Kelpie, nous voilà !

A croire que la réputation de mon père sera mon héritage, le seul que j'obtiendrai ! Avec le bar et l'entreprise, évidemment. Mais au fond, je les ai déjà, c'est l'argent que j'ai reçu de mon service dans l'armée qui a lui a permis d'acheté tout cela. Fulminais-je. 

Le cuisinier des Percy, un vieil homme croulant, sait mon père malade, et ne sachant se débrouiller seul, il a fait appel au fils du sommelier de bière très réputé auprès du bas peuple. Autrement dit, mon père, autrement dit, moi, par lettre pour sûr. Il n'a pas eu l'audace de me le demander en face. Dire que je l'ai vu, il y a quelques jours dans mon bar... Je vais y aller, évidemment. Mais c'est juste pour garder de bonne relation avec lui, et aussi pour qu'il passe l'éponge sur l'accident survenu à sa cuisine, avec Sky... Je me demande ce qu'il est advenu de celui-ci, sûrement mort au front. C'est dommage, il a été mon premier ami. 

 

En train de nettoyer les box, je lève la tête en entendant des bruits sabot se rapprocher de l'entrée. Je le reconnais tout de suite. Je le regarde descendre de sa monture, adossé à une poutre, bras croisé sur la poitrine.
Un rire dans la voix, je demande :

- Je te manque tant que cela, Wilde, que tu viens me chercher jusque chez moi ?

Cela fait quelques temps que j'essaye de moins me présenter dans son bars. Hier soir, par exemple, j'ai réussi à m'abstenir de boire. J'en suis même plutôt fier. Mais j'y pense sans arrêt. Les douleurs, la sueur, les tremblements, la concentration qui me fait défaut... Mon père m'aide beaucoup. Heureusement qu'il est là. Il se montre d'ailleurs bien plus patient depuis que je lui ai soufflé ma volonté de me reprendre en main, de ne plus boire.
J'essaye de me montrer à Wilde sous un jour bien meilleur que je ne le suis en réalité mais je ne pense pas qu'il soit dupe. Je m'approche de sa monture, admiratif.

- Magnifique Shire que tu as là !

Je flatte son encolure. Au cheval. Pas à Earnest. L'animal me pousse avec sa tête. Je souris, manquant de basculer. J'apprécie sa force et sa tonicité. Je ne peux m'empêcher de regarder ses dents qui je le constates sont en parfait état. Grand, robuste, puissant et en bonne santé. Belle bête.

- Allons voir pour te trouver de la place, mon grand. A côté de Kelpie, ça devrait aller.

Kelpie hennit en entendant son nom et sort la tête de son box, cou tendu au maximum. Je ris.

- Oui, je parle de toi, gros malin ! Je compte sur toi pour être gentil avec Centaur !

Je me fais la réflexion que c'est un nom bien étrange pour un cheval. Mais allons bon, Kelpie ne l'est pas moins ! Deux créatures mythiques qui peuvent se confondre pour un non connaisseur pour deux chevaux qui être côtes à côtes.
Cela me fait étrangement penser à Art, mon ami d'enfance. Je me demande s'il va bien. Est-il seulement vivant ? Je l'espère... Je réprime un soupire et conduis Centaure au box jouxtant celui de Kelpie. Un Frison aussi noir que la nuit et au poil aussi brillant que ses étoiles. Mon fidèle ami hoche la tête avec de grands gestes, faisant jouer sa puissante musculature. J'aime bien prêter un sens à sa gestuelle et m'imagine qu'il me montre son approbation au fait que je ramène un nouvel occupant dans les écuries. Je souris. Je me sens bien avec les chevaux. C'est d'ailleurs en grande partie grâce à eux que je tiens le coup. Et pour Elle. Olivia. Je le dois aussi à l'homme qui se trouve dans mes écuries. Ce sont encore celles de mon père mais je les gère souvent seul quand il doit s'absenter. Aujourd'hui est l'un de ces jours.

- Plus sérieusement, je suppose que ce n'est pas ma formidable personne que tu recherches à ce point. Qu'est-ce qui t'emmène ici ?

J'essaye de sourire et réprime la nausée qui me vient. Les effets du manque... Je me sens encore plus minable que quand je bois. Mais il faut que je tienne bon.

Cette voix, serait-ce... ? Fraser... Erskine Fraser. Jeremiah Fraser... Je viens seulement de faire le lien ! Quelle ironie tout de même, le fils Fraser et le fils Wilde qui remplacent leur père dans leur profession. A croire que nous étions prédestinés à nous rencontrer ici, pour la deuxième fois. Comme le faisait sans doute nos paternels ! 

-Tu aimerais bien, hein Fraser ? 
Dis-je en me moquant légèrement de lui. Je ne suis pas aussi désagréable avec lui, pourtant il est vrai que mon client préféré et que le meilleur de mes habitués, qui ne sont qu'une et même personne se fait de plus en plus rare. Je pourrais donc lui en vouloir de cette absence, moi qui pensait qu'il venait au bar pour me voir ! Me voilà déçu ! Rhalala, je vais arrêter ce délire avant que cela ne se propage. Ces choses-là sont bien pires que des fléaux. 

Une fois au sol, je me permets de le regarder. Il semble aller bien. Mais il ne faut pas confondre le verbe sembler et être. La plupart des gens s'accordent à dire si une personne va bien ou non simplement en se basant sur le paraître. Mais qu'il y a t-il de fiable là-dedans ? Rien. Ce n'est que faux. Rien de concret, juste un simulacre. C'est connu, les apparences sont trompeuses. Pourtant je n'aborde pas le sujet fâcheux. Son indépendance vis à vis de l'alcool. Je ne parle pas non de ses symptômes qui lui donne, je ne vais pas mentir, une sale gueule ! Celle-ci s'ouvre pour parler de mon Shire. Le complimenter. Venant d'un connaisseur de cheveux, je ne peux qu'être fier. Centaur, du même avis que son maître, hennit et tapote de son sabot le sol. Trois fois. 

Le sommelier du jour se permet un sourire à son compagnon animal depuis trois ans, non sans avoir caresser la crinière de son fidèle destrier. 
-Il fait toujours cela quand il est content. 

Cet animal aime être remarqué, et de part sa nature imposante, il est rare de passer à côté de lui sans le voir ! C'est la race de cheval la plus grande, bien que plus lourde aussi. En tant que cheval de trait, c'est normal. Il est tout de même sage, malgré son corps imposant. Il aime recevoir de l'attention. Son seul défaut, ce serait peut-être son côté maladroit... La bête veut bien faire, je ne peux dire le contraire mais parfois... Hum... Comment dire ? Un exemple sera plus parlant, je faisais une balade avec mon cheval, pour nous faire une pause, le problème c'est que Centaur s'était mis brusquement à accélérer sans se rendre compte de la branche de l'arbre... Résultat, je suis tombé de lui, et... Il ne l'a même pas senti ! Il porte bien plus que ma masse seule, donc il ne sens que mes mains qui le caressent sur sa nuque, pas sur son dos. J'ai juste attendu qu'il revienne, il allait bien se rendre compte que je n'étais plus sur lui... Il était revenu, une dizaine de minutes plus tard en courant. Pas trop tôt ! Je ne lui en ai pas voulu, je sais qu'il reviendra toujours, il faut juste qu'il... hé bien, sache quand je suis là ou non ! Il est encore jeune, et fougueux. Et il est beau, pour un cheval de trait. Du moins, c'est ce qu'on m'a toujours dit. Et le plus important, après sa fidélité, il est très compétent dans son job que sa mère lui a attribué. Comme quoi, parfois, le sang défini notre avenir, même si ce n'est pas par choix. Le monde est injuste. Même pour les cheveux. Pourtant, j'aime à croire que Centaur aurait pu être plus mal loti. Surtout quand je le vois dans ce box, celui-là même dans lequel Erskine a mis mon cheval. 

-Une place de choix ! A côté de... 

Aurai-je rêvé ? 

-Comment avez-vous~ Qu'as-tu dit, Fraser ? Ce cheval se nomme... ? 

Je sens un élan d'anticipation, je me demande si Sky est là ? Cela fait si longtemps ! Je me demande s'il va bien ? Non, je ne devrai pas espérer. Il est sûrement mort, ou sans doute m'aura-t-il oublié ? Moi, en tout cas, je n'ai pu me résoudre à oublier mon premier ami, donc d'office, mon premier meilleur ami. Je souris, dans un élan de nostalgie, Sky aussi aurait pu être de ce genre là, s'adresser ainsi envers un animal, sans être rebuté par son nom. 

Je m'approche de "La perle noire" pour le caresser, Kelpie... Est-ce cela son nom ? 
-Tu es aussi beau que ce que Sky m'avait raconté, je pensais juste qu'il fanfaronnait. Si tu veux mon avis, c'est un gars chanceux de t'avoir pour étalon.
Ai-je murmuré à la bête. Puis je lui ai parlé. 

-Et puis, ne les écoute pas, tu ne portes pas malheur. 
Lui assurais-je, je n'ai jamais eu peur de cette légende après tout. Ni du kelpie, ni du centaure, j'avais d'autre peur à l'époque. Et encore aujourd'hui. Ce n'est pas que je n'y crois pas, c'est juste que quand bien même cela existerait, hé bien tant pis. C'est la vie. Ce n'est pas plus dangereux que le tueur en série qui rode dans Londres. 

-Cela me navre de te blesser, cependant tu as raison. Je viens ici de la part du cuisinier des Percy. Je viens en tant que sommelier afin de lui conseiller une bière de mon cru pour accompagner le repas. Je suppose qu'il y aura bientôt des invités importants. Sur-ce, je dois m'y rendre avant que le vieux ne me dise, encore, que je suis en retard, comme mon père.

Sans doute, lui aussi, était-il trop occupé à parler au Fraser père ? Décidément, la vie peut parfois sembler n'être qu'un éternel recommencement.

Je retiens un rire. Nos piques habituelles me manquaient un peu, a vrai dire. C'est agréable de le voir dans un autre contexte que le bar et... sobre.

- Tu n'osera pas l'avouer, mais ton coeur meurtri par mon absence clame le contraire, Wilde !

J'apprécie le fait qu'il connaisse bien son cheval. Encore une preuve qu'il s'en occupe bien.

- Et bien moi aussi, je suis content de faire ta connaissance Centaur. Je dis doucement.

Il me suit docilement. Je ne suis pas surpris outre mesure. Cette race est réputée pour son calme et son bon caractère. Agréable à vivre.

- Une place de choix ! A côté de...

Je ferme la porte du box, arrête mon geste puis me retourne vers Earnest, ne comprenant pas son trouble.

- Kelpie. Il s'appelle Kelpie. Je l'ai eu il y a quatre ans. J'en rêvais depuis que je suis enfant !

Il s'approche de mon ami chevalin et le caresse, l'air admiratif. Un élan de fierté gonfle ma poitrine et mon coeur rate un battement quand il parle. J'écarquille les yeux.

- Toi ?

Ma voix n'a été qu'un murmure, je ne suis pas sûr qu'il m'ait entendu. Le doute m'assaille. A-t-il bien parlé de Sky en tant que personne ?C'était ainsi que Art m'appelait ! Non, c'est impossible, j'ai mal entendu !
Art ne peut pas être Earnest Wilde. Earnest Wilde ne peut pas être Art. Mais ce qu'il dit ensuite à Kelpie ne permet plus le doute. Cela fait bien trop de coïncidences. Kelpie et Centaur ! Rien que cela aurait du me mettre sur la piste !
La raison de sa venu me passe complètement par dessus et je dis plus fort, d'un voix tremblante:

- C'est toi, Art ?

Je m'assoit sur le tabouret près du box de Kelpie, du moins, je m'y laisse tomber, mes jambes ne me portant plus. Soudain, toute cette familiarité que je n'arrivais pas à comprendre quand nous nous sommes rencontrés au bar... Cette impression de le connaître... Ce n'était pas qu'une impression ! Tout s'explique !
Le temps est vraiment étrange ! Alors qu'il ne nous a fallut que quelques minutes seulement pour se connaître "depuis toujours", une dizaine d'années ont fait de nous de parfaits étrangers...

Sentant mon trouble, Kelpie passe sa tête par dessus la porte de son box pour l'appuyer sur mon épaule, soutien incroyable. Je lui caresse les naseaux distraitement, tout en fixant Wilde, non, Art, comme si j'avais vu un fantôme...

-Je ne peux décidément rien te cacher, Fraser. Mais si mon coeur clame comme tu le prétends, c'est que tu y as mis la main dessus ? Et si tu as mis la main dessus, à qui la faute de ma venue ? 
Demandais-je, avec un sourire narquois, et un rire peu sérieux. Nos joutes verbales m'auront manqué. Qu'il me semble loin le temps où nous ne pouvions pas nous supporter sans que l'un de nous deux n'assène une pique à l'autre, où j'étais derrière son dos. Même si je sais que je dois encore le supporter, sans qu'il ne le remarque ou ne l'accepte, je vois dans ces petits moments ainsi, synonymes de victoire, sa progression. 

Au fond, je crois bien qu'il a mis la main sur mon cœur, juste... pas dans le sens qu'on connait tous. Sa peur d'avancer m'a semblé être la même que celle que je portais d'antan, et peut-être celle que je porte encore aujourd'hui. D'une certaine façon, je vois d'un peu de moi en lui, mais tandis que lui marche, un pas après l'autre. Moi, j'ai ce sentiment de faire du sur place. Si c'est par procuration, est-ce vraiment avancer ? Je suppose que non. Ce n'est pas grave, cela me va aussi. Je suis déjà très bien là où je suis, je peux me permettre de rester sur mes acquis, le temps qu'Erskine me rejoigne, non ? Et quand il m'aura dépassé, hé bien je crois que ce sera à ce moment là que je devrais me remettre à jour. En regardant Erskine, je pense encore du temps devant moi. Quand il ne voudra plus besoin d'oublier, je crois que pour ma part, j'aurai besoin de me remémorer. Car, dans le monde des rêves, je n'aurai connu que la dystopie. Mais... dans le monde des rêves, j'aurai joué les amnésiques trop longtemps. 

-Kelpie... ? 
Je souris, alors je n'ai pas rêvé, Sky est ici. Sky est vivant ! Je me souviens de notre promesse. Et au fond, nous l'avons respecté, j'ai été présenté à Kelpie. Dommage que cela ne soit par Sky. Sky... Où est-il ? Qui est-il ? Qu'est-il devenu ? J'appréhende la réponse à ces questions, et si nous avions changé à tel point que nous n'avions plus rien avoir en commun ? Si nous sommes à des lieux l'un de l'autre, mon image de lui, de l'enfance commun me sera brisée. Je ne peux pas me permettre de perdre mon premier ami... Même si je ne l'ai plus revu depuis mes 11 ans. Son souvenir, c'est tout ce qu'il reste de lui, de notre amitié, et je préfère ne pas le remplacer par le Sky du présent. Parce que ce dernier pourrait ne pas apprécier ce qu'il voit... 

-Moi... ? 

Je ne comprends pas son trouble. 

Si c'est moi Art' ? Je me fige sur place et le regarde, les yeux écarquillés. Comment pourrait-il connaître mon surnom si... ? Si ce n'est pas lui, Sky ? 

Celle-là, je dois admettre que je ne l'avais pas venu venir. Moi qui ne voulait pas remplacer Sky, je crois que cela est chose faite. 

-Tu... Fraser. Je suis en retard. En cuisine. 

Suis-je en retard ? Oui. Est-ce une excuse pour m'éloigner de Sky/Erskine, peut-être. Fraser, Sky. Sky, Erskine. Ses surnoms s'entremêlent les uns aux autres que je ne sais plus comment le nommer ! 

Pourtant, avant que je ne sache cela, je le savais. Je savais comment le nommer, Fraser quand je lui fais une leçon ou quand j'aime l'embêter, et Erskine quand je vois que je peux me le permettre. Quand je veux lui prouver qu'il n'est pas seul. Que je peux me rapprocher de ce mur construit par nous deux, par lui, et par moi... Quitte à le détruire, le fracasser, le faire voler en éclat, tel un château de cartes, et si cela est impossible. Simplement le traverser, pour être là. Il n'a jamais été question de Sky. 

Je me dirige, après une petite caresse à Centaur, vers la sortie de l'écurie. 

Je dois avouer que je ne veux pas non plus perdre ce qui a été instauré avec Erskine, donc quitte à oublier Sky, je suppose que cela en vaut la peine. 

Je me retourne vers lui, qui semble encore sous le choc, et c'est avec le sourire espiègle qu'arborait presque toujours Art', que je lui propose de m'accompagner. 

-Tu veux venir avec moi ? Je suis certain qu’Antonio sera heureux de nous revoir, ensemble, dans sa cuisine. 

Ironique quand nous savons qu'Antonio, le cuisinier en chef, nous a interdit de mettre ne serait-ce qu'un pas dans son espace de travail. Après, son interdiction ne nous a jamais empêché d'y aller fouiner quand il n'était pas là !

Il ne s'agit que de simples plaisanteries, mais à ses mots, mon coeur rate un battement. Je décide de mettre cela sur le compte de mon état du moment. Il m'arrive de faire des malaises. Une des raisons qui fait que ce matin encore, mon père hésitait à partir et me laisser seul... Je prends le temps de respirer quelques secondes. Et grimace moqueur, après avoir repris contenance.
Est ce que je voudrais avoir la main sur son coeur ? Je ne le sais pas... Je me rends compte que quand il est là, je pense moins à Elijah. J'ai soudain peur. Peur de l'oublier. Non ! Je ne pourrai jamais l'oublier ! Je ne pourrai jamais l' oublier ! Jamais !
Je ne pourrai jamais l' oublier ! Jamais ! Jamais ! Je ne pourrai jamais l' oublier ! Jamais ! Je repousse l'idée loin de moi en même temps que l'envie, le besoin de boire. Car s'il y a bien une chose qui m'a fait tomber dans l'alcool, c'est la douleur de l'avoir perdu, Lui.

En se regardant, visiblement aussi troublés l'un que l'autre, on comprend qu'on se connaît depuis bien plus longtemps qu'on ne le pensait. Je secoue la tête comme pour m'ébrouer puis je me lève, mes muscles protestant douloureusement.

- Heu oui, les cuisines...

Me demandant s'il est déçu de voir ce qu'est devenu Sky, je retiens un sourire quand il me propose de l'accompagner. Je finis par lâcher un rire au souvenir que je n'aurais jamais pensé à associer à Earnest Wilde.

- Oh il sera plus qu'heureux, même !

C'est donc ensemble, adultes, que nous marchons sur nos pas enfants. L'innocence en moins.

Je hausse un sourcil à son trouble, ai-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? C'était juste... Une blague. 

C'est donc d'un pas confiant que je rentre dans la demeure des Percy. Prenant, la direction encore opposée à celle des cuisines, décidément Art' ou Earnest, je n'arriverai jamais à retenir ce chemin ! 
M’arrêtant brusquement, mettant un terme à mes pas effrénés, je me retourne vers Fraser et lui demande, en sachant plus ou moins la réponse. 

-Laisse-moi deviner... Je me suis encore trompé de direction ?

C'est avec un petit rire que j'accompagne la question. Cela me semble être un fort... Déjà vu. Peut-être que Sky et Art' n'ont pas tant que cela disparu. Simplement... En sommeil. Attendant impatiemment de pouvoir immerger de leur sieste, pour retrouver leur unique meilleur ami. 

C'est dommage, meilleur ami n'est pas synonyme de Fraser pour Wilde. Mais Earnest n'est pas contre, qu'un jour, ces deux termes "Erskine" et "Meilleur ami", ne redeviennent équivalents l'un à l'autre. Il n'empêche qu'il n'est pas dit que Sky adulte accepte. Le passé n'est plus qu'un amas de souvenirs. Le présent, quant à lui, peut s'avérer des plus liés à ces réminiscences. Mais à quel point sommes-nous attachés à ceux-ci ? Peut-être qu'au fond, il n'y a pas d'amitié qui tienne pour le futur, simplement des amis d'enfance. Et je dois avouer que je ne sais quel futur me semble le mieux.

Renvoyé des années en arrière, j'éclate de rire, retrouvant au passage une certaine insouciance que je ne pensais plus possible.

- Oui, "encore". Suis-moi.

J'ouvre la marche, passant devant lui sans un regard, puis au bout d'un moment, je m'arrête, toujours en lui tournant le dos.

- Je suis content que tu sois vivant, Art. Vraiment.

J'ai été plus que sincère, le coeur pris par l'émotion. J'ignore comment notre relation va évoluer. Peut-on effacer Art et Sky d'un revers de main ? Je ne pense pas, non. Tout comme nous ne pouvons pas effacer  Wilde et Fraser, Earnest et Erskine...

- Depuis le début, quand j'allais au bar, tu me semblais familier... Je n'arrivais pas à dire en quoi, mais c'était vraiment là. C'était très perturbant, tu sais ? Je comprends mieux, à présent. Et maintenant que je sais, ça me saute aux yeux, que c'était toi. C'est plus qu'évident, même !

J'espère ne pas avoir l'air ridicule. Peut-être que pour lui, ce ne sont que des souvenir et qu'on ne partage plus rien. Nous avons pris un chemin différent, après tout ces derniers ne font que se recroiser...

Comment, pendant tout ce temps, nous avons pu nous ignorer, ne pas savoir qui nous avions en face de nous ? Nous ne cherchions pas notre meilleur ami, moi dans le barman et lui dans l'alcoolique pitoyable que je suis devenu. La voilà, la réponse. Encore tout à l'heure je me demande ce qu'il penserait en me voyant dans ce état. Maintenant je le sais... Enfin je suppose.

Je me rappelle de nous enfants, le jour de notre rencontre. Je nous revois courir dans ces mêmes couloirs, complètement trempés par la pluie qui nous avais surpris à regarder le ciel. La naissance de Sky et Art. Esrkine et Earnest n'avaient alors aucune existence concrète pour l'autre malgré le lien qui s'était tissé entre nous alors.

- Espèce de pomme pourrie !

J'ai parlé avec un rire dans la voix. Ignorant s'il se souvient de cela, je ne sais pas s'il va se prendre au jeu. Et puis... Nous ne sommes plus des enfants... L'eau a passé, sous les ponts. Si cela se trouve, il pense que je suis ridicule, à me rattacher ainsi au passé, au souvenirs. Peut-être que pour lui, les souvenir ne sont... que des souvenirs et rien d'autre. Mais quine tente rien n'a rien. J'ai fait ou dit des choses bien plus stupides devant lui. Je ne suis plus à cela près. Peut-être que notre lien n'a pas totalement disparu.

Je ris avec lui, décidément ! Cela fait longtemps que je ne suis plus passé dans ces couloirs ! Hum... La dernière fois, je me souviens être passé devant un escalier, ce qui ne semble pas être le cas pendant qu'Erksine, et non Sky, me guide. J'ai compris, le saligaud ! Il m'a fait tourner en bourrique la dernière fois, cela fait si longtemps que j'en suis pas certain. Si cela s'avère que mes soupçons soient confirmés, je ne pourrais que constater qu'il a grandi, et que ces enfantillages ne semblent plus être d'actualités. C'est normal, le contexte a changé, et nous, nous avons évolué. Ou régressé, après-tout... Après tout, Sky et Art étaient encore innocents, joueurs, provocateurs, ils étaient heureux, qu'est-ce qu'il est advenu d'eux, de leur candeur ?

Une voix dans ma tête ne peut que me chuchoter la réponse que je ne connais que trop bien: la guerre. 

Il s'arrête brusquement, je m’apprête à lui demander ce qui lui a pris, quand ma parole de contestation se meure au fond de ma gorge, à l'entente de ses dires. 

-Et moi, je suis heureux que tu ne m'aies pas fait marcher des détours de détours comme la dernière fois que tu m'as montré le chemin jusqu'au cuisine... 
M'exclamais-je avec un rire pour le taquiner, bien sûr, je bluffais, mais quinze ans plus tard, je dois obtenir réparation s'il avoue les faits ! Hum... Ouais, je suis peut-être un peu trop têtu et trop patient !

Puis une fois qu'il s'est éteint, ce rire, je pose une main réconfortante et confiante, peut-être même un tantinet protecteur, la même que la dernière fois, dans le bar, sur son épaule. En signe d'acceptation de ce qu'il est. Sans doute, sans mot dire, lui avouer que ouais, peut-être que je l'accepte, lui Fraser, lui Erskine et lui Sky. 

-Je suis content aussi, Sky, que de te savoir en vie. 

Je retire ma main, après une tape "virile" mais pas blessante comme aime à l'appeler certains hommes, dans le milieu du dos, un peu en dessous de ses omoplates. 

-Ouais, je sais. J'ai ressenti quelque chose de similaire. 

Bon, ce "quelque chose" de similaire, je ne pourrais pas vraiment le décrire aussi bien qu'Erskine. Quand il s'agissait de dire mes sentiments, je devenais aussi bavard qu'un muet ! C'est pour dire ! 

Je me demande pourquoi je n'ai pas pu le reconnu plus tôt, mais soyons cohérent, cela aurait été impossible ! Cela fait trop longtemps et puis... On utilisait que nos surnoms. Je souris, avec mélancolie. Je revois nos pas s'enfoncer dans la pelouse tandis que nous faisions la course sous une pluie battante. 

Je rigole à l'entente de notre "insulte" d'enfant. Celle que j'avais criée, comment était tournée la phrase déjà ? Merde. Hum... Celui qui arrive en dernier est une pomme pourrie ? Cela se rapprochait, je pense. Je me demande pourquoi ai-je pensé à une pomme au lieu d'autres choses, comme "injure". Dans la précipitation, sans doute ai-je dit les premières idées qui me venaient à l'esprit. 

Si Erskine me regarde maintenant, il pourrait voir la courbe de mes lèvres, avec ce même sourire en coin et ce même regard espiègle qui ont précédé la course jusqu'à la demeure des Percy. 

Je dois l'admettre que le résultat de cette course improvisée fut plus que déconcertant. J'ai une revanche à prendre ! 

-Prouve-le. 
Le défiais-je, et prenant une avance, encore une fois déloyale -il ne faut pas changer les bonnes habitudes- je m'enquis de lui annoncer la règle, et ce, déjà en sprintant. 

-Le dernier arrivé dans la cuisine est une pomme pourrie ! 

J'ai l'avantage d'avoir démarré avant lui, mais lui connait par cœur le chemin jusqu'à la cuisine, moi, je n'ai que des souvenirs d'il y a plus d'une dizaine d'années ! 

-Au nom du bon vieux temps, Sky ! 

Nous n'avons plus 7 ans, mais je crois que cela fera du bien à Sky comme à Art' de se retrouver. 

Et je n'ai jamais dit que moi, j'étais mature, comparé à Erskine ! J'ai une enfance à rattraper, après-tout.

Je trouve enfin la porte de la cuisine devant moi, je ne saurai dire si Sky est vraiment sur mes talons, s'il est resté là-bas où s'il a essayé de me rattraper. J'ouvre la porte... 

Et, ne me dis pas qu'il va me refaire le coup de se faufiler pendant qu'en bon gentleman, je lui tiens la porte, pas cette fois !

Il joue le jeu. Je peux respirer ! Je ris, joyeux quand il comprend, après toutes ses années que je lui ai fait prendre des détours. Un écho du passé, un écho de Sky qui aimait faire des farces à Art résonne à nouveau dans les couloirs du domaine des Percy.

- C'est seulement maintenant que tu comprends !

Oui, ils sont de retour: Sky et Art. Ils n'ont pas disparus, ils se sont simplement mis en retrait pour pouvoir mieux se retrouver. Pas loin derrière nous, malgré les drames qui nous ont fait changer, grandir plus que de raison. Qui nous ont éloigné de ces enfants qu'on était.
Je suis ému quand il me révèle que lui aussi est content que je ne sois pas mort. Il me donne une tape dans le dos. Forte mais amicale. Ne m'y attendant pas, je sursaute.

Alors lui aussi, m'avait reconnu sans... Me reconnaître ? Bon sang, que c'est étrange ! Dois-je le voir comme un signe que notre lien est indéfectible ? C'est peut-être bien naïf, peut-être de faux espoirs. Mais j'ai envie d'y croire.
Earnest. Art rit quand je lui balance notre insulte de quand nous étions enfants. Ni lui ni moi n'avons oublié cette fameuse course. Pourtant, j'ai presque un sursaut quand je reconnais son expression. Je n'aurais jamais pensé revoir ce sourire et ce regard un jour !

- Le dernier arrivé est un pomme pourrie !

Replongeant dans notre enfance avec entrain, je commence à le courser en éclatant de rire. Je suis vite essoufflé. Il est déterminé, et ma condition physique n'est plus ce qu'elle était, il a largement l'avantage.
Et pourtant, la chance est avec moi. Du moins, la connaissance parfaite du chemin à suivre ! Grâce à ses hésitation, je regagne rapidement le retard que j'ai pris.

Nous arrivons en même temps. Tant et si bien qu'en voulant passer la porte de la cuisine nous nous percutons de plein fouet. Enfant nous passions peut-être à deux lorsqu'un seul battant était ouvert, mais aujourd'hui, et malgré ma perte de poids, nous sommes des hommes faits.
Des hommes faits qui jouent comme des gosses !
Je me retrouve par terre, les fesses douloureuses mais hilare.

- Qu'est-ce qu'il se passe dans ma cuisine !? Tonne une grosse voix que Art et moi connaissons bien.

J'avoue, la course en l'honneur de notre enfance, de Sky et d'Art, ceux que nous étions et ceux que nous n'avons jamais cessé d'être, était peut-être et je dis bien peut-être, une petite, minuscule, infime, dérisoire, insignifiante vengeance à l'encontre d'Erskine pour ses détours et détours de ces détours ! 

J'avoue que pour cette chute, j'y suis peut-être pour quelque chose. Et je dis bien peut-être. C'est juste que j'ai peut-être attraper l'épaule de Sky pour le ralentir et le dépasser. J'ai juste oublié qu'il était dur de dépasser quand il n'y avait plus de place. Nous tombons tous les deux à la renverse ! Le fait que j'ai tiré sur son épaule semble l'avoir fait se retourner et là, il tombe sur ses fesses et je le suis dans sa chute ! A cause de moi, son dos touche le sol et je me retrouve au dessus de lui, dans une situation assez... Douteuse. Je ris tout de même, n'ayant pas conscience que j'ai une jambe entre les siennes et une autre en dehors, ne voulant pas tomber sur lui, j'ai amorti la chute avec mes bras. Et maintenant, mes coudes se trouvent d'un côté et de l'autre de sa tête. Nos têtes sont... Proches. Et nos lèvres aussi. Je vois Antonio, et avec un regard narquois, dis à mon ami.  

-Erskine, je crois que nous avons trouvé notre pomme pourrie. 

Remarquant enfin que notre position pourrait être très mal perçue sous un angle plus... Ouvert dirons-nous, je me relève et tend la main vers Erskine pour l'aider. Je ne l'avouerai jamais mais... Sky et Art ont grandi et tout ce qui était enfantin à l'époque ne l'est plus forcément maintenant. 

-Rien de cassé ? 
A croire que je fais que cela ! J'ai blessé Oswald, ne me dis pas qu'Erskine est aussi blessé par ma faute ! 

-Vous allez me répondre, oui ! 

Reprenant contenance, comme si dès que j'étais rentré dans cette cuisine, je m'étais montré irréprochable, j'avance vers Antonio et me présente. 

-Bonjour Antonio, je suis le fils de votre sommelier habituel, ce dernier est mon père et en raison de maladie, il est absent et je le remplace. Puisse être notre collaboration bénéfique pour nous deux. 

Il me regarde, il regarde Erskine, il me regarde à nouveau, puis Erskine. Qu'est-ce qu'il a ? 

-Ho non... N'importe qui mais pas vous ! 

-Cela nous fait plaisir de te revoir aussi, papy. N'es-tu pas d'accord avec moi, Sky ? 
Dis-je faussement outré.

J'éclate de rire puis j'arrête de respirer quand je me rends compte de à quel point nous sommes proches physiquement. Je peux sentir sur mon visage, mes yeux ne peuvent se détacher des siens. Littéralement nez à nez, je me sens rougir et par un effort de volonté, je détourne le regard.

Mais du coin de l'oeil, je lui vois tout de même cette expression que je lui connais bien qu'il me dit avoir trouvé notre pomme pourrie.
Bon sang, Antonio !

Semblant enfin remarquer que notre position est... inappropriée pour les deux jeune hommes que nous sommes, il se redresse et me tend la main pour m'aider à me relever. Encore troublé, je mets quelques secondes avant de réagir.
Je me sens comme adolescent écervelé. Ce n'est que la main d'un ami, Erskine, pas de quoi s'affoler ! Un ami. Rien qu'un ami !

- Rien de cassé ? Me demande-t-il, sérieux.

Une ombre passe sur son visage, trop fugace pour que je puisse comprendre de quoi il s'agit. Je reprends contenance et secoue la tête en prenant sa main. Je me retrouve rapidement sur pied.

- Non, tout va bien.

Je crois bien que c'est un exploit de ne pas avoir bégayé ! J'espère qu'il n'a rien vu de mon trouble !
Earnest se tourne vers Antonio avec assurance et se présente. Les yeux rivés sur le dos d'Earnest, l'espace d'un instant, je revois Elijah qui lui aussi a toujours marché devant moi. Bon sang, mais qu'est-ce qui m'arrive ? Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je me passe une main sur le visage, déconcerté. Mon coeur bat à tout rompre, serré par la peine. Je ne peux pas oublier Elijah. Il ne le faut pas !

Je réalise alors qu'Antonio nous dévisage, tous les deux, tour à tour. Est-ce qu'il fait le lien avec les enfants que nous étions alors ?

- Ho non... N'importe qui mais pas vous !

Je crois bien que cela répond à ma question ! Je manque de m'étouffer quand Art l'appelle papy, partagé entre la surprise et le rire. Earnest a gardé cette insolence qui le caractérisait déjà quand on était haut comme trois pommes.

- Hein ? Si je suis d'accord ? Ben, je...

Antonio ne me laisse pas le temps de répondre, il éclate de rire. Un rire fort et sincère.

- C'est fou ce que vous avez grandit, vous deux et pourtant, on dirait que rien n'a changé... En tout cas, ça fait plaisir de vous revoir ensemble. Erskine à l'air enfin vivant ! Cela faisait trop longtemps que son rire n'avait pas résonné ici.

Je détourne le regard, ayant soudain envie de me faire tout petit pour me cacher dans un trou de souris.

- Et bien... Je suppose que vous avez à faire. Je vais vous laisser, maintenant que tu as retrouvé les cuisines, Art.

Je me demande s'il peut sentir mon souffle chaud cogner lentement sur lui ? Je me demande ce que doit penser Antonio. Nous avons l'air ridicule, comme ça ! Mais alors... Pourquoi mon rire se meurt dans ma gorge ? Parce que cela devient sérieux, trop sérieux. Grotesque ! Erskine n'aime pas les hommes. Il aime Lily-Rose. Je le sais. J'en suis convaincu. Cela m'arrange, pour dire vrai. Je n'aurai pas à me sentir comme si j'avais trompé Oswald. Parce qu'une position indécente avec Erskine ne vaut rien. Juste un accident. C'est cela. Une simple erreur de ma part pour l'avoir poussé. Rien de plus. Si ce n'est vraiment rien, je ne devrais pas me prendre la tête avec ça... Rho, et merde hein ! Ce n'est qu'un ami, rien qu'un ami !

Est-il blessé qu'il prenne autant de temps à prendre ma main ? Ça y est, j'ai encore foiré ! Bah super ! C'est irrité envers moi-même que je le tire vers moi, peut-être un peu trop fort. Décidément ! Je le fais exprès ou quoi ?

-Désolé.
Bougonnais-je dans ma barbe tandis que je l'avais trop rapproché ! Merci sentiments étranges qui ne m'aident pas ! Mais ce n'est qu'un ami, donc ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave, mais cela me perturbe quand même !

-C'est une bonne chose.
S'ensuit une demi-joute verbale avec Antonio, le pro du rodéo des mots. Moi, faire des jeux de mots dans ma tête pour penser à autre chose ? C'est mal me connaître... Grr, mais pourquoi je me connais si bien ?!

Je lui lance un regard d'interrogation. Qu'est-ce qu'il a ? Ne me dis pas qu'il a remarqué que quelque chose me turlupine ! Non, cela ne peut pas être ça. Et même si c'est le cas, il ne peut pas savoir de quoi il en retourne, n'est-il pas ? Je fronce des sourcils. Hum... Peut-être que ça n'a rien à voir ? C'est étrange, il a toujours été confiant. Là, il a bégayé, je n'ai pas rêvé...

Je n'ai pas le temps de lui demander de voix vive ma question muette qu'Antonio rigole, d'une voix forte et tonitruante. Il n'a pas changé, pomme pourrie un jour, pomme pourrie toujours.

-Nous sommes adultes, maintenant...
Dis-je, avec un sourire. Adultes ? Mon œil ! J'ai l'impression d'être un gamin qui se pose la question de "Est-ce qu'elle m'aime ? Non, je dois me faire des idées. Mais si c'était le cas ?". Enfin elle est il dans ce contexte.

J'hausse un sourcil fasse aux dires du cuisinier en chef, "Erskine a l'air enfin vivant" ? Je suppose qu'il parle de mon aide, au bar, pour lui faire arrêter son addiction malsaine à l'alcool ? Je crois... J'espère ! Son rire. Son rire. Il n'a pas changé. Mais il est difficile de vraiment rire dans le monde merveilleux de la boisson. Erskine au pays de l'alcool.

Du moins c'était le cas, avant. Il a changé. C'est tout ce qui devrait compter pour moi. Pour l'instant...

Et lui tapant une bonne tape "virile" -comme le dirait mon bon ami, Arthur- sur l’omoplate, parce que nous sommes amis, et c'est ce que font les amis... Je n'essaie absolument pas de me convaincre moi-même.

-Je te rejoins bientôt dans l'écurie, d'accord ?

Désolé ? Pourquoi s'excuse-t-il ? Il s'est arrêté de rire d'un coup. C'est mieux. Il faut que je reprenne mon sérieux. Sauf que je suis sûr qu'il a remarqué mon trouble ! Il me regarde en fronçant les sourcils mais il ne dit rien. Bon sang il a dû comprendre et il l'a mal pris. Pourtant je ne suis même pas sûr de ce que je ressens.  On se retrouve à peine et voilà que je gâche tout ! Foutu coeur à la noix, veux-tu bien arrêter de t'affoler pour un pet de souris ? De toute façon... Il est encore trop tôt pour que je m'intéresse à un autre homme...

Elijah doit se retourner dans sa tombe, à l'heure qu'il est ! Oh je m'en veux...
Une grande tape dans le dos de la part d'Earnest, Art... Earnest ? Bref... Il me donne une grande tape dans le dos et me dit qu'il me rejoint plus tard dans l'écurie. Le pense-t-il vraiment ? N'est-ce pas une façon de me congédier plus vite ? Non, j'ai dit moi-même que j'allais les laisser travailler. Et... Pour repartir il sera de toute façon obligé de passer par les écuries pour récupérer Centaur.
Oui, il le fera parce qu'il y est obligé. Je soupire et commence à m'en aller.

- Très bien. A tout à l'heure.

Je me rends compte compte que j'ai parlé un plus sèchement que je ne l'aurais voulu.

La suite des aventures de Kelpie & Compagnies est dans "Kelpie, je te défie !".