Voilà les emmerdes ! - annexe au bal - CW VIOLENCE PHYSIQUE

Voilà les emmerdes ! - Annexe au Bal

◦ With. Erskine Fraser ◦

Je suis docilement Erskine jusque dans le couloir. Je ne sais pas trop ce qui m'attend mais je suis certain que ça ne sera pas agréable.

- Écoutez, si c'est en rapport avec mon comportement inadmissible de l'autre soir, je suis sincèrement désolé.

Je suis lâche. Je ne m'en cache pas. Si j'avais été courageux, j'aurais été militaire. Ou politicien. En tout cas je ne passerais pas mes soirées à faire la fête, parier sur les courses, jouer aux cartes et courir le jupon.

Pourtant, quelque chose dans l'attitude d'Erskine m'indique que ce n'est pas lui que j'ai offensé. Enfin, pas directement.

J'ai beau fouiller dans ma pauvre caboche à la recherche des bribes de souvenirs de ma soirée en sa compagnie ainsi que de notre conversation du lendemain dans les écuries, je ne parviens pas à rattacher mes pensées les unes aux autres de façon cohérente.

J'ai un sourire crispé et un geste de la main en direction d'un des invités qui nous croise dans le couloir. Je l'assure que tout va bien, des détails à régler en dernière minute quant à l'organisation, ne vous en faites pas, je serai de retour rapidement dans le fumoir, vous me verrez durant les danses, nous pourrons discuter plus à l'aise après, là j'ai une affaire urgente.

Il referme la porte derrière lui. Je sens que ça va être ma fête deux fois ce soir, au sens propre avec le bal et tout le reste, et au sens figuré avec Erskine.

Que l'esprit de Keana me protège !

Il a l'air nerveux. A-t-il compris ? Non, il ne sais pas encore qui je suis. Je me retiens d'afficher un sourire suffisant et le guide vers un endroit plus à l'écart.

"Ecoutez, si c'est en rapport avec mon comportement inadmissible de l'autre soir, je suis désolé.

Je m'arrête sans crier gare et j'étouffe un rire sans pour autant être discret. Oui, je suis méchant et con quand je suis en colère.

- Ce n'est plus tu ? Ce n'est plus Kikine ? Et j'ai droit à du vous ? C'est trop d'honneur !

En disant ces mots, je me retourne vers lui. Il n'y a personne et nous nous trouvons dans une alcôve un peu moins éclairée. Parfait. Mais dans le doute... Je parle un peu plus fort:

- Si je puis me permettre, j'ai remarqué que votre col est quelque peu de travers. Laissez-moi vous aidez à l'arranger !

De loin, on pourrait vraiment croire que je l'aide à remettre son col. Mais de près... Il en est tout autre autre. Je l'empoigne par le fameux col et le plaque contre le mur. Pas trop brusquement pour les apparence, mais assez fermement pour qu'il sente ma force. J'ai assez récupéré ces derniers temps pour pouvoir l'intimider. Heureusement, à ce que je peux voir, il en faut pour l'impressionner.

- Keana Fraser. C'est elle que tu as envie de mettre dans ton lit ? Je gronde entre entre mes dents le regardant dans les yeux et laissant entrevoir ma colère jusque là contenue.

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◦ With. Erskine Fraser ◦

Je pâlis et frémis en entendant son rire.

- Je suis, encore une fois, vraiment navré pour mon comportement de l'autre soir. J'ai tendance à me lâcher la bride lorsque je sors incognito. C'est le principe d'être incognito, n'est-ce pas ?

Je vois défiler ma vie, qui se conclut par le sourire de Keana, lorsqu'il parle de m'aider à arranger mon col. Je suis trop lâche pour dire quoi que ce soit. Il m'empoigne et me colle au mur. Je lève les mains pour l'apaiser, cherchant à me dépêtrer de cette situation en m'esquivant. Mais il faut croire qu'il n'y a pas d'échappatoire. Je me pensais intouchable. Quelle humiliation...

J'écarquille les yeux de surprise et couine en l'entendant prononcer le nom de Keana :

- Keana Fraser. C'est elle que tu as envie de mettre dans ton lit ?

Je m'étrangle et bredouille. Des sons indistincts sortent de ma bouche. Je m'accroche à ses poignets pour récupérer un peu d'espace pour respirer.

- J'ignorais que la demoiselle était déjà engagée. Si ce n'est que cela, nous pouvons facilement résoudre ce petit désagrément.

L'argent ? Non, il n'en voudra pas. Et puis, acheter le fiancé ou le mari pour avoir la femme, c'est bien trop lâche même pour moi. J'ai toujours mis un point d'honneur à traiter directement avec les intéressées. Elles sont bien assez grandes pour savoir toutes seules ce qu'elles veulent dans la vie.

- Il n'y a qu'à lui demander de choisir, c'est tout simple. Non ?

Je secoue les mains d'un air d'innocence et de désarrois. Oui, ça serait tellement simple si elle prenait enfin le temps de me parler. Ses flirts et ses sous-entendus me rendent dingue, je ne sais toujours pas ce qu'elle veut, à part vivre sous mon crâne et danser sur mon cœur. Douce torture !

Pénible retour à la réalité pour son mari comme pour moi.

Je sais que je tombe juste quand je le vois écarquiller les yeux, par contre il se méprends totalement sur le lien que j'ai avec Keana.

- Oui tu as raison, on peut facilement s'arranger. Suffit de ne pas toucher à ma soeur. Il est hors de question qu'un dévergondé comme toi pose les mains sur elle.

Je ne quitte pas ses yeux du regard, exerçant toujours la pression sur son col. Nos visage sont très près. Il me dégoûte. Je me revois encore passer la soirée à me dire que ce n'est pas mon problème. Je me le suis répété encore et encore alors que ce... Alors qu'il parlait de ma soeur ! Bien sûr que si, c'est mon problème !
En fait, aucune femme ne devrait subir un porc pareil !

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◦ With. Erskine Fraser ◦

Attends, quoi ?

- Keana est ta sœur ?

Il me faut un peu de temps pour gérer l'information. J'en oublie où je suis, qu'il me garde épinglé au mur par le col, et qu'il vient de me traiter de dévergondé. Ou qu'il a une expression de dégoût sur le visage.

- Alors euh, pour ma défense, elle est jolie. Je vois un peu l'air de famille avec toi.

Je crois que je m'enfonce, là.

- Et pour mon autre défense, j'ai juste discuté avec elle. Je n'ai pas encore tenté quoi que ce soit. Mais j'aime bien son caractère. Là aussi elle te ressemble.

Je ne sais pas si je me ridiculise, si je suis en train de l'insulter, d'insulter sa sœur, ou de juste rajouter de l'huile sur le feu. De toute façon au point où j'en suis, tout ce que je dirai sera retenu contre moi. Alors autant vider mon sac, comme ça je serai tranquille après. Boire le calice jusqu'à la lie, comme on dit.

- Elle est jolie ? C'est tout ce que tu arrive à dire ?

Je souffle par le nez, essayant de me contenir de le frapper. Je ne peux décemment l'abimer. J'ai promis de ne pas faire de vague et voilà que cet imbécile et un prince de pacotille suffisent à me faire perdre mon sang froid !
Je me rapproche de son oreille et murmure de la voix la plus froide dont je suis capable:

- La prochaine fois que je te vois tourner autour de ma soeur, je n'hésiterai pas.

Sentant une présence, je le lâche et réajuste le col de Benjamin. Je manque de m'étouffer en voyant le nouveau venu. Et m...

Je passais par là, j'avais entendu un peu d'agitation dans le couloir. La luminosité y était faible... Je constate la silhouette de deux hommes, j'en reconnais un de suite, Erskine ! Et l'autre... Ha ! Le type avec qui il buvait hier dans mon bar. Je... Ne me dites-pas que... ?

Je me rapproche. Pourquoi Sky agrippe le col de... Ils sont proches... ? Non mais vraiment vraiment proches proches. Est-ce autant figuralement que cela ne l'est littéralement... ?!

Pourquoi est-ce que je ressens comme de la colère envers cet homme. Je le reconnais ce petit noblions là ! C'est parce qu'il m'a parlé comme un chien au bar que je suis énervé contre lui ! C'est certainement ça, il ne peut pas y avoir d'autres possibilités. Non ? Il était méprisable, il m'a meme insulté, c'est légitime que je ne l'apprécie pas ! Bon, insulté, insulté, j'exagère peut-être un peu mais c'est le diable incarné cet homme !

-Je vois que je dérange...
Fis-je acerbe.

Sérieusement ! De tous les mecs avec qui Erskine aurait pu fricoter, il a fallu que ce soit... ça. Cette larve là. Il a l'air aussi actif qu'un paresseux ! Et quand bien même, c'est une injure pour l'animal !

Je leur jette un regard des plus meurtriers, surtout à ce fils de bourge là. Bah ça y est, j'aurai l'air d'un homophobe ! Mais aussi... Les chambres, ça existe ! Et les portes, fermées à clefs avec triple cadenas, de préférence aussi !

Cela fait longtemps que j'ai été aussi en colère. Heureusement que je le cache bien ! Ou tout du moins que j'ai juste l'air froid...

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◦ With. Erskine Fraser & Earnest Wilde ◦

Erskine finit enfin par lâcher mon col. Enfin, Monsieur Fraser. Je ne sais pas vraiment comment je dois lui parler, maintenant. Je crois que je vais en rester à « Erskine, tu » ça sera plus simple. C'est un valet quand même. Je ne vais pas me laisser engueuler dans un couloir par un valet ! Je suis Vicomte ! Futur Duc ! Nan mais oh !

Une autre personne s'approche. Je me redresse et vérifie que je n'ai pas de faux pli dans mon costume. La pénombre m'aide à le reconnaître, malgré son uniforme militaire.

- Sommelier ?

Ah ben c'est le pompon ! Et il fait semblant de ne pas comprendre ce qui se passe ! Comme s'il n'avait rien à voir avec le fait qu'Erskine m'ait fait boire mon argent dans sa taverne ! Comme si ce n'était pas un coup monté à deux pour me pigeonner !

J'ai l'habitude de ce genre de chantage. Père en a déjà fait taire plus d'un. Je hausse les épaules. Je suis dans mon élément, maintenant.

- D'accord. Je vois ce qui se passe. Vous allez vous y mettre à deux, c'est ça ? Vous voulez quoi ? Les bijoux de ma famille ?

Je soupire devant le regard atroce et venimeux que me lance le patron du bar. Ce n'est pas la première fois qu'un videur vient rouler des mécaniques pour me faire peur et réclamer de l'argent à Père. Ça ne sera pas la dernière fois. C'est presque ennuyeux à force. Ils font peur mais rien de plus. Comme des chiens qui aboient sans mordre. Il suffit de leur jeter un os à ronger.

- Quelles que soient vos revendications, Messieurs, je suis certain que nous trouverons un terrain d'entente. Bien qu'Erskine ici présent ait repoussé certaines de mes propositions, il y a sans doute moyen de nous entendre, Sire Sommelier.

J'attrape Erskine et le nouveau venu par le bras, les tire sèchement dans la pénombre de l'alcôve.

- Il vaut mieux deviser de ces choses-là un peu plus en privé qu'au milieu du couloir, vous ne croyez pas ?

Je leur lance un regard complice et entendu.

- Et au cas où je ne vous apporterais pas entière satisfaction, il ne faut pas hésiter à faire demander Père. Il possède certaines qualités que je n'ai pas.

Père est plus doué que moi pour négocier avec les maîtres chanteurs. Il a accès à la totalité du domaine, à la totalité des richesses de la famille, il peut même au besoin faire pression sur mes sœurs pour qu'elles-mêmes fassent pression sur leurs maris afin de contribuer pécuniairement à acheter le silence des deux hommes, au besoin.

Hey, peut-être qu'au final, tout ça est une machination montée par Keana aussi ? Me faire tomber amoureux d'elle, puis me faire picoler avec son frère, puis me faire chanter doublement.

Ça serait bien un truc de femme, de faire ça.

Earnest nous foudroie du regard. Tous les deux... Bon sang, qu'à-t-il vu ? Qu'a-t-il compris ? Mon sang ne fait qu'un tour quand je réalise qu'on pourrait avoir l'air proches. D'autant plus qu'il nous a vus au bar l'autre soir...
Mais quel... Aaaah jusqu'au bout, il me fera chier, ce con de Ben ! Et il se méprend totalement sur la situation. Il est vraiment désespérant. Bon et bien maintenant, Earnest sait que j'aime les hommes... À cause d'un homme que je déteste. Je n'ai qu'une envie, c'est de lui refaire le portrait.
Je serre les mâchoires et les poings. Ces derniers tremblent et cette fois, ce n'est pas le manque d'alcool qui en est responsable. Je souffle par le nez.
J'allais parler, mais l'idiot me devance. Il me prend par le bras pour m'emmener à l'écart. Je remarque qu'il fait de même avec Earnest.

De base, c'est un geste que je n'aime pas vraiment. Du moins quand la personne ne m'est pas assez familière pour cela. Mais depuis la guerre, j'ai certains réflexes. Je suis à cran et c'est ce connard qui se le permet.
Je me retiens de lui tordre le bras, juste à temps. J'ai son poignet entre mes doigts, serrant à m'en faire blanchir les phalanges. Je me dégage brusquement de son emprise.
Une colère noire monte en moi. J'ai également envie de le faire lâcher Earnest. Parce que Monsieur a de l'argent, il s'est permis une telle familiarité. Mais ce n'est pas acceptable. Sauf que, au vu de ma position sociale et des événements de la soirée, je ne peux pas me permettre de réagir comme je le voudrais. Je l'ai promis, pas de vague. Pas de vague. Pas de vague. Pas de vague.

- Tu me touches encore et je t'assure que mon poing se fera un plaisir de retrouver tes dents. Je souffle froidement en direction de Benjamin.

Mais il n'écoute rien. Il continue sur sa lancée. Il est là à parler de son père, de l'argent qu'il pourrait nous procurer.

- Mais qu'est-ce que j'en ai à faire, de ton père ? Mon père par-ci, mon père par-là. Tout ce que je veux, c'est que tu laisse ma famille. Et que tu te tienne loin de moi. Et ce n'est pas ton argent qui me fera passer l'envie de te refaire le portrait. Est-ce bien clair ?

Sommelier ? Ne sait-il donc pas que j'ai un nom et prénom comme tout le monde ? Il a l'air de connaitre celui d'Erskine... Il ne semble pas le nommer palefrenier, à ce que je sache ! Comment était-ce déjà ? "Kiriki" ? "Kiriri" ? Non, c'est vrai "Kikine" ! Tss. Sky est un surnom moins dégradant... Pff. Qu'est-ce qu'il lui trouve à ce fils de noble ? Il est... Odieux !

Je ne comprends pas trop le "Vous allez vous y mettre tous les deux" mais je suppose qu'il s'est mal exprimé. Comme si j'allais raconter pour leur liaison... Tss.

-Ha bah moi aussi, je vois ce qui se passe ! Et vous me prenez pour qui ? Vous n'avez pas besoin d'acheter mon silence, je ne dirai rien.

Je veux le bonheur d'Erskine après tout, et si c'est avec ce... Ce Eurk. Je lui dirai qu'il a de mauvais gout, mais qui suis-je pour juger, le mien se mure dans le silence et dans l'ignorance depuis la mort brutale de son père ! Peut-être n'est-il pas aussi terrible qu'il en a l'air à première vue ?

"Bien qu'Erskine ici présent ait repoussé certaines de mes propositions..." ? Pardon ?!

Je retire ce que je viens de dire, il n'a aucune morale ! Il~ ! Il~ A Erskine ! Il a osé lui faire du chantage ? Ou ! Non ! Il n'a pas osé donné de l'argent à Erskine pour coucher avec lui ?! Erskine n'est pas un putain ! Ce dernier lui a sans doute fait comprendre. Mais Lord Deverill a sans doute abusé de sa position d'héritier de Duc pour faire pression sur mon pauvre Erskine et l'obliger à accepter sa proposition indécente ?! C'est~ C'est un salaud de la pire espèce !

J'allais lui foutre un poing dans la figure pour cet affront à mon ami d'enfance quand ce connard nous attrape, Erskine et moi, pour nous faire un accolade comme si nous étions amis depuis toujours ! Ce rustre personnage, n'a-t-il donc pas appris à ne JAMAIS toucher un ancien Officier, en colère, à vif, à cran et passablement irrité par cet espèce de... De prétentieux qui se croit tout permis ! Et encore, je suis bien gentil dans mes termes !

Sans plus de cérémonial, Erskine et moi avons la même réaction de rejet. Lui, beaucoup plus modéré que moi. Je le vois juste échappé à son emprise, moi je lui mets un genoux dans le ventre, il a de la chance que je n'ai pas mis un coup plus bas, mais en tant qu'homme, je ne m'aviserai pas d'un acte aussi barbare, grr, j'en frissonne d'effroi rien que d'y penser, même s'il l'aurait mérité ! Je pose une main sur son épaule, le force à se mettre à terre, à plat ventre, tout en lui coinçant son bras avec mon genoux sur son omoplate. Il est immobilisé et il a mal, je sais qu'il a mal, j'ai fait exprès pour...

Je laisse Erskine répondre froidement à ce type en dessous de moi, bien fait, connard ! Une fois qu'il eut terminé, je pris moi-même la parole, du ton le plus calmement dangereux que je puisse faire, et d'après mes hommes, c'est terrifiant quand je suis dans cet état. Et c'est rare quand je le suis !

-Ecoute-moi, fils à papa. Je m'en fous de ton père. Il est hors de question qu'un type de ton espèce pose encore une fois les mains sur Erskine ou ose me toucher. Tu refais encore une fois cette erreur, et je te déboîte l'épaule. La guerre n'apprend pas seulement à tuer, elle apprend aussi à faire mal, très mal. Donc comprend bien cela, tu mets ta main en contact avec nous et tu le regretteras amèrement que tu me supplieras de t'achever, est-ce que cette information est bien entrée dans ta caboche ?

Je n'hésite d'ailleurs pas à appuyer là où cela fait mal pour qu'il comprenne ce qui l'attend si jamais il ne respecte pas sa parole, car il est certain qu'il va me la donner, ce connard !

Voilà les emmerdes ! - Annexe au Bal

◦ With. Erskine Fraser & Earnest Wilde ◦

Je pensais que la perspective de recevoir de l'argent allait suffire à calmer tout le monde. Il faut croire qu'en fait, je ne connais rien de ce qui se passe dans la tête des gens du bas peuple. Ou alors, ils sont fous. Ou c'est moi qui suis fou, de croire que l'argent fait tourner le monde ?

Le point positif, c'est que le silence du sommelier ne coûtera rien. Il ne dira rien, quoi qu'il arrive. Bon, c'est déjà ça de pris. Ou pas en fait, parce que, s'il n'est pas là pour me soutirer de l'argent, que veut-il en fait ? Il me regarde d'un air dégoûté. Je ne comprends rien.

J'ai mal au ventre, je suis face contre terre, j'ai le bras tordu en arrière. Que vient-il de se passer ? J'ai la tête qui tourne, j'ai mal partout, des papillons noirs devant les yeux, des sifflements bizarres dans les oreilles.

J'entends vaguement Erskine me menacer de m'en coller une à son tour si je le touche à nouveau. Mais ? Je suis fils de Duc ! Je suis le Vicomte Mandeville ! Ce soir c'est ma fête à moi ! Le bal c'est pour moi ! (Enfin, et Lola, et une autre fille aussi je crois, mais passons.) Ils ont pas le droit ! C'est pas juste !

Et l'argent qui ne sert à rien ? Mais c'est qui ces gens !

J'en ai les larmes qui me montent aux yeux.

- Mais vous voulez quoi à la fin, si vous ne voulez pas mon argent, ni celui de Père ?

Je gémis pitoyablement. Je n'arrive pas à faire grand-chose d'autre de plus. Je sais me battre, mais à la loyale ! Pas dans un couloir, pas avec mon adversaire perché sur mon dos ! Pas avec le bras tellement tordu que j'ai l'impression que mon épaule va se déboîter !

- Vous en faites des histoires pour cette fille ! Je l'ai même pas touchée, moi ! C'est à peine si j'ai pu lui parler un peu ! D'habitude quand c'est des histoires de fille, suffit de donner une certaine somme et le problème est résolu. Mais là je vois même pas où est le problème, j'ai à peine discuté avec elle !

Au cas où quelqu'un serait aux écoutes dans le couloir, je rajoute, dans un éclair de lucidité :

- Je suis fiancé en plus ! Pourquoi j'irais courir derrière une fille de ferme alors que j'ai une fille de Duc qui va m'épouser ?

Au moment où ces mots sortent de ma bouche, je sais que c'était une mauvaise idée. Trop tard. Si les mots écrits peuvent être détruits juste après avoir été couchés sur le papier, les mots prononcés, eux, deviennent incontrôlables une fois envolés d'entre les lèvres.

Le sommelier perché sur mon dos tire encore un peu sur mon bras et je laisse échapper des sanglots.

- Je serai sage c'est promis ! Mais lâchez-moi s'il vous plaît !

Je n'ai qu'une envie : retourner en courant me planquer derrière mon Père dans le fumoir. Lui, il sait utiliser son titre pour en imposer. Moi, pas !

Pour ne rien changer, il pleurniche. Ce qui me surprend par contre, c’est la réaction Outremont plus violente que la mienne d’Earnest. J’avoue qui si je n’avais pas autant à perdre, je l’aurais continué, ce geste. Ce n’est pas l’envie qui manque ! Mais je pense à Olivia. La réputation des Percy également. Elle passe aussi par le personnel. Et honnêtement je n’en aurais pas grand chose à faire si cela ne concernait pas également ma famille d’autres personnes à qui je tiens. Je ne peux pas me permettre de me laisser aller à mon instinct. Il faut que je maîtrise.

- Encore heureux que tu ne l’ai pas touchée ! Dans le cas contraire, je n’aurais pas eu la retenue de mon ami… Ma sœur n’est pas une putain que tu peux acheter avec des pièces, espèce de salaud !

Benjamin rajoute quelque chose qui me fait complètement vriller. J’étouffe un cri de rage et me retiens de le frapper. Earnest le tient immobile au sol. Ce serait si simple…
Je ne me reconnais pas, je ne suis pas aussi violent, normalement.

- Tu est fiancé et c’est pour ça que tu te déguise en pauvre pour courir les bordels et te soûler ? Keana n’est pas une des ses filles ou une fille de ferme. Tu pleure que tu l’aime mais tu n’as aucun respect pour elle.

Je lâche un rire condescendant, moqueur quand il se met à pleurer.

- Tu joue aux cons mais dès qu’ils s’agit d’assumer tes actes, tu vas pleurer chez papa en agitant de l’argent ! Tu fais vraiment pitié !

Je sens que si je reste plus longtemps je ne vais pas réussir à me retenir. Je lève les yeux vers Earnest et crache dans un murmure aussi glacial que le plus froid des hivers:

- Je te le laisse. Fais-en ce que tu veux. Je sens que je vais faire une connerie si je reste ici.

Ensuite, je m’en vais d’un pas rageur. Désolé Earnest, de te laisser dans cette position. Mais tu m’as déjà vu ce soir d’une façon que j’aurais préféré éviter. Je ne veux pas te dégoûter encore plus…

Rho mais quel pleutre ! Que dis-je, poltron ! Qui sont la femme et l'homme qui ont pu engendrer pareil fils ? Je ne sais si c'est l'éducation ou les gènes qui lui font défaut, à ce Ben, mais il est certain qu'il y a eu une erreur lors de la production de cet "adulte".

Je dis "adulte" mais il est évident qu'il n'a rien d'une personne majeur, si ce n'est le physique ! Mais rien ne pourrait mieux lui correspondre que "L'habit ne fait pas le moine".

Cette fille ? Mais quelle fille ? Pour quelle femme Erskine serait dans cet état ? Lily-Rose et... Keana !

Au fur et à mesure de leur conversation, je comprends qu'il s'agit de la sœur de mon ami. Il me faut du temps pour comprendre. Ne me dites pas que... Ce ! Ce bon à rien à oser causer du tord et à Erskine, et à sa sœur, Keana ! Comme si Erskine n'était pas suffisant ! Je~ Je ne suis pas d'accord avec ce manque de respect envers MON Sky ! Oui, envers Keana aussi, mais surtout Erskine !

Et en plus des deux membres plus jeunes de la famille Fraser, il a fallu qu'il soit le fiancé d'une autre demoiselle ! Il~ Rha ! Il cherche vraiment à ce que je le tue. Il a vraiment de la chance que je ne veuille pas souiller le sol de son sang... tss.

Au parole d'Erskine, j'aurai aimé le retenir, lui parler de ce qu'il a vécu dans les griffes de ce satané fils de Duc. Il est sans doute en panique ! Le pauvre ! C'est sans doute pour ça qu'il part aussi précipitamment. Il a sûrement besoin de temps pour digérer tout ça. Je l'aurai bien suivi mais j'ai encore un truc à régler.

Toujours là pour casser les pieds, lui !

Je soupire et desserre mon emprise sur lui, pour lui dire d'un mortel.

-Tu en parles à quiconque, particulièrement à ton papa chéri, et je te jure que tu le regretteras. Je suis peut-être qu'un Colonel et toi, un fils de Duc, sache que j'ai des connexions plus haut placé que tu ne le penses, ils m'aideront sans hésiter à nier les accusations que tu feras contre moi, ou pire encore, contre Erskine. Tu t'en prends encore à lui de n'importe quelle façon, et je te promets que je ferai de ta vie un enfer.
Je dois admettre ne pas aimer utiliser ainsi mes amis, profiter de leur nom, ce n'est pas mon style mais je dois avoir de quoi protéger mes arrières si jamais il essaye de m'attaquer en traite, ce con de lâche.

Je me relève, le libérant. C'est à peine si je lui offre un dernier regard que je le quitte, le laissant à terre ou debout dans l'indifférence totale.

Je m'arrête néanmoins brusquement pour rajouter, pour être certain qu'il ait compris le message. Je me retourne pour qu'il voit mon visage, surtout mon sourire le plus faux et le plus hypocrite que je puisse faire.

-Sache juste que je respecte toujours mes promesses.

Avec mon ton, cela pourrait presque être une bonne chose. Enfin cela l'aurait été si la nature de la dite promesse était tout autre...

Voilà les emmerdes ! - Annexe au Bal

◦ With. Erskine Fraser & Earnest Wilde ◦

Erskine prétend que son ami le sommelier s'est comporté avec « retenue ». Et ben dites donc si c'est ça la « retenue » des petites gens, je vais commencer à y regarder à deux fois avant de sortir du milieu de la noblesse ! Je crois que même mon valet de chambre je ne vais plus le regarder de la même façon.

Je cligne des yeux lorsqu'il assimile le fait d'acheter le silence ou les services de quelqu'un, à de la prostitution. Déjà, comme si c'était « pas bien » les services rendus par ces personnes. Ou alors c'est le fait d'avoir recours à leurs services qui est pas bien ? Leurs conditions de travail ? Ou juste le fait d'acheter le silence de quelqu'un, d'augmenter la somme proposée jusqu'à ce que la personne cède ?

Mes neurones chauffent sous mon crâne et je n'aime pas ça. Ça me donne mal à la tête, et ça ne va pas du tout dans le sens de l'éducation que j'ai reçue. Il me reproche ce que font tous les jeunes de mon âge et de mon milieu... C'est pas juste !

- Tous mes potes font ça, nos pères faisaient ça avant nous... C'est pas possible que ça soit mal, ce que tout le monde fait sans que ça dérange personne ! Enfin, personne à part toi et ton petit ami, là.

Je fais un mouvement de la tête en direction du militaire perché sur mon dos, et renifle. J'ai le nez qui coule à force d'avoir les larmes aux yeux.

Je me retiens de répondre quand il me dit que je n'ai pas de respect pour Keana. Comment je peux manquer de respect à quelqu'un qui ne veut même pas interagir avec moi ? Mais c'est le genre de chose qui rentre par une oreille et ressort par l'autre, chez ces gens. Les chevaux et le crottin, ils comprennent – le jeu de la séduction, la vie de jeunesse d'un noble, ça ils ne comprennent pas.

Euh attends, il ne va quand même pas me planter tout seul avec ce sauvage de militaire sur le dos ?

Si, il le fait.

Mon sang se glace dans mes veines. Les menaces sont terrifiantes. Beaucoup plus terrifiantes que tout ce que j'ai pu vivre comme chantage jusqu'à présent. Ces hommes ne veulent pas d'argent. Je ne comprends pas ce qu'ils veulent, mais ce n'est pas de l'argent.

Je déglutis et couine vaguement en réponse :

- J'ai compris. Vous ne me verrez plus, je serai sage, c'est promis. J'irai pas courir les filles, j'irai pas au champ de course, j'irai pas boire avec les amis, je resterai sage ! Je serai le fils idéal ! Je promets tout ce que vous voulez, mais lâchez-moi s'il vous plaît !

Il me laisse enfin, s'éloigne après m'avoir lancé un sourire carnassier. Il me fait l'effet d'un loup affamé et sanguinaire. C'est terrifiant.

L'espace d'un instant je me dis que, c'est peut-être Père qui a monté tout ça, pour me faire rentrer dans les rangs. Je dois dire une chose c'est que, c'est réussi. Je vais devoir demander discrètement de l'aide à un valet des Percy pour aller changer de pantalon avant de retrouver Père dans le fumoir.

» Kelpie, nous voilà !
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