(TW : Relation toxique) Tu seras Secrétaire. [Angelica - Edgar]

Dans un soupir lasse, tu vois un homme venir. Tu espérais que ton regard meurtrier soit assez dissuasif pour que ton surbordonné ne vienne pas t'interrompre. Qu'est-ce que tu faisais ? Rho, voyons, là n'est pas la question ! Concentre-toi sur cet homme, qui arrive malgré ton avertissement silencieux. Tes hommes le savent quand il ne faut pas te déranger, tu leur fais toujours un regard qui se veut tueur, mais non, m'sieur n'a pas compris qu'il fallait, pour sa survie, éviter de te parler. 

-Boss ? C'est juste pour vous dire que, je pense, qu'il est fort probable, que vous ayez, dans toute votre grandeur, quelque peu oublié, même si elle le méritait sans doute~
Dit-il en tournant autour du pot, c'est bien cela qui t'irrite quand il s'agit de... Tu ne te souviens plus de son nom, tu crois que c'est Adams, mais tu n'en es pas certain. 

-Abrège. 
Fis-tu directement, tu ne vas pas pouvoir supporter sa voix encore très longtemps, ta patience a des limites très très limités. 

-Vous avez oublié de la nourrir. 
Avoue-t-il doucement, un peu recroquevillé sur lui en attendant de ta réaction. 

Tu fronces des sourcils, tu n'as pas d'animal de compagnie. Tu le saurais si tu avais un chien à nourrir ! Tu ne sais pas de qui il parle. 

-Qui ? 

Il te répond d'une vitesse effroyablement rapide. 
-La fille que vous avez ramené hier dans le bordel. Que vous avez mis dans la chambre, vous nous avez dit de nous en occuper pendant que vous vous chargez de quelque chose... On lui a donné de quoi dessiner, mais elle va finir par mourir de faim si cela continue ! 

Quel bande de crétin ! Tu comprends qu'ils ont confondu "s'occuper d'elle" et "l'occuper". Tu soupires d'exaspération, vraiment. C'est un bleu, tu voulais lui confier une mission facile, et il est même pas foutu de s'en occuper ! Tu comprends mieux pourquoi une fille est morte mystérieusement pendant qu'il l'a surveillait. Elle était morte de faim. 

-Dégage.
C'est avec une joie non dissimulée qu'il s'en va. 

Tu amènes quelqu'un d'autre, tu lui ordonnes de tuer celui qui vient de sortir parce qu'il a tué une des femmes sous ta protection. Ouais, enfin tu te comprends. Tu demandes un plateau repas pour une femme, tu sais pas s'il y a une différence dans ce que mange les hommes ou les femmes mais ne sais-tu jamais. Le plateau repas est amené à la chamb~ 'fin prison de la demoiselle, porté par un homme compétent, assez pour porter sans reverser. Toi, tu l'aurais bien fait mais... Bah t'es le boss, tu ne ferais jamais un truc aussi réducteur de ta position. La porte s'ouvre, par le gars qui porte le plateau, quoi ? Tu ne voulais pas l'aider, et il est très doué pour ouvrir les portes avec ses coudes. Il dépose le plateau sur le lit, et referme la porte, te laissant avec lui. Et tu te demandes quand même ce que tu vas bien pouvoir faire avec elle. Mais en attendant, sans aucune présentation, tu lui donnes un ordre. 

-Mange.

Tout s'était précipité à une vitesse, que tu ne savais plus où donner de la tête, ton esprit se jouait de tes pensées en les faisant valser dans une danse infernale et interminable. Que venait-il réellement de se passer ? Pourquoi ne pouvais-tu pas dévier ton regard du corps inerte de ton père ? Ressentais-tu du soulagement ou de l'énervement ?
C'était l'égarement total, de celui qui vient s'immiscer pour te préserver de cette violence abasourdissante, de celle qui te rit au nez, à mesure où tu essaies de reprendre possession de toi-même. Comment tout ça était arrivé ? Toi mise en vente, ton père tué, cet homme qui t'enferme. Des événements si rapides qu'ils semblent irréels, tout droit sortis d'un incohérent mauvais rêve.

Le temps te sembla interminable, de celui qui s'étire dans l'ennui et dans la crainte. Tu avais depuis quelques jours, essayé de comprendre ce qui venait de te tomber dessus, la raison pour laquelle tu étais enfermée. Et ce visage...Cette rage indomptable et féroce qui prenait place dans un regard empli de noirceur. Et ce paradoxe d'une beauté sauvage, des traits qui ne demandent qu'à être immortalisés sur le papier. Cet homme éveillait de la terreur aussi bien qu'une sorte de douceur, sûrement liée à ton envie oppressante de dessiner tout ce qui t'émut.

Néanmoins, tu ne parvins pas à reproduire ses traits. Peut-être les circonstances, de cet endroit sombre dans lequel on t'avais jeté, sans crier garde, avec quelques bouts de papier et des porte-mines. Au début, tu les avais observés comme un animal sauvage, qui peine à savoir si cela est un piège ou non. Puis la peur se faisant grandissante, tu avais pris le dessin comme exutoire. Jusqu'à ce que la faim commence à se creuser. De celle que tu n'as jamais connue, habituée à un confort primaire quotidien face à une douleur psychologique, toute aussi quotidienne. Le caprice habituel s'agenouillant à un besoin primaire, tu ne manquas pas d'essayer de crier plusieurs fois, en vain. Si bien que ta voix fût méconnaissable, de celle qui s'est échappée avec ta liberté.

Soudain, la lumière entra dans la pièce, venant brûler tes yeux clairs, redécouvrant la lumière du jour. Il était là. La figure mystérieuse qui hantait tout ton être. Tu frissonnais, de froid, d'effroi. Tu avais à peine le temps de te créer de nouveaux questionnements qu'il avait déjà aboyé ses ordres. Ou son ordre. Tant de questions, si faim. Tu mangeas en grimaçant, de celle que gamine tu tirais quand tu avais décidé que tu n'aimerais pas. Alors, redevenue enfantine, tu te levas et lui cracha le contenu de ta bouche au visage. L'agressivité qui prend place quand l'incompréhension demeure.

- Qu'est-ce que je fais là ?! Qui êtes-vous ?!

Tu t'affolas tant les questions tourbillonnaient. Mais ton ton s'arrêta pour se faire plus doux, comme rentrant dans sa propre paradoxalité à lui.

- J'ai besoin que vous m'éclaircissez.

Et c'était un réel besoin, tu finirais par détester dessiner, à force de chercher les images enfouies dans ta tête, à force de ne plus vraiment voir ce qu'est l'extérieur, à force de te rendre plus ignorante que tu ne l'es déjà.

Cette demoiselle, qui était-ce déjà ? Ce n'est pas que tu avais oublié mais... En fait, si. Tu l'as rencontré... Ha oui ! À cause des dettes de son père. Ce connard. Si elle attend des excuses, elle peut clairement courir ! Déjà, parce que tu ne t'excuses plus depuis tes huit ans, et surtout que cet abruti de première qui voulait vendre sa fille unique pour éponger quelques dettes n'était clairement pas une perte. Elle verra bien que si tu l'as tué, c'est pas juste par envie. Bien que si, tu en avais envie, évidemment, mais il y a... Autre chose.

Quand tu la revois, elle était méconnaissable. Si bien que tu as eu du mal à la reconnaître. Tu regardes quand même ses poignets, témoins d'un sombre passé, qui d'après sa pureté, n'était pas celle que tu cherchais. Tu soupires. Tu ne sais si c'est de soulagement ou de résignation. La brûlure que tu portes à ta main bandée, cachée de tous, tel un fardeau. Tu la portes avec cette douleur agonisante, cette souffrance causée par d'autre que toi. Tu avais de grand projet, une vie qui ne t'aurait pas amené ici. Tu voulais vraiment t'en sortir, mais sa bâtardise de Dieu qui n'existe pas en a décidé autrement. Tu secoues la tête, tu ne veux pas y penser. Plus jamais. Les circonstances de la chute d'une vie que tu aurais pu bâtir se sont transformés en conséquence de ce que tu n'as pu obtenir... En ton présent.  

La garce. Elle t'a craché dessus ! Elle a osé. Tu ne vas pas t'énerver pour si peu. Tu sais que de toute façon, elle te suppliera pour un peu de nourriture. De plus, tu n'aimes pas blesser tes marchandises. Elle pourrait perdre de la valeur. Et déjà qu'elle en avait pas beaucoup ! Selon son père, toujours. Pour 3427£, il l'a vendu sans état d'âme, à croire qu'il voulait juste s'en débarrasser. Grr.

-Tu m'appartiens.
Dis-tu de but en blanc, car en soit, c'est vrai. Son père te l'a offert, et toi, en échange, tu lui as donné la paix éternelle... En enfer. Tu es rempli de bonté, tu n'en doutes pas. Ha oui, c'est vrai. L'autre question, tu avais presque oublié.

-Qui je suis n'a pas d'importance.
Pour l'instant...Car elle apprendra bien vite qui tu es. Ce que tu es. Et cela ne risque pas de lui plaire. 

Tu t'es douté qu'elle n'allait pas comprendre, aussi simple soit-il de comprendre que le verbe appartenir, désigne souvent une possession, mais elle a le courage de demander des explications, ce que tu lui donnes d'une voix froide, aussi détachée que tu le peux.

-Il t'a offert à moi contre sa dette...
Tu t'approches d'elle, doucement. Tel un prédateur qui s'approche de sa proie. Tu lui fais relever son menton, de ton index, d'un geste assez lent, pour ne pas la brusquer, et assez délicatement pour ta nature de brute. Celle d'un animal. Au point que tu en as oublié qu'avant d'être une bête, tu étais un humain. Un petit garçon.

-D'un montant de 3427£. 
Tu te demandes, est-ce qu'elle va le défendre en sachant cela ? Parce que tout ce que tu attends d'elle, c'est qu'elle soit brisée.

Il y a chez cet homme une beauté incandescente, sauvage et indécente. De celle qui s'immisce dans le vice humain, qui vient tel un serpent s'enrouler autour de sa proie, dans une élégance absolue, froideur du tueur. Quelque chose d'attirant, reluisant, mais aussi rebutant, exténuant. Un mélange étrange, de celui, qui te renverse l'esprit d'autant plus qu'il ne pouvait encore l'être. Une silhouette muette qui répond enfin de sa voix. Virilité élucidée de ce ton dur, énigmatique, assuré. Tu ne peux plus décrocher ton regard, accroché à ses faits et gestes, dans une besoin d'anticiper ce qu'il pourrait faire d'imprévisible. Parce que tu te persuades qu'on ne peut appartenir à personne, que tu t'appartiens à toi seule. Seulement dans la position dans laquelle tu es, en es-tu réellement certaine ? Les sourcils se froncent, figés de sentir le poids de ta parole si léger, si inférieur.

Presque déçue qu'il n'ai pas réagi à ta provocation, réduite à un mystère qui demeure, tu l'écoutes attentivement, entre méfiance et curiosité. Parce que la flamme qui s'agite dans ses yeux, attise ta vulnérabilité, de celle qui vient te prendre la main de force pour te mettre devant un fait accompli inavouable. Et voilà qu'il s'approche, de ce regard pénétrant, de son doigt sur ton menton.
Tu soutiens son regard, habituée à tenir celui de ton père malgré la violence qu'il a toujours fait déborder sur toi. Tu te plonges dans les yeux de ton bourreau, comme pour rester impassible, mais attentive à ce qui s'y cache. Parce que tu es fière, caractère terre-à-terre bien qu'encore inconscient du monde qui l'entoure, tu ne détournes pas tes émeraudes. Comme attachée par cette envie palpable de te voir te briser, comme une brindille imperceptible.

- C'est peu.

Deux petits mots pour masquer ce à quoi tu songes. Sûrement parce que tu ne sais plus, ou ne t'entends plus penser. Cette situation est loin d'être familière et tu te sens si perdue, que tout te semble permis.

- Vous vous êtes donné bien trop de mal, pour si peu.

Les mots qui raisonnent dans l'ombre de la haine qui a grandie au fur et à mesure des années, pour lui. Attristée de voir que le seul point sur lequel tu lui faisais confiance était son autorisation de rentrer dans le monde. Mais seule la trahison a persistée jusqu'à sa mort. Tu lui en veux, mais tu savais qu'au fond, tu n'y croyais pas, à cette promesse. Et désormais il n'est plus là, dérobé, absent de ne pouvoir recevoir ta haine. Tes yeux se figent, l'étincelle de l'énervement qui s'éveille.

- C'est un homme qui n'a su que trahir, vous auriez dû vous en apercevoir avant de le laisser entrer dans votre vie, et le tuer.

Un ton acerbe, qui monte légèrement. Enfin, tu prends conscience qu'il ne sera plus jamais là. Tu devrais en être soulagée, mais égoïstement tu te sais fragile sans un homme de ton sang, à ton bras.

C'est une femme. Non, que dis-tu ? Une fillette qui se croit assez forte pour te résister, c'est aussi pathétique que stupide. Eh bien que tu n'apprécies pas, tu dois bien l'avouer, c'est courageux. Elle ne vaut mieux pas qu'un chaton, elle griffe mais elle ne fait pas de blessures graves. Juste des égratignures. 

Ce n'est encore qu'une enfant qui se prend pour une adulte tout simplement parce qu'elle en a l'âge. Tu es son inverse, son contraire, son opposé. Personne ne t'a cru adulte parce que tu n'en avais pas l'âge, riddicule. Tu as été adulte trop tôt. Qu'est-ce que c'est, être adulte ? Hein ? Pour toi, c'est de savoir d'avoir une vie entre tes mains, non soumise, non terrifiée de toi, non brisée, une vie a protéger. Ce que tu as fait à tes huit ans, et tu aimes à croire que c'est ce que tu fais toujours avec ces femmes dans ton bordel. Enfin presque. 

Il y a quelque chose qui se dégage de la femme. Inexplicable. Perturbant. Vulnérabilité. Innocence. Candeur. C'est ce que tu disais, un enfant. 

Elle soutient ton regard. Elle connait cela. Elle se sait, elle, sa situation. Tu arrives à une seule conclusion. Son père. Il est responsable de ce regard de défi, d’impétueusité, d'impertinence, indomptable. Tu pourras changer cela. Ce n'est pas un problème. Tu te demandes tout de même si tu en as envie, tu aimes te plonger dans ce regard, de t'immerger, pour comprendre les raisons qui a transformé ses yeux d'enfants en celle d'une révoltante. Cela contraste avec son visage juvénile. 

Tu ne la quittes pas du regard. Fougueuse. Tu les apprécies ainsi. 
-Hum. 
Tu ne réponds pas. C'est son opinion à elle, la tienne n'a rien à voir. Il faut bien qu'elle fasse son propre jugement. 

Sa phrase. Un sourire narquois vient prendre place sur tes lèvres. Tu en aurais bien rit si tu le pouvais, mais cela gâcherait la première impression que tu lui avais faite. 

-Non. Je choisis bien mes... Investissements.
C'est son père qui a perdu au change. Il n'est même pas capable de connaître la valeur d'une vie. Inestimable. 

Douce ironie, quand tu me tiens... Tu vends des êtres vivants en sachant pertinemment que leur vie sont inestimables. C'est assez paradoxal. Cependant, tu aimes brisé les lois de ce monde, régit par la société, ou peut-être Dieu. Tout a une valeur, si l'argent peut l'acheter. Tu cherches peut-être désespérément à acheter ce qui ne peut l'être... C'est pourquoi les vendre, cet impossible qui devient possible, te donne l'espoir. 

L'espoir. Tu as toujours détesté ce terme. L'espoir et le désespoir, ils sont pareils. Ce ne sont que des illusions. Songe d'un rêve. Songe d'un cauchemar. Juste pour faire souffrir. Tu détestes être l'espoir de quelqu'un. Ce dernier est vite déçu. Tu n'en es pas le symbole. Non. 

Tu en es sa destruction. 

Tu te concentres à nouveau sur la petite. Sa colère, tu la vois dans ses globes dirigés sur toi. Tu retires ta main de son menton, descendant petit à petit sur son cou, comme si ton ongle était une lame qui pourrait la trancher. 

-Il avait de l'argent. Jusqu'à... 
Fis-tu avec un haussement d'épaules désinvoltes. Pour toi, cela explique tout. Tu as fermé les yeux, tu lui as juste donné un coup de poing pour avoir blessé une femme. Ton employée. Elle a obtenu une cicatrice sur sa gorge. Sacrilège ! Un peu d'argent, la promesse de ne pas recommencer sous peine de mourir et plus personne n'en parle. C'est réglé. Donc oui, pour toi, cela expliquait tout. 

-Ce qu'il n'en ait plus. 
Un sourire mauvais vient se dessiner sur tes lèvres. Tu n'es pas le seul à avoir contribué à sa d'échéance, il l'a très bien réussi tout seul. Tu en as même été impressionné. 

Cependant, le fait qu'il n'ait plus d'argent n'a rien à voir avec sa mort. Son exécution. Il est préférable qu'elle pense au fait qu'il soit cupide au lieu d'apercevoir ta faiblesse. Ta peine. Ta blessure du passé. Celle que tu ne peux oublier. Celle qui n'a jamais pu cicatriser.

Tu te sens prise au piège, de celle qui ne pourra s'échapper. Parce qu'il semble maîtriser à la perfection cette situation. A croire que tu n'es qu'une de plus ayant foulé tes pieds sur ce sol. L'erreur de s'être faufilée à nouveau pour t'imprégner des courbes capturées de tes traits sur le papier. Fascination innocente pour le corps humain. La nudité a cette fragilité qui t'as toujours émue, de celle qu'on cache, qu'on dissimule sous les représentations d'un rang, d'une famille. Tu voudrais pouvoir t'émouvoir à nouveau, tant l'ennui t'as rongé ces derniers jours, tant l'impuissance sent le rance, dans cette cage à oiseau. Parce que tu c'est ce que tu es, un petit oiseau empli d'énergie qu'on s'approprie au détriment de sa liberté. Et l'égoïsme prenant une place primordiale chez toi, il n'y a qu'à la liberté que tu penses en ce moment, encore rancunière face à la mort d'un homme qui ne t'as jamais aimé, que tu as dû supporté pour espérer ta liberté. Finalement tu t'es vite rendue compte que tu avais toujours été détenue par un geôlier.

Jeune femme enfant, qui n'a eu que la curiosité du savoir, bloquée dans un manque d'expérience par méfiance d'un père trop crédule. Tu voudrais revoir ton précepteur, qu'il vienne te libérer de ses chaînes insoutenables qui pèsent sur ton moral, sur ta vulnérabilité. Mais il n'y a que lui, cette figure de l'ombre empli d'une haine dont tu te dédouanes. Parce qu'il semble la puiser dans un passé dont tu n'as jamais fais partie. Fraichement arrivée dans cette vie aux impressions tumultueuses.

Et ses mots si courts, si insolents. Ce pouvoir qui lui donne tous les droits, d'assister à ta décadence et de s'en nourrir. Tu pourrais le pourrir, mais à quoi bon ? Qu'étais-tu désormais ? Avais-tu une chance de pouvoir un jour véritablement vivre ? Les questions qui commencent à raisonner, s'entrechoquer tant la réponse ne dépend plus de toi. N'a d'ailleurs jamais dépendue de toi. Alors tu écoutes, le regard vague, comme une marin perdu en mer qui ne sait si il retrouvera un jour la terre ferme. Tes mots se jettent à lui sans réelles convictions, sans réelles réflexions.

- Moui, si bien que vous vous salissez les mains. En effet, vous choisissez bien.

Et soudain tu as froid, de cet index encore sali par le sang de ton sang qui vient glisser le long de ton cou. Frissons de trahison, frissons de démangeaison, bien que tu ne saches pas pourquoi cet effet t'animes, de cette façon.

la fatigue, le corps qui est lasse. Tu t'assois par terre sans aucune conviction. Non pas désespérée, non. Mais simplement épuisée.

- Qu'attendez-vous de moi ? Pourquoi me retenir prisonnière ?

Tu n'avais même pas posé la question avant, comme si ce n'était pas l'instinct premier qui aurait dû remonter à la surface. Mais tu as toujours du retard, quand il est question de logique dans un monde qui t'es inconnu.

-Ce ne serait pas la première fois.
Fis-tu avec un haussement d'épaules. 

Non... En effet. Ce ne se serait pas la première fois. Ce crime perpétué envers son père, c'est une vengeance. Envers tous les parents. 

Avant tes huit ans, tu imaginais que les envies de vengeance venaient de personnes corruptibles, cédant si facilement à la colère, la haine qui les habitaient. Émanaient donc d'esprits peu sophistiqués facilement enclin à la violence. Que tu étais bien naïf ! Ton éducation t'a rendu si crédule que tu pourrais presque en rire maintenant. 

Car celui qui n'a jamais souffert d'aucun tord ne peut en rien comprendre la question, encore moins y répondre. 

La sensation que cela te procurait, c'était une partie d'échecs avec toi et le Destin, vous étiez vers le milieu du jeu, et tu semblais en pleine phase vers la victoire, mais la main du destin s'est abattue sur votre échiquier et a renversé violemment toutes les pièces. Le problème n'est alors plus de remporter la partie, tu te rends seulement compte qu'il n'y en a jamais eu une, jamais eu une que tu aurais pu gagner. C'était un jeu dont tu ne peux créer les règles, les modeler à ta guise. Tu n'as que le choix de perdre avec tes pièces désordonnées dispersées sur le sol froid. Ce sol si froid qu'il te glace le sang, tu tentes en vain de remettre ces pièces pour reprendre là où vous vous étiez arrêté mais... C'est trop tard. Ton destin est parti. L'avenir que tu souhaitais avec lui... A deux reprises, tu as joué à son jeu grotesque, et tu as été vaincu. Lamentablement. Tu n'as pas compris la leçon la première fois. 

Tu ne feras plus cette erreur de croire que tu as une chance de rédemption, de changer ce destin terrible qui t'attend à la fin. 

Tu la regardes, tu lui souris, un sourire qui ne présage rien de bon. 

-Tu as raison. Tu peux partir. 
Dis-tu nonchalant, presque avec l'effronterie d'un enfant. Une lueur joueuse dans ton regard, aussi mauvaise qu'innocente. Un mélange des plus étranges. La malice qui réside dans tes yeux, imperceptibles, tu ne la montres pas beaucoup. Mais la fille te divertit assez bien. 

Tu t'éloignes d'elle, tu lui tournes le dos, dans une provocation qui frôle l'inconscience, dans un défi qui lui fait comprendre sa place. Elle pourra t'attaquer de dos si cela lui chante, elle ne te fera pas le moindre mal parce que tu es trop fort pour sa faiblesse qui te donne envie de la prendre en pitié. Pour votre passé commun avec un parent qui voulait juste se débarrasser de vous. 

-Je n'ai pas besoin de toi.
Tu ouvres la porte qui la retenait prisonnière. La frontière qui la retenait de sa liberté, ouverte ! 

Tu t'adosses sur le mur, ton pied aussi, tu croises tes bras, un sourire d'une douceur brutale sur tes lèves. 

-Je ne te retiens pas.

Elle peut partir. Elle peut te quitter. La question n'est pas de savoir si elle peut regagner sa liberté, mais où ira-t-elle la chercher si ce n'est ici ? Vers qui se tourner quand il n'y plus personne ? Si ce n'est le tueur que tu es...