursauter quand une petite voix se fit entendre à ses côtés. Une demoiselle, propre sur elle, était là, l’invitant à lui faire part de ses souhaits et de ses envies pour mieux les obtenir pour elle. « Ma foi, il me faudra bien cela… » Attrapant une bouchée, elle la fourra dans sa bouche avant de froncer les sourcils, guettant cette jeune personne avec un air inquisiteur. « Est-ce mon frère qui vous envoie ? Le duc de Rutland aurait-il été annoncé ? » L’espoir renaissait déjà dans le brillant de ses pupilles.

Je hausse les sourcils beaucoup plus haut qu'à mon habitude et écarquille les yeux en entendant l'homme à l'air familier me rappeler une parole gravée au fer rouge dans ma mémoire.

- Le loup n'est pas facile à abattre, même pour des chasseurs, vous le savez plus que quiconque... « Hunter ».

Je balbutie et ne sais plus par lequel de ses noms et surnoms commencer.

- Est-ce bien vous, Wolf ? Enfin, Wilde ? Earnest Wilde ?

Je fais de mon mieux pour dissimuler ma surprise et mon étonnement, pour rester le plus discret possible alors que je l'observe des pieds à la tête et de la tête aux pieds.

- Colonel à présent, si je ne me trompe pas ?

Si nous avions été seuls dans le salon, j'aurais volontiers fait une entorse à l'étiquette pour le serrer dans mes bras. Mon vieil ami ! Mon mentor ! L'homme à qui je dois tellement ! Celui qui a participé à faire de moi qui je suis actuellement !

- J'avais eu des nouvelles de vous par l'entremise de la correspondance que ma sœur entretenait avec vous dans le cadre de ses œuvres de bienfaisance. Mais jamais je ne vous aurais imaginé changé à ce point. Vous avez l'air en pleine forme !

En pleine forme mais aussi, marqué profondément par l'existence. Comme si de nombreux secrets s'étaient empilés sur ses épaules et qu'il devait garder la tête haute pour les dissimuler. Ou peut-être est-ce la lumière des bougies, l'uniforme, le contexte, ma propre surprise. Le temps et le manque de familiarité peuvent entraîner des incompréhensions.

- Je suis vraiment ravi de vous voir ici aujourd'hui, cher ami. Avez-vous toujours l'adresse de l'hôtel que ma famille occupe à Londres ? Lady Amelia serait ravie de vous voir en chair et en os, je suis certain, de même que Lady Gilderstone. Mère apprécie être capable de voir de ses propres yeux les conséquences directes de ses actions. Elle serait ravie de constater que le soutien moral qu'Amy – je veux dire, Lady Amelia – vous a apporté, a pu vous aider à traverser les horreurs des combats pour en revenir vivant. Et couvert de galons, qui plus est !

Je n'ose lui dire mais c'est surtout moi qui suis soulagé. Il est vivant, à priori il est entier également. Les loups ont le cuir épais et savent survivre en toutes circonstances. Oui, c'est un véritable soulagement.

Jeremiah Fraser, le père de Keana et d'Erskine revient à la demeure Somerset, ayant enfin fini de transporter la famille Percy au lieu où se déroule le bal. Il vient de terminer de ranger l’attelage et mettre les deux chevaux dans leur box. C'est après avoir jeté un œil fugace à son fils, pour savoir ce que ce dernier faisait, qu'il entendit les sabots caractéristiques des chevaux, et aussi du contact des roues en bois avec le sol qu'il sut que ces bruits annonçaient du travail supplémentaire. 

Il regarda le moyen de transport avec une lueur de reconnaissance, c'est la royauté de Prusse ! Qui viendrait à un événement comme celui-ci ? Le roi ou la reine ? Pff, que nenni ! Il ne reste plus que la possibilités des Princes, certainement pas le premier, il est père, il ne mettrait pas en danger ses enfants dans un pays étranger, encore moins pour un bal ! Si l'héritier n'est pas là, il est certain que le second non plus, ce dernier suit son aîné comme son ombre ! Fraser père ne saurait dire si c'est par amour fraternel ou par haine provenant de sa jalousie de ne pas pouvoir accéder au trône. En tout cas, il est certain de qui se trouve dans la calèche qui arrive à vive allure. 

-Mon fils, tiens toi bien. L'ambassadeur Prussien, Prince de Prusse, 3ème dans la ligne de succession fait son entré. 

Jeremiah aurait bien ajouté "En retard", il est bien passé 20h ! 

-Tu peux te rendre compte que c'est un invité éminent que nous rencontrons, donc j'aimerais que tu lui ouvres la porte et le conduise au salon des hommes, les valets manquent à l'appelle. Sans doute sont-ils occupés avec d'autres invités. Je me charge des chevaux. 
 

Je hausse les sourcils et écarquille les yeux en entendant l'annonce qui vient d'être faite.

Friedrich von Hohenzollern, Prince de Prusse.

Mon sang ne fait qu'un tour. J'agrippe l'avant-bras de Wolf pour me donner une contenance et m'empêcher d'aller lui sauter à la gorge. L'ambassadeur a bien du toupet de venir ainsi parader à nouveau en Angleterre, surtout devant moi, après ce qu'il a fait à ma famille !

Cela pourrait ne sembler pas grand-chose, des promesses de mariage en l'air, disparaître sans laisser de traces ni déshonorer la demoiselle, mais c'est déjà trop pour moi. Il a blessé le cœur de mon Amy.  Il l'a tournée en ridicule. Il a compromis ses inclinaisons, ce qui rend extrêmement compliquées ses fiançailles avec le Duc de Rutland. Est-ce la raison pour laquelle nous sommes sans nouvelles de Lord Manners depuis quelques temps ? Est-ce que la présence du Prince empoisonne l'âme de ma sœur au point que son fiancé décide de disparaître ?

Espérons que cela ne soit qu'un accident de courrier ou quelque autre événement bénin et sans importance. Parce que si c'est ce maudit Prussien qui y est pour quelque chose, si c'est lui qui a tout orchestré pour l'humilier une seconde fois...

...Et si c'était lui qui avait commandité l'incendie de la chapelle familiale pour retarder les noces d'Amy et de son fiancé ?

Je fulmine. Il faut que je me calme. Toujours familièrement appuyé ou plutôt accroché au bras de Wilde comme à une bouée de sauvetage je toise le Prince du regard. Je ne sais quoi penser de lui, de sa présence ici. Est-il vraiment venu me narguer ? Est-ce qu'il n'y aurait pas quelque raison légitime derrière son comportement, qui soit en-dehors de la portée de mon esprit ? Après tout, il est loin d'être idiot. Ce n'est pas sa fonction d'ambassadeur qui en gage – j'ai croisé bien des hommes d’État auxquels je ne confierais pas la surveillance de l'eau du thé, encore moins les affaires d'un pays – mais les conversations que nous avons pu avoir, il y a des siècles de cela il me semble tellement les choses ont changé.

Lord Hohenzollern est un homme d'esprit. C'est un homme cultivé. Il a une certaine sensibilité artistique. Espérons qu'il soit également un homme raisonnable.

Je souffle un bon coup, tapote affectueusement le bras de Wilde – j'espère ne pas lui avoir coupé la circulation sanguine ! – et prend rapidement congé de lui, pour « Affaires familiales concernant Amy ». J'espère qu'il comprendra.

Un peu froidement mais en toute politesse, je m'approche du Prince et le salue.

- Lord Hohenzollern, c'est une surprise. Je ne pensais pas avoir le plaisir de vous revoir dans le pays. Êtes-vous ici pour affaires ou pour votre bon plaisir ?

C'est une approche quelque peu cavalière de ma part, mais malgré nos différences de rangs, je tiens à faire passer dès le premier instant le message que je ne le laisserai pas me dominer. Prince ou pas, Prusse ou Chine ou quelque soit son pays d'origine, l'honneur et le cœur de ma sœur sont en jeu.

On ne brise pas impunément le cœur d'une Gilderstone.

Je suis Hunter, et ce n'est pas un aigle de Prusse qui me fera peur.

Avril 1816 Les noms étaient jetés à l’assemblée, annonçant l’arrivée de membres de la noblesse tous plus éminents les uns que les autres. Theodora demeurait assise à sa table de jeu, soudainement plus concentrée sur sa main que sur les annonces, tendant malgré tout l’oreille pour être certainement de ne pas manquer les premiers pas d’Hesther dans cette société. Pour elle aussi, c’était une sorte d’introduction dans ce monde, même si cela ne saurait se faire en grandes pompes de part le statut qui était le sien. Mais la demoiselle se moquait de ce que l’on pourrait lui offrir, elle n’était guère là pour voler l’attention ou autre, ne souhaitant que le bonheur de la demoiselle de la maison Somerset. Elle espérait secrètement que son père saurait faire l’effort d’ouvrir le bal avec elle, lui qui pouvait être parfois maladroit dans ses actes et ses mots.

A table, alors que les jeux se faisaient, elle écoutait également les quelques derniers récits croustillants concernant la population londonienne. « J’ai vu que lady Gilderstone était arrivée… Enfin, celle qui aurait dû être la duchesse de Rutland, si les augures avaient été meilleurs… C’est à croire que cette jeune fille attire le mauvais œil. Sa première saison a été gâchée par cette maladie qu’elle a contracté, la deuxième a été vaine, un prince s’envolant Dieu seul sait où et maintenant, voilà que son mariage n’a pas eu lieu… Je serais lord Manners, je chercherai demoiselle plus délicate et moins sujette à la malchance ! » Et cela ricanait, Theodora haussant les sourcils sans réellement trop comprendre, ne souhaitant guère risquer de se mêler de ce qui ne la regardait pas et de ce qu’elle ne connaissait pas réellement. Elle se demanda seulement qui était la malheureuse demoiselle qui méritait cette vilaine attention, bien vite remplacée par un autre nom dans la bouche de ces commères.

On annonça miss @Lola Percy et, à la surprise de Theodora qui s’était levée pour l’accueillir, elle s’installa à sa table. La demoiselle de compagnie lui adressa un léger sourire tandis que la table se faisait à nouveau dévorer par les ragots sur les uns et les autres. Pourtant, quand la brune dévoila son jeu, remportant la partie, les regards s’étaient tournés vers elle. « Navrée de n’avoir pris part à ces passionnantes conversations, il s’avère que j’étais bien plus attentive à la manière de remporter cette manche… Mademoiselle Percy, c’est à vous de commencer la prochaine, je crois. » Si les autres pouvaient fermer leur clapet un temps durant… Comme elle préférerait être aux écuries à discuter avec Erskine… Ou voir Keana s’installer à ses côtés.

J'écarquille les yeux lorsque Kikine – enfin, Erskine – s'approche de moi et me demande de le suivre d'une façon à laquelle je ne peux pas dire non. Mes parents insistent, c'est pour le Bal, je dois y aller, et caetera et caetera.

Misère.

J'ai l'impression de me liquéfier sur place. Une pensée me vient aussitôt à l'esprit : « Voilà les emmerdes. »

Avec un sourire crispé, je lui réponds :

- Bien évidemment. De toute évidence, la présence de ma très-importante personne est centrale pour l'événement. Je vous en prie, ouvrez la marche, je vous suis.

Nous disparaissons tous deux hors de la pièce.

Il me reconnaît. Il se souvient de moi, et il me le fait remarquer en m'appelant par mon nom. C'est déjà un bon point, je suppose. Au moins ne fait-il pas semblant d'ignorer qui je suis.

Il reste néanmoins un prince, s'asseyant comme s'il était chez lui sans me proposer de le rejoindre. Je reste stoïc et raide, peut-être un peu trop raide mais après tout, l'honneur de ma sœur est en jeu.

Je pince les lèvres lorsqu'il me propose une partie d'échecs et en guise de réponse, m'assieds devant lui.

Le bal des débutantes. Dieu, cela fait longtemps que je n'ai pas pris le temps d'y assister. Trop de choses à gérer au domaine. Et puis, l’Écosse et l'Angleterre, ce sont un peu deux pays différents. Les débutantes d’Écosse pour mes garçons, les débutantes Anglaises pour les Anglais, et les moutons sont bien gardés. Ma fille est trop jeune encore pour se soucier de ces choses-là de toute façon. Alors, vous demandez-vous certainement, qu'est-ce qu'une Marquise douairière Écossaise peut bien faire à Londres, à un bal de débutantes ?

Mais pour les potins, bien entendu !

À mon âge, profiter des potins, ragots et autres scandales, c'est un peu le seul plaisir qu'il reste. Ça, et trouver des partenaires commerciaux possibles pour mon petit Ronald. Il faut bien faire fructifier les affaires.

Une partie de cartes est en cours. La question est : est-ce que je me joins à la partie et les humilie toutes par mon expérience du jeu, ou est-ce que je joue la moralisatrice pour les enquiquiner un peu en leur expliquant que le jeu est une invention du Diable ?

Hum, si je veux pouvoir m'amuser le plus longtemps à cette soirée, il vaut mieux participer. Cela me permettra de participer aux conversations, profiter des dernières rumeurs, glisser mon nez partout.

Je m'approche de la table, pose ma main sur l'épaule d'une jeune fille. Comme toutes les débutantes, elle porte une robe blanche. Elle a les cheveux d'un noir de jais, une voix charmante, et ses compagnes l'appellent « Lady Theodora ». Je lance mon sourire carnassier à l'assemblée et impose plutôt que je ne demande :

- Quelqu'une d'entre vous aurait-elle l'obligeance de nous présenter ? Je souhaite ardemment m'entretenir avec cette charmante jeune fille.

Il y a à table quelques dames que je connais déjà. Qu'elles se débrouillent pour nous présenter. Ce sont elles les plus jeunes, je suis l'aînée. À elles de m'accommoder.

Je retourne au fumoir des hommes après un temps qui me paraît interminable. J'ai eu du mal à trouver un valet des Percy qui puisse m'aider à trouver des vêtements pour me changer. Il a eu la grande gentillesse de me prêter un costume très élégant appartenant à Lord Percy. Il ne me va pas exactement bien mais, avec quelques épingles ici et là, une large ceinture de soie, et l'éclairage légèrement tamisé des bougies, ça peut passer.

Père me demande ce qui m'est arrivé. Je prétends que mon costume ne faisait pas suffisamment chic et élégant, qu'il m'a été signalé que Lady Lola méritait quelque chose d'un peu mieux que cette vieille froque avec laquelle j'étais arrivé, et que donc, me voilà, avec des vêtements un peu mieux.

Père fronce les sourcils, le costume sans être usé n'est visiblement pas neuf. Je sais qu'il sait que j'ai fait des bêtises. Mais je sais aussi qu'il ne dira rien, et il sait que je sais qu'il ne dira rien.

- On en reparlera à la maison qu'il me dit.

Ouais. À la maison. Pas avant. J'aimerais un peu oublier mes mésaventures.

Je me sers un doigt de sherry, trempe mes lèvres dedans, abandonne le verre sur un guéridon. Rien de bien n'arrive après la troisième pinte. Je ne sais pas combien ça fait en sherry et aujourd'hui n'est certainement pas le bon moment pour tester.

Avril 1816 L’espoir brillait au fond de ses prunelles azurées, reposant sur cette interrogation qu’elle espérait voir exaucée dans la bouche de la jeune servante qui était venue la trouver. Car pour quelle autre raison une jeune femme de sa condition se serait-elle adressée à elle, n’est-ce pas ? Mais la vérité était moins plaisante. Lui confessant à voix basse n’avoir nullement interagit avec l’aîné des Gilderstone, la demoiselle provoqua un pincement de lèvres certains chez Amelia. Je peux aller me renseigner pour le duc de Rutland… Ecarquillant doucement les yeux, la blonde posa sa main sur l’avant-bras de la jeune femme (@Lily Rose Waelsh), tâchant de ne pas se montrer trop brusque. « En aucun cas… » Réalisant à la fois sa familiarité et la peur qui se lisait en elle, elle s’accorda un léger temps pour reprendre contenance, s’assurant que les autres ladies autour d’elles étaient bien trop occupées pour la voir si désœuvrée. « Il n’est nullement nécessaire de sembler aux abois. Sa Grâce finira par arriver, j’en suis plus qu’assurée. » Ou était-elle en train de se rassurer autant qu’elle le pouvait ? Il en devenait difficile de le dire.

S’emparant de son éventail, l’activant devant son minois en affichant un sourire léger, elle adressa un regard de biais à celle qui était certainement invisible pour bien des gens. « Merci… Nul message à transmettre, c’est mon frère qui doit me faire signe… Je n’ai jamais été un grand exemple de patience, que voulez-vous… » Et voilà qu’elle offrait ses états d’âme à une servante… Grand Dieu, perdait-elle pied à ce point ?

Avril 1816 Profitant largement de l’inattention généralisée, voilà qu’elle venait de mener un sacré coup d’éclat, prenant de court les autres demoiselles attablées à ses côtés. Miss Percy, elle-même, lui adressa un sourire. Theodora était une ombre insignifiante, une présence presque obligatoire aux côtés de celle qui était leur hôtesse en cette soirée. Et pourtant, Esther ne s’était toujours pas montrée. Observant l’entrée du petit salon, adressant un regard à l’annonceur, elle pinça un court instant les lèvres, s’interrogeant sur le pourquoi de cette si longue attente. N’était-elle pas prête quand elle l’avait quitté ? Fallait-il qu’elle s’absente à nouveau pour mieux vérifier que tout irait bien ?

Elle n’eut, en réalité, pas le temps de savoir quelle posture adopter qu’une main se referma sur son épaule, telle une proie solidement attrapée par un prédateur inattendu. Relevant instinctivement son regard vers celle qui semblait l’avoir prise pour cible, elle fut surprise de l’entendre souligner son souhait d’être présentée à elle. Aussi bien apprêtée et coiffée, l’aurait-on réellement prise pour une autre ? La basse facture de sa robe, pourtant, traduisait longuement ses origines modestes… Mais nulle ne semblait être désireuse de se lancer à la tâche. Pire, encore, certaines avaient baissé le regard. Mais qu’est-ce que cela signifiait. Finalement, la commère précédente finit par toussoter légèrement. « Lady Langdale… Permettez-moi de vous présenter… Miss Sheffield. Theodora Sheffield. Il s’agit de la demoiselle de compagnie de miss Esther Somerset que nous semblons toutes attendre… Miss Sheffield, lady @Isabella Langdale, marquise douairière de Montrose. » Elle s’était acquittée de sa tâche et semblait volontiers vouloir passer à autre chose, désormais, intimant les autres demoiselles à se reconcentrer sur le jeu. Theodora, elle, s’était levée et s’inclina avec respect devant celle qui la surpassait en âge et en rang. « Lady Langdale, c’est un honneur véritable de vous être présentée. » Bien qu’elle ignorait encore le pourquoi de cet intérêt…

L’hôte de la soirée, Lord Somerset, père de l'une des demoiselles mises à l'honneur arrive dans le salon des hommes, il se passait exactement la même chose dans le salon des femmes, avec la gouvernante.

Attendant que le silence se fasse, les deux entament leur discours qui sont presque identiques.

“Bonsoir à vous, c’est un honneur pour moi que vous soyez tous ici présents. Mais assez tergiverser, c’est avec joie que je viens vous annoncer que le bal est officiellement ouvert ! Je vous invite donc tous à me suivre”.

C’est avec un sourire poli qu’ils se retrouvent tous les deux dans la salle de bal, l’une avec les demoiselles, tandis que l’autre avec les hommes. Une musique douce, pour danser la valse en fond, et les femmes mises à l’honneur s’approchent pour demander à l’homme voulu de bien vouloir l’invitée. Pour Hesther Somerset, ce fut son père, pour Lola Percy, ce fut sans surprise son fiancé.

Tandis que les deux paires dansaient, de plus en plus de monde se joignent à eux, le bal peut enfin commencer !

Puisse la valse vous faire oublier tous vos soucis... Ou pas. 

Les couples se rassemblent sur la piste de danse. Mes parents se retrouvent, bien évidemment, comme la plupart des couples mariés ou fiancés. D'autres rejoignent, qui un cousin ou une cousine, qui une sœur ou un frère.

Avec un sourire un peu gêné, je retrouve Lady Lola. Elle me regarde en coin, je sais qu'elle reconnaît les vêtements de son père. Elle se place face à moi, sans rien dire, attendant que la musique commence.

Les premières notes s'élèvent. Hommes et femmes se saluent d'une révérence. Je place doucement ma main droite dans le dos de ma fiancée, saisis sa main dans ma main libre. Les premières mesures de la valse s'égrènent, suaves. Cette danse est véritablement scandaleuse. Nous sommes si proches l'un de l'autre. Je peux compter les perles et les diamants qui coulent dans son décolleté. Je me ressaisis, plonge mes yeux dans les siens. Elle a un air déçu et dépité.

Ma main dans son dos la tire vers moi tandis que je recule, la fait tourner autour de moi. Ses jupes flottent doucement dans l'air, laissant voir sans doute un bout de ses chevilles. Je frissonne. Rester concentré. Un, deux, trois. Ce n'est pas différent que de danser avec Mère. Ce sont les mêmes pas. Un, deux, trois.

Elle me demande à mi-voix, pendant que nous dansons, pourquoi je porte les vêtements de Lord Percy. Je bredouille une excuse, la première qui me vient à l'esprit.

- Un petit accident, Lady Lola. Je suis entré en collision avec un serviteur transportant je ne sais quoi discrètement dans les couloirs, et mon costume a été taché. J'ai préféré emprunter des vêtements de rechange au Lord votre père plutôt que de me présenter souillé au bal. Ou pire, d'y renoncer.

Sa douce naïveté se contente de cette raison. Elle approuve d'un geste de la tête. Pourtant, dans son regard, il reste quelque chose, comme une inquiétude discrète. Comme si elle ne me disait pas tout.

Les mesures sensuelles continuent de s'élancer dans l'air, faisant tournoyer les couples presque collés les uns aux autres, serrés comme jamais la décence n'accepterait qu'ils soient serrés ainsi en public. Il n'y a qu'une main de distance entre son corsage et l’œillet de ma boutonnière. J'en perds presque mes moyens.

J'espère que la prochaine danse ne sera pas à nouveau une valse. Ou alors, j'irai faire danser Lady Percy Mère, ou toute autre vieille ridée comme un pruneau. Si j'ai à ce point le cœur qui bat pour Lady Percy, toute femme un peu plus belle ou un peu moins fade qu'elle risque fort de me placer dans une position plus que délicate. J'ai déjà eu besoin de changer une fois de pantalon, je vais éviter de devoir réitérer l'opération.

Je retrouve ma sœur Amelia avec angoisse. Je me place tout entier dans son champ de vision, afin qu'elle ne puisse remarquer ni l'absence de son fiancé actuel, ni la présence du précédent.

La valse va nous permettre de discuter à voix basse discrètement pendant quelques temps. C'est une danse que j'aime beaucoup pratiquer avec mes sœurs. Cela me ramène à des temps plus simples, de notre enfance, lorsque nous étions encore innocents et moins engoncés dans les conventions sociales. Lorsqu'il était encore acceptable socialement que nous nous prenions dans les bras pour nous montrer notre amour familial.

J'aimerais pouvoir la serrer un peu plus dans mes bras, car les nouvelles que je vais avoir à lui annoncer seront bouleversantes pour elle.

Mon bras passé dans son dos la soutien et la guide, la protège et l'encourage.

- Amelia, j'ai plusieurs nouvelles à vous apprendre. Si vous vous sentez défaillir, n'hésitez pas à vous appuyer sur moi. Je vous emporterai alors sur un fauteuil pour vous permettre de reprendre vos esprits.

Je serre sa main dans la mienne, essayant de lui communiquer tout l'amour fraternel que j'ai pour elle.

- William – Lord Manners – ne pourra pas venir ce soir. J'ai reçu une missive de sa part. Sa mère est souffrante, il demeure à ses côtés, dans le cas où son état empirerait et où elle aurait besoin d'un prêtre.

Intérieurement, je souhaite que la Duchesse-mère reste envie encore un peu. Juste assez longtemps pour que Amelia puisse célébrer son mariage avec le Duc. Leurs noces ont été repoussées trop longtemps. Nul besoin d'un deuil familial pour le repousser de six mois supplémentaires.

Je fais virevolter ma sœur au rythme de la musique, la soutenant de mes yeux et de mes bras. Les autres couples semblent trop absorbés par la danse et l'ivresse musicale pour prêter attention à notre échange. Tant mieux.

Je dirige nos pas vers l'extérieur de la piste de danse afin de pouvoir rapidement amener Amelia à un siège si le besoin se fait sentir.

- J'ai également eu le... plaisir de disputer une partie d'échecs avec quelqu'un de votre connaissance, Amelia. Je ne sais si la nouvelle de sa présence ici va vous réjouir ou vous bouleverser. Toujours est-il que...

J'inspire un grand coup. Tu peux le faire, Arthur. Tu dois le faire. C'est important qu'elle sache.

- Lord Friedrich von Hohenzollern est ici. Il souhaite s'entretenir avec vous sur les raisons de sa disparition et de son silence. Il souhaite s'entretenir avec vous tout autant que je souhaite qu'il vous présente excuses et explications. Il vous appartient d'accepter, ou non, cet entretien. La décision vous appartient. Que ce soit ce soir ou ultérieurement, la décision vous appartient. J'ai donné mon accord sous réserve que vous donniez le vôtre. Je serai votre chaperon à cette occasion.

C'est à peine si je perçois la musique, juste assez pour rester en rythme. Je raffermis ma prise, serrant ma sœur dans mes bras. Son cœur est à quelques pouces de distance du mien.

Silencieusement, je l'implore de rester consciente, de ne pas s'évanouir.

Je n'ai malheureusement pas eu le temps de profiter de cette Miss Theodora Sheffield, dame de compagnie. L'ouverture du bal a été annoncée. Dommage. J'aurais bien aimé pouvoir piquer cette demoiselle de ma langue acérée.

Par pure charité chrétienne, bien entendue.

La jeune demoiselle n'a pas d'expérience de la vie, elle a besoin de se forger le caractère. Jouter verbalement avec moi eut été l'occasion rêvée de lui forger les armes, n'est-ce pas ? Ainsi elle aurait pu apprendre à se battre et à se défendre, ce qui est toujours utile à une jeune fille dans notre société. Surtout à une dame de compagnie, qui n'a pas reçu la grâce divine d'un titre de noblesse. Sa langue et son minois sont à peu près toute la fortune qu'elle a. Je ne peux rien faire pour le minois, mais j'aurais pu faire quelque chose pour sa langue. Hélas, le Destin en aura décidé autrement.

J'avise du coin de l’œil, dans la foule des vestes de velours et de soie, un uniforme militaire. Mon sourire s'élargit. Je reconnais le Colonel Earnest Wilde avec lequel j'ai tellement apprécié échanger des remarques cinglantes lorsque je l'ai croisé l'autre jour, dans une boutique. M'invitera-t-il à danser ?

Je me déplace un peu afin d'être directement dans son champ de vision. À lui de voir s'il souhaite profiter de ma présence, ou s'il est trop rustaud pour apprécier la Lady que je suis.

Avril 1816 La patience n’est pas la plus facile des qualités. Qu’est-ce que cela signifiait, exactement ? Se permettait-elle réellement de commenter une parole de la jeune demoiselle en sous-entendant qu’elle n’était définitivement dotée d’aucune patience ? Le regard d’Amelia se fit doucement plissé, comme un aigle observant une proie. Si elle espérait que la demoiselle puisse lui être utile, qu’elle ne fut pas sa déception de constater qu’il s’agissait là de quelqu’un qui n’était définitivement pas fait pour le service. « Vous en avez déjà assez fait. » Sa voix se fit plus froide qu’elle ne l’avait voulue, certainement portée par le mélange d’émotions qui l’animait. Fort heureusement pour elle, la gouvernante de la maison fit son apparition, annonçant à tous que les derniers préparatifs étaient terminés et que le bal allait officiellement pouvoir démarrer, annonçant ainsi de façon détournée qu’il était l’heure pour tous les convives de se retrouver. Sans accorder le moindre regard à la jeune servante, relevant son menton, Amelia rejoignit sa mère afin de mieux la suivre aux côtés de sa cadette.

Anna, déjà, l’exaspérait, verbalisant sa volonté de danser avec leur frère aîné. « Garde ta place. Arthur aura du temps à te consacrer ensuite mais c’est mon droit de me voir accorder ma première danse par mon frère… » « N’as-tu pas un fiancé ? » Auraient-elles été en privé qu’Amelia aurait surement pris soin de rappeler à sa sœur que vantardise et mépris n’ont rien à faire dans un salon. Le sourire de la jeune sœur s’était fait narquois tandis que l’aînée serrait les dents, souriant de façon figée pour tenter de conserver les apparences. Fort heureusement, Arthur ne tarda pas à se faire remarquer et ce fut avec un véritable sourire enchanté qu’elle plaça sa main dans la sienne pour mieux se laisser mener sur la piste de danse. Une valse. Celle qu’elle préférait. Voilà bien une chose qui saurait la détendre et l’apaiser… Et pourtant, quelque chose dans l’attitude de son frère trahissait des pensées envahissantes. Fronçant un instant les sourcils, elle laissa la musique parler pour eux. Et finalement, le comte de Suffolk brisa le silence.

Amelia. Il ne l’appelait ainsi qu’en public… Ou quand un drame se produisait. Les lèvres de la blonde s’entrouvrirent alors que son regard azuré se planta dans le sien, comme prête à écouter ses mots. « Défaillir ? Arthur… Allez-vous m’annoncer la mort d’un proche ? » Au beau milieu d’un bal ? N’était-ce pas inapproprié ? William. A la mention de ce nom, elle écarquilla les yeux. Les informations de son esprit avaient su prendre un raccourci, faisant un lien entre la mort, William… Et cette scène sordide dont elle avait su être témoin. Était-il… ? Sa mère est souffrante. « Oh… » Ce fut le seul son qu’elle fut alors capable de produire, faisant le tri dans son esprit. S’il devait garder son chevet et envisageait la venue d’un prêtre alors… « Mon Dieu, est-ce si grave ? Espère-t-il ma venue à ses côtés afin que je puisse l’épauler au mieux dans cette épreuve ? Et Anna qui se montrait désobligeante à son égard… » Sa sœur méritait une autre paire de baffes.

Était-ce donc cela qui lui travaillait l’esprit ? Il avait parlé de plusieurs nouvelles… ? Virevoltant, entraînée par la direction de son frère, elle attendait la suite. Était-ce en lien avec ses Noces à venir ? William souhaitait-il la libérer de son engagement pour lui épargner un nouveau report en raison d’un deuil ? Arthur mentionna une partie d’échec avec une personnalité qu’Amelia pouvait connaître. Fronçant ses doux sourcils, elle attendit. Et enfin, tomba le couperet sur sa nuque. Lord Friedrich von Hohenzollern est ici. « Qui… Quoi ? » Si son frère ne l’avait pas tenue, elle se serait probablement effondrée, telle une poupée de chiffon. Mais entraînée par l’inertie, le pas vacillant et hésitant venant écraser doucement le pied de son frère – et Amelia ne faisait jamais le moindre faux pas – elle sembla accuser le coup, comme incapable d’entendre la suite. Friedrich… Le visage angélique encadré de mèches blondes lui sauta à la figure, souvenir qu’elle avait pourtant tenté d’enterrer dans les tréfond de son esprit. Ce sourire mystérieux, tantôt provocateur, tantôt délicat, hantait des rêves qu’elle n’osait confesser.

Sans qu’elle ne puisse expliquer pourquoi, Amelia laissa alors son regard s’échapper de celui de son frère, emporté par la valse, tournoyant à travers la salle, cherchant ce regard qui était là, dans son esprit. Où es-tu, toi que j’ai tant espéré revoir… Mais elle ne parvint qu’à se donner le tournis, refermant sa prise sur son frère, regardant un instant ses pieds. La Gilderstone était connue pour sa grâce et ses manières et ce soir, il lui semblait avoir abandonné les deux. Hochant la tête, elle offrit à son frère ses prunelles effrayées. « Arthur… Je ne sais si j’en serais capable… » Elle était tiraillée. Elle voulait cette vérité depuis si longtemps… Mais elle avait parcouru tant de chemin dans le deuil de cette relation… Était-elle seulement capable de décider ce qu’elle souhaitait ? Car si elle croisait ces yeux sombres, elle savait qu’elle rebasculerait.

Je lance un large sourire au Colonel Wilde, montrant toutes mes dents jusqu'aux canines. Il me couvre de compliments, c'est assez agréable je dois avouer. Je décide unilatéralement d'une trêve pour la soirée. J'ai envie de pouvoir profiter un peu, et sa compagnie est la moins pire du lot.

Tiens, je pourrais me garder ce compliment comme un atout dans ma manche, s'il devient nécessaire que je lui en fasse à mon tour. Qu'il est le moins pire de toute la compagnie. C'est une façon de dire qu'il est le meilleur mais, sans trop non plus lui montrer d'amitié. C'est parfait.

Je glisse ma main dans la sienne.

- Votre demande ne m'offense point, Capitaine, bien au contraire. Je suis fort aise de vous avoir à mes côtés ce soir. Après tout, ce genre d'événement est fait pour rassembler les gens que la fortune et la naissance ont séparés. Il serait inconvenant au contraire, et anti-chrétien, que je refuse de vous accorder un peu de mon temps. Cela aussi fait partie de la charité chrétienne, d'offrir un peu du plaisir de la danse aux moins fortunés d'entre nous.

Je laisse un moment de flottement entre nous, puis je me corrige :

- Oups, suis-je distraite, je voulais dire, Colonel Wilde. Veuillez pardonner à une vieille dame les erreurs de sa mémoire quelque peu capricieuse, parfois. J'ai beau avoir l'air jeune, comme vous l'avez souligné, hélas je ne suis pas à l'abri des affres du temps. Je suis à la merci du bon vouloir de Notre-Seigneur Jésus-Christ. S'il Lui est gréé de me remettre ainsi en mémoire qu'un jour Il me rappellera à Ses côtés, ainsi soit-il.

Je fais une petite moue, indiquant que je m'attends à un « Amen » de sa part.

Lorsque la musique commence, je profite de l'instant d'intimité sociale offerte par la danse pour me rapprocher légèrement de lui et chuchoter sur le ton de la confidence :

- Vous avez l'air passablement hors de vous, Colonel. Quelqu'un vous aurait-il offensé ? Vous savez, cela fait partie de la charité chrétienne, que de défendre les personnes qui se font injustement outrager. Si vous avez besoin d'un appui social de mon rang, je me ferai un plaisir de vous l'offrir – ouvertement si vous le souhaitez, par influences plus discrètes si vous le préférez.

Intérieurement, je le supplie de me mettre au parfum des derniers ragots de la soirée. Allez, Colonel, soyez gentil avec moi. Ayez pitié d'une pauvre veuve qui s'ennuie. Ça aussi c'est de la charité chrétienne, que de distraire une pauvre veuve qui s'ennuie.

Je fais de mon mieux pour soutenir ma sœur. Je vois bien qu'elle est au plus mal. Je l'ai senti passer : habituellement elle mesure chacun de ses gestes avec une précision d'horloge, mais là, elle vient de me marcher sur le pied. Je masque au mieux ma grimace d'inconfort. Ce n'est pas le moment de penser à mes pieds. Il y a plus urgent : ma chère Amy. Je la vois qui cherche du regard, qui fouille la salle. Cela encore est à mille miles de ses habitudes, elle qui est d'ordinaire si discrète, si mesurée.

- Nous pourrons organiser une rencontre ultérieurement, si vous le préférez. Vous n'êtes en aucun cas contrainte de le rencontrer dès ce soir. Je comprendrai si vous souhaitez un temps de réflexion de plusieurs jours ou semaines. Néanmoins, je voulais vous éviter de découvrir qu'il est ici ce soir, en le croisant par hasard.

Je scrute son visage dont tout le sang semble avoir reflué. Je n'entends plus la musique autour de moi, il est possible que je sois à contretemps à force de décalage. Je nous fais esquiver un autre couple, reprends au mieux ma contenance et le rythme de la danse. Le reste des personnes présentes vont certainement jaser à mon sujet mais cela m'importe peu. Que les gens jasent, si cela les amuse. J'ai d'autres choses bien plus importantes à faire que de les écouter.

J'ai l'impression de me répéter et de tourner en rond, de la même façon que les pas de la valse se répètent et tournent à l'infini. Un-deux-trois-un-deux-trois.

- Quelle que soit votre décision, Amelia, je vous soutiendrai au mieux de mes capacités. Vous savez que j'ai toujours été là pour vous et que je le serai toujours.

Des mots creux et vides de sens, qui se répètent, un-deux-trois. Un battement régulier qui rythme le monde, comme mes mots répétés encore et encore tentent de rythmer et bercer ma sœur. Un-deux-trois. Les couples tournent sur eux-mêmes. Un-deux-trois. Les couples tournent les uns autour des autres. Un-deux-trois. La salle tourne autour de nous. Un-deux-trois. Le monde tourne sans se préoccuper de nous. Un-deux-trois. Tout ce qui compte pour moi, ici et maintenant, c'est ma sœur Amelia.

Mon cœur rate un battement. Est-ce Lady @Reese Lennox que je viens d'apercevoir dans la foule ?

J'embrasse la salle du regard. Il y a tant de monde ! J'ai l'impression d'étouffer quand je me trouve dans des lieux aussi bondés. Heureusement, Diana se tient à mes côtés !

- Merci d'être venue, Diana ! Je dis d'une voix nerveuse.

Je n'ai jamais aimé les mondanités, elle le sait très bien. A l'heure actuelle, je rêverai d'être seule dans mes appartement et de consacrer ce temps à écrire, ou réfléchir sur le prochain article et entre autre, des sujets que nous pourrions aborder ensemble, Lord Gilderstone et moi. Mais non, je suis là. Pourquoi ai-je accepté ? Je prends une grande inspiration pour me donner du courage.

- Pour l'instant, je ne vois aucun indésirable. Je murmure.

Je fais référence à sa famille. Il est préférable de les éviter. Allez à leur rencontre n'aurait absolument rien de productif...
J'ai un hoquet de surprise. Fred ? Que fait-il ici ? Il me jette un regard que je n'arrive pas à déchiffrer de loin et il m'ignore totalement. Alors soit, je ne veux en aucun cas me marier avec lui, mais son manque de considération met sérieusement mon égaux à mal. Il ose m'ignorer pour aller interrompre un couple de danseurs de la manière la plus grossière qui soit.
Piètres danseurs cela dit: Ils étaient en contre temps, mais ce n'est pas une raison ! Je détourne le regard en marmonnant entre mes dents, agacée.

- Pas d'indésirable, du moins pas des tiens. Et si nous allions prendre l'air ? Je propose de plus en plus nerveuse.

Je ne peux m'empêcher de tourner un dernier regard vers Fred et ces deux convives. Mon coeur fait un bon dans ma poitrine quand je remarque que l'homme n'est autre que Lord Gilderstone. Il a l'air préoccupé et bien que je ne le connaisse encore que très peu, je ne lui connaissais pas de regard aussi sombre. Même lorsque nous avons abordé des sujets qui lui faisaient ressentir de la colère et de l'injustice. Là, il s'agit de bien plus que cela. Est-ce qu'il a été interrompu ? Non, cela ne ressemble pas au personnage. Mais puis-je en être sûre ? Le connaîtrais-je assez pour affirmer cela ?
Je secoue la tête.
Une pensée vient me surprendre et presque me couper les jambes : J'aimerais bien être à la place de sa cavalière, même si cela signifie d'être en contre temps. Après tout, cela est bien ce que nous sommes de par nos idées politique et sociale, n'est-il point ?

Je ne sais pas vraiment comment réagir, quoi faire. Oh bon sang, il tourne la tête et pose ses yeux sur moi !

- Lord Gilderstone me fixe du regard... Qu'est-ce que je dois faire, Diana ? J'imagine que tu ne vas pas me laisser m'en aller et fuir à l'autre bout du pays...

Je lâche un rire nerveux. J'avais l'intention de plaisanter et pourtant mes paroles sonnent très sérieusement.

Avril 1816 Un bal. Quelle idée saugrenue que de se rendre à tel événement dans une condition telle que la sienne. Que devait-elle seulement porter ? Son veuvage n’était que flou, n’avait eu de réelle période de deuil… Pour autant, elle n’était pas une débutante à nouveau sur le marché, tout aussi intacte demeurait-elle dans sa condition féminine. Alors que porter ? Johanna trouva une parade efficace en lui soulignant que le mauve se rapprochait du violet bien que suffisamment clair pour briller en société et non ternir les festivités de couleurs trop sombres. Alors, de mauve sa toilette était majoritairement composée, brodée de fil d’argent pour mieux attraper la lumière. Ses longues mèches de blé avaient été remontées en un chignon bouclé et docilement fixé sur le haut de son crâne. Des gants de satin avaient su caresser sa peau, montant jusqu’à mi-hauteur de ses bras. Soupirant longuement, Diana savait qu’elle ne pouvait se consoler qu’avec une seule chose : la présence de son amie, miss Lennox, à ses côtés.

Reese et elle avaient su partager bon nombre de mondanités, se liant naturellement d’amitié l’une à l’autre, avant même que les yeux de Diana ne lui soient enlevés. Elle devinait la belle jeune femme que la brune avait pu devenir, sa voix gagnant parfois en assurance quand elles n’étaient que toutes les deux. Mais elle savait aussi que la jeune femme n’était que peu désireuse de se glisser volontairement dans une salle de bal probablement bondée. Aussi, la blonde avait prétexté le besoin indétournable de l’avoir à ses côtés, soulignant la volonté de son propre père à la voir à nouveau dans de telles sorties, espérant qu’elle puisse se remarier bien assez vite, un souhait qu’elle n’avait guère véritablement, déjà peu persuadée de la mort de son époux et ami, monsieur Sutton. Ce furent donc ensemble et parce que la fille des Lennox avait dû faire un détour que les deux demoiselles arrivèrent de concert, et suffisamment en retard pour que l’agitation globale n’avale l’annonciation de leur présence.

« C’est à moi de te remercier. Sans ta présence, j’aurais probablement déjà rencontré malencontreusement la poitrine emmaillotée d’un vieux bougre qui m’aurait prêté des intentions… Improbables. » Ne se retenant gère de grimacer, elle finit par sourire tournant machinalement son minois vers sa droit où se trouvait Reese. Elle ne la voyait plus, mais elle pouvait ressentir sa présence dans ce brouhaha généralisé, et parvenir à donner le change. Mais Diana espérait bien pouvoir compter sur ses yeux pour éviter la présence de son père ou ses frères à ses côtés. Elle les aimait. Bien sûr qu’ils s’aimaient. Mais la volonté des hommes de la famille Finch à voir le seul joyau féminin de la maison briller au bras d’un homme de la Haute société dépassait cet amour qu’ils pouvaient lui offrir. C’était maladroit, mais c’était visiblement leur manière d’affirmer qu’ils tenaient à elle.

Pas des tiens. Haussant les sourcils, Diana aurait volontiers creusé cette phrase si Reese n’avait pas tenté une fuite en avant à quelques secondes de leur arrivée. Seulement, une fuite n’est jamais une solution, surtout quand elles venaient de passer le seuil de la porte non ? « Tu comptes réussir à fuir avant de m’avoir décrit la robe probablement criarde de lady Montrose ? Ce serait pure hérésie ! » Un sourire en coin avait pris place sur ses lippes rosées. Cependant, elle sentait l’attention de la demoiselle ailleurs que sur ses paroles et n’eut qu’à attendre, tendant l’oreille pour trouver dans le déluge de voix et de violons quelques intonations familières. Et finalement… Lord Gilderstone me fixe du regard. Haussant à nouveau les sourcils, faisant bien mine de chercher l’homme qu’elle venait de désigner par ses mots, elle attendit la suite. Qu’est-ce que je dois faire ? « Te fixe-t-il pour de bon ou as-tu seulement croisé son regard ? Avait-il l’air enchanté ou courroucé de te voir ? Et non, ne compte pas pour moi pour te laisser fuir. Lord Gilderstone, dans mes souvenirs, n’a rien d’un fauve mais ressemble davantage à un chaton… A moins qu’il n’ait tant changé que cela avec toutes ces années. » Le souvenir du jeune homme blond était là, dans sa mémoire quoiqu’un peu flou. Raffiné, souriant, assez rêveur par moment et porté sur les Arts dans leur globalité quoique se montrant assez avant-gardiste sur ceux-ci. « Un mot de ta part et la pauvre aveugle que je suis provoquera la collision nécessaire pour que vous puissiez converser… Mais souviens-toi : seules les demoiselles aux abois se ruent vers les jeunes lords célibataires… A moins qu’il n’ait trouvé une Comtesse et que je n’en ai pas été informée ? » Ce serait un comble, ça…

Avril 1816 Inspire. Expire. Recommence. L’air semblait lui manquer. Comment diable avait-elle pu en arriver là ? William était absent. Son fiancé n’était pas là. Friedrich était de retour, quelque part dans cette salle gigantesque qui lui donnait le tournis. Pourquoi ? Comment ? Les réponses lui semblaient aussi futiles que de la plus grande importance. Arthur est là, lui. Arthur la portait presque, soutenant son désarroi, cherchant à se montrer guide, lumière parmi les ombres. Une rencontre ultérieure. Son attention se reporta sur lui. Je veux le voir… Mon cœur ne sait plus quoi faire… La contradiction s’installait dans son être. Si elle voyait Friedrich… Alors que se passerait-il ? Que ferait-elle ? Et William n'était pas là.

« Vous êtes le meilleur frère qu’il m’ait été donné d’avoir Arthur, et je vous remercie de cette attention. Peut-être… Peut-être serait-il sage pour nous de ne pas nous attarder… Moi, surtout. Je ne voudrais pas gâcher votre bon plaisir à cause de… » Mes peines de cœur. Cette phrase ne sut trouver fin dans sa bouche, confession trop directe sur les émois qui étaient les siens. Elle tenta un sourire sur son visage blême, cherchant à rassurer l’homme qui lui servait de béquille dans cette tempête. Peut-être pourrait-elle se faufiler jusqu’à leur mère, prétendre être éreintée tout en l’informant de l’absence de son fiancé ? Frances comprendrait que la nouvelle avait atteint la jeune femme et aurait peut-être la sympathie de reconduire sa fille jusqu’à Hercley House ? Si elle apprenait que Friedrich était de retour…

Mais les plans qui naissaient dans l’esprit paniqué de la demoiselle ne sauraient jamais voir le jour. Sans qu’elle ne puisse comprendre ce qu’il se passait dans l’immédiat, les tours qu’ils exécutaient encore et encore prirent fin. Et l’enfer sembla s’ouvrir sous ses pieds. Il était là. L’objet de ses désirs secrets, d’une convoitise qu’elle avait eu durant des mois, la raison même des bonds de son cœur. Friedrich von Hohenzollern n’avait guère changé. Le visage angélique qui hantait ses souvenirs et ses rêves n’avait guère pris une ride et l’observait de son regard perçant, déterminé dans son acte. Il venait d’interrompre leur danse. Il venait de s’interposer entre la sœur et le frère. Avait-il seulement perdu l’esprit ? Elle n’entendit d’ailleurs qu’à moitié ce qu’il déclara, happée par les quelques murmures qui naquirent de ce geste, le regard dévisageant la foule qui semblait n’attendre qu’à mettre ce nouveau ragot sous leurs dents de requin. J’aimerais vous emprunter votre charmante sœur. Elle se tendit, le regard se posant sur son frère qui semblait suivre le même pli qu’elle. N’allait-il pas exploser face à tant d’arrogance ? La mine se fit inquiète un instant, avant de prendre l’initiative de ne pas laisser les choses s’envenimer.

Quittant l’étreinte nécessaire à leur valse, elle fit finalement face au Prince, s’inclinant devant lui dans une révérence doucement tremblant. « Votre Altesse… Vous nous honorez de votre présence. » Et il avait brillé par son absence… Relevant ses yeux céruléens sur lui, elle déglutit doucement, tachant de plaquer un sourire sur ses lèvres. « Vous avez pris un risque à stopper ainsi notre valse… Nous autre Gilderstone avons tendance à nous laisser emporter par la musique… Une collision est si vite arrivée. » Faute de pouvoir lui signaler qu’il était fort mal venir d’agir de la sorte, elle sourit un peu plus largement, adressant un regard à Arthur. On les regardait. Une partie de la salle semblait s’être rendue compte de ce qu’il se passait ici. Elle n’avait guère le choix. « Si mon frère est d’accord, ce sera avec plaisir que je danserai à vos côtés. » Plaisir… Non, pas vraiment. Mais c’était devenu une obligation. Le calme se faisant machinalement dans son esprit, son cœur, lui, menaçait de s’arrêter tant il semblait vouloir imiter la cavalcade d’un cheval emballé.

J'ai un mouvement de recul en voyant Lord Hohenzollern s'approcher. Il fond sur ma sœur et moi comme un aigle royal sur un couple de perdrix. Mon regard lance des éclairs. Il a très mal choisi son moment. Je suis raide, mon expression est certainement farouche. Je fais de mon mieux pour contenir ma colère. Surtout, ne pas faire de scandale. Enfin, ne pas envenimer la situation déjà délicate dans laquelle se trouve Amy.

Tenter de l'attirer vers le milieu de la piste de danse en ignorant le Prince est un mauvais calcul. Le Prussien serait assez têtu pour nous poursuivre jusque là puisqu'il est venu nous cueillir sans attendre la demi-minute qu'il reste encore avant que la valse ne soit terminée.

Amelia a l'air de vouloir proposer diplomatiquement de partager une danse avec lui. Néanmoins, les termes de notre accord stipulent que leur conversation doit être chaperonnée. Par moi.

Je grince des dents. Comment protéger Amy sans trop attirer l'attention de la foule sur elle ? Elle est fiancée. À un homme qui brille par son absence, certes, mais fiancée tout de même.

- Je pensais que Votre Altesse aurait eu la patience d'attendre la fin de la valse afin d'organiser nos carnets de bal respectifs. Mais sans doute les détails de ce genre de mondanité varient d'une culture à l'autre, aussi mettrai-je votre interruption sur la différence culturelle entre l'Angleterre et la Prusse plutôt que sur un défaut de votre caractère. Mettons-nous à l'écart des danseurs afin de pouvoir discuter.

Mon ton est froid. Je tire délicatement Amy sur le côté de la piste de danse tout en faisant signe à Lord Hohenzollern de nous suivre. Je lui glisse un regard en coin. Qu'a-t-il en tête, exactement ?

Instinctivement je scanne la foule à la recherche du reste de ma famille et de mes connaissances proches. Anna boude en tenant compagnie à Mère, parce qu'elle voulait faire l'ouverture avec moi et a été contrainte de se plier au droit d'aînesse d'Amy. Lady Reese est bien présente, accompagnant Lady Sutton. J'ignorais qu'elles étaient intimes. Je me promets d'aller les saluer dès que mes histoires de famille seront réglées. J'entrevois ce pauvre Wolf en proie à la si imprévisible Lady Langdale. C'est noble de sa part de se sacrifier au nom de la gent masculine afin de tenir compagnie à cette... dame.

J'aurais tant aimé pouvoir passer du temps en leur compagnie. Profiter de la présence de mon frère de cœur, saluer Lady Reese et Lady Sutton, présenter Wilde et Lady Reese... Hélas tous mes espoirs sombrent avec le navire de ma bonne humeur sous les deux regards combinés d'une ange et d'un démon – Amy et le Prince. Si la furieuse partie d'échec menée ultérieurement n'a pas réussi à m'infliger de migraine, la situation présente va le faire certainement.

C'est le prix à payer pour être un Lord, je suppose.

Je grimace à la mention des intentions improbables. Je la regarde. Je regrette parfois le temps où il nous suffisait d'un simple regard pour nous comprendre... Sûrement pas autant qu'elle, bien évidemment. Cela a dû être tellement difficile... Elle sû s'adapter , surmonter cette épreuve et bien d'autres encore d'une façon qui lui vaut mon admiration. Elle est dotée d'une telle force !

Elle grimace elle aussi et je m'aperçois comme souvent, que notre complicité n'a pas disparue pour autant. Au contraire, elle s'en est trouvée renforcée. Je pose ma main sur son bras que je presse légèrement pour lui signifier que je partage son sentiment.
Je suis heureuse de l'avoir toujours à mes côtés et je mesure la chance que j'ai chaque instant passé avec elle. Il s'en est fallu de peu pour que je perde ma seule véritable amie.
Elle me pousse souvent à me dépasser, prendre confiance en moi. C'est grâce à elle en grande partie qu'aujourd'hui je me sens aussi sûre de moi.

Et ce soir ne fait pas exception quand elle me pousse à abandonner la fuite en me demandant de lui décrire la robe de Lady Montrose que nous avons toujours eu plaisir à... admirer. Un rire m'aurait échappé si je n'avais pas avant cela, été saisie par le regarde Lord Gilderstone.

- Il me regardait, Diana. Du moins, avant que Fr... Lord Hohenzollern ne les interrompe lui et sa cavalière en pleine danse. Ce dernier m'a regardé puis a décidé de complètement ignorée. Je sais qu'il m'a vue. Cela ne lui ressemble pas d'être aussi grossier. Et à présent, Lord Girlderstone à l'air d'avoir envie de lui arracher la tête. Je ne sais pas ce qu'il se passe entre les deux mais il semblerait que ce soit bien plus sérieux que l'interruption de la valse...

Je reconnais soudain la cavalière. Il s'agit de sa soeur. Elle n'a pas l'air d'aller bien. Sa situation n'a pas été évidente ces derniers temps. Mais j'avoue ne pas vraiment m'être intéressée aux bavardages à son sujet. J'aurais peut-être dû.
Je souris quand Diana compare Lord Gilderstone à un chaton. Je manque même d'éclater de rire.

- Crois-moi, mon amie, il n'a rien d'un chaton. Je dirais plutôt qu'il détient une force tranquille. C'est un homme qui sait ce qu'il veut, qui a des manières tout à fait charmant et fait montre du plus grand respect pour quiconque se trouve devant lui. Il dit ce qu'il pense, il est tourné vers les autres et...

Je m'arrête. Je parles trop de lui. Et il n'est pas dans mes habitudes de faire l'éloge de quelqu'un. Particulièrement d'un homme.

- Un seul mot de ma part... L'idée est tentante. Mais ce n'est peut-être pas le bon moment. Ils se sont mit à l'écart. Laissons leur le temps de régler leur différent.

Je détourne le regard en soupirant et mes yeux trouve un spectacle bien surprenant.

- Oh, je ne savais pas que le Colonel Wilde était assez proche de Lady Langdale pour lui accorder une danse !

Le Colonel est véritablement d'une compagnie agréable. Ce n'est pas la première fois que j'ai cette impression mais, plus je passe du temps en sa compagnie, plus cette impression semble se renforcer. Lui et moi avons quelque chose en commun. Quelque chose de secret, de profond, quelque chose qui vient du fond des entrailles, quelque chose à la fois invisible et primordial. Je veux savoir ce que c'est. Je ne tolérerai pas que lui ou moi se fasse enterrer avant d'avoir mis le doigt sur ce secret que nous avons en commun.

Il a l'esprit beaucoup plus fin que je ne l'aurais imaginé. J'aime cela chez un homme. Ou une femme, d'ailleurs. Disons que je préfère cela chez une femme que chez un homme mais que c'est toujours une agréable surprise. Il répond à mes piques et mes mises en scène avec tact et patience. J'ai l'impression d'être face au fils parfait que je n'ai pas eu le bonheur d'avoir. Disons que même si j'aime beaucoup mes fils, qu'ils me le rendent bien et qu'ils sont loin d'être idiots, ils n'ont pas non plus cette finesse que possède le Colonel.

J'aime échanger avec lui des piques plus ou moins aiguisées, plus ou moins insultantes, ces réparties tactiques grinçantes sans aller dans la violence.

Finalement, il s'ouvre à moi. Je suis toute ouïe.

...Quelqu'un l'a blessé. Émotionnellement. Quelqu'un a osé s'en prendre à lui, quelqu'un qui n'est pas moi, quelqu'un qui est donc totalement incapable de le faire avec cette charité chrétienne qui me caractérise. Sans compter que, plus pragmatiquement, le Colonel est MON jouet social. JE suis la seule à avoir le droit de le piquer et de le faire grincer des dents.

Mon sang ne fait qu'un tour. Je plisse des yeux, je crois que mes mains se sont un peu crispées sur la sienne et sur son épaule.

- Vous avez totalement eu raison de défendre votre ami, Colonel. C'est un droit très-chrétien que de préserver ses proches du danger. Un devoir charitable, même. Je ne peux que vous approuver.

Ma voix se fait plus caressante, plus doucereuse. Plus venimeuse aussi.

- Dites-moi, qui est le malotru qui a osé s'en prendre à quelqu'un de vos amis ? Qui a osé ? S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour vous porter main-forte afin de protéger votre ami et écraser ce malandrin, n'hésitez pas. Je me ferai un plaisir, vraiment, d'écraser ce moucheron.

Enfin, enfin, un peu d'animation dans ce bal ennuyant ! Je trépigne presque d'impatience à l'idée de lancer mes attaques. Donnez-moi ma cible, Colonel, et laissez-moi faire. Lady Langdale s'occupe de tout.