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 Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston.

Reese Lennox
Reese Lennox
◦ Fille de Duc ◦
Lettres envoyées : 36
Age : 24 ans
Nationalité : Ecossaise
Statut marital : Célibataire, mais la pression des fiançailles se fait sentir.
Métier/Occupation : Lire, écrire, militer activement pour le droit des femmes.
Classe sociale : Noble, fille de Duc De Lennox.
Rêve(s) : Ne pas me marier à ce prétentieux de Friedrich ! Mais aussi réussir à publier ses écrits.
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Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Sam 11 Juin - 18:06



Les grands esprits se rencontrent.
◦ With. Arthur Gilderston ◦


Me voilà au point de rendez-vous convenu avec Eugene Marlow. Je passe nerveusement la main sur le haut de mon chapeau afin de vérifier que les Véroniques (de petites fleurs bleues très délicates) y sont toujours bien en place. Hyde Park est grand. J'espère que je ne me suis pas trompée quant à l'endroit que Monsieur Marlow a proposé. Il n'est pas encore quinze heure mais je préfère me présenter en avance.
Cela fait quelques années qu'il publie régulièrement, parlant entre autre du fait qu'il serait plus juste de mieux considérer l'avis du peuple. Les femmes faisant partie de ce même peuple, j'espère que nos pensées vont s'accorder sur ce point. Il s'agit d'ailleurs du message que j'ai voulu faire passer en choisissant les fleurs de mon chapeau comme signe distinctif. Selon la sources que j'ai proposée, elles veulent absolument dire ce que j'espère tant. "Nos pensées s'accordent."

C'est bien beau de publier chacun de notre côté, mais peut-être qu'en conjuguant nos efforts et nos idées, cela insufflerait une énergie plus grande encore pour pouvoir changer les conditions de vie d'une partie de la population.
Il s'agirait là en tout cas d'un très grand honneur pour moi que de marcher dans les pas de Eugene Marlow.

Assise sur mon banc, j'observe tous les hommes ayant des fleurs à leur boutonnières. J'essaye également de ne pas montrer trop de mon trouble en prenant un air détaché.
J'ai emporte mon carnet et de quoi écrire, mais tout ce que j'ose faire, c'est caresser la couverture de mon livret du bout du doigt. La situation est pourtant bien inspirante et j'aurais quelque idée de mise en scène pour mes personnages ! Cependant, j'ai peur de manquer la venue de mon correspondant secret. J'ai déjà beaucoup de chance qu'il ait accepté de communiquer avec moi par le biais du journal et encore plus d'avoir obtenu une entrevue !

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Arthur Gilderstone
Arthur Gilderstone
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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Sam 11 Juin - 18:58

 


Les grands esprits se rencontrent.
◦ With. Reese Lennox ◦


Je fais de mon mieux pour conserver ma contenance. J'ai donné rendez-vous, pour la première fois de ma vie, à une femme. Mère serait bien déçue de savoir qu'il s'agit d'une lectrice des mes articles dans la Gazette – et plus fâchée encore de découvrir que derrière « Ce maudit Marlow » se cache en réalité son fils aîné. Mère est gentille mais un peu trop conservatrice à mon goût en ce qui concerne certains sujets. Mais, comment pourrait-il en être autrement ? Cela fait partie de son éducation et des rencontres qu'elle a faites tout au long de sa vie. J'ai fait les miennes. J'ai grandi. Je suis Lord Gilderstone pour le public, Eugene Marlow dans la Gazette.

Rares sont les personnes à être capables de faire le lien entre ces deux personnages. La demoiselle que je vais rencontrer aujourd'hui, sera une de plus.

J'approche du lieu du rendez-vous. Il est convenu que nous portions, elle à son chapeau et moi à ma boutonnière, des fleurs de véronique. J'ai feuilleté quelques catalogues sur le langage des fleurs, l'un d'eux indiquait que la véronique signifie quelque chose comme « Nos pensées s'accordent ». J'ai acheté le catalogue en question, par curiosité. Il faut bien vivre avec son temps. Ce genre de choses peut toujours être utile.

Nous avons convenu de nous retrouver vers quinze heures à un point précis, discret mais facilement reconnaissable, de Hyde Park. Ainsi nous restons dans un lieu public, assurant la sécurité de l'honneur de la demoiselle – et nous évitons la foule qui se précipite dans les allées à partir de dix-sept heures. Je ne tiens pas à croiser des gens qui, me saluant, mettent à mal mon anonymat. Ou plutôt mon pseudonymat.

L'endroit est presque désert. La seule demoiselle en vue avec des fleurs bleues à son chapeau est assise sur un banc, tripotant nerveusement un carnet de notes entre ses mains. Je rajuste les véroniques à ma boutonnière et m'approche.

Plus je m'approche, plus cette « Isabelle Goodlaw » me semble familière.

Je hausse les sourcils, écarquille les yeux. Je la reconnais, pour l'avoir croisée dans des événements mondains. Je sais qui elle est. Elle sait qui je suis.

Le cœur battant la chamade, je m'incline devant elle pour la saluer.

- Miss Isabelle Goodlaw je présume ? Je suis Eugene Marlow.
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Reese Lennox
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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Dim 12 Juin - 10:10



Les grands esprits se rencontrent.
◦ With. Arthur Gilderston ◦


J'affiche mon sourire le plus avenant, penchant ma tête sur le côté pour marquer de façon élégante, je l'espère, mon étonnement. Si je m'atendais à cela !

- Et bien, quelle charmante surprise ! J'ignorais que vous vous investissiez autant. Il s'agit bien de moi, en effet.

J'ai un doute à présent sur la façon dont je dois m'adresser à lui. Est-ce que lors de cette rencontre nous restons Eugene Marlow et Isabelle Goodlow ? Je me rends compte que je suis toujours assise, mon carnet en main. Je range ce dernier dans ma poche et me lève en lissant les plis de ma robe, confuse.

- Veuillez m'excuser, je suis à présent toute à vous. J'espère ne pas vous avoir trop indisposé en cherchant contact avec vous mais sachez que je ne l'aurais pas fait si cela ne me semblait pas important.

Je me surprends à penser que notre parole et nos actions pourraient avoir encore plus de poids que je ne l'imaginais. Bien plus que je ne l'aurais espéré. Peut-être mes idées et mes convictions ainsi que celles de pleins d'autres femmes auront-elles leur place au parlement ? Ce n'est vraiment pas négligeable, au contraire ! Si tant soit peu accepte-t-il de recevoir ma parole. Après tout... Cette société est faite de bien des surprises. Il y a tout un tas d'hommes qui sont prêts à le soutenir du moment que cela prend pas en compte les femmes... Il ne faudrait tout de même pas que ces messieurs perde le pouvoir qu'ils ont sur nous, les femmes, dociles créatures au service de leur bon plaisir...
Je ne peux m'empêcher de ressentir de l'amertume.

C'est aujourd'hui que tout se joue. Aujourd'hui que je vais savoir si un homme peut réellement nous comprendre et nous aider, porter notre parole plus loin qu'elle ne pourrait l'être de la bouche d'une femme et la soutenir.

- Je me doute que certains des points que je vais aborder peuvent vous paraitre grotesques et parfaitement absurdes mais je puis vous assurer que je suis déterminée à défendre les femmes et leurs droits. Cela me tient à coeur et je n'en démordrai pas.

Je le regarde sans méchanceté aucune mais mon ton est ferme et mes yeux tout autant. Si je montre la moindre faiblesse, comment pourrait-il me prendre au sérieux ? Ce n'est déjà pas gagné lorsqu'on met de la force dans nos intentions, alors je ne peux me permettre aucune erreur.

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Arthur Gilderstone
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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Dim 12 Juin - 12:23

 


Les grands esprits se rencontrent.
◦ With. Reese Lennox ◦


Il s'agit bien de mon rendez-vous. Lady Reese Lennox, fille du Duc de Lennox, est Isabelle Goodlaw, l'autrice de quelques courriers publiés dans la Gazette afin de défendre les droits des femmes.

- Puisque nous savons tous deux qui nous sommes dans la vie civile, il est peut-être plus prudent d'utiliser nos noms civils, Lady Reese. Cela évitera je le pense l'inconvénient que quelque oreille indiscrète fasse le lien entre nos identités civiles et nos pseudonymes. Qu'en pensez-vous ?

Je souris face à sa nervosité apparente. Je suis un peu dans le même état, même si je le cache mieux qu'elle. Ou du moins, je l'espère. Mon expérience au Parlement m'a appris à dissimuler mes émotions afin que mes pairs me prennent au sérieux. Pour je ne sais quelle raison, le calme est toujours pris plus au sérieux que la passion.

- Il n'est pas dans mes habitudes, Lady Reese, de répondre favorablement aux demandes d'entretien. Mais la vôtre me paraissait en effet pressante.

Je ne suis pas totalement à l'aise à l'idée de revoir mes positions politiques. Mais je n'étais pas non plus à l'aise lorsque Wilde a remis en question les idées préconçues que j'avais avant de le rencontrer. Peut-être que Lady Reese a autant à m'apprendre au sujet des femmes, que Wilde m'a appris au sujet des hommes des classes défavorisées.

Alors, je rassure la demoiselle d'un geste apaisant de la main, tout en lui offrant mon bras pour qu'elle s'y appuie en marchant à mes côtés.

- Toute idée nouvelle semble grotesque et absurde de prime abord. Afin de savoir si elle est effectivement absurde ou s'il s'agit d'une vérité plus vraie que celles déjà connues, il est nécessaire de l'étudier objectivement. Ce n'est qu'en confrontant les idées les unes aux autres et en les testant à l'aune de la réalité, qu'il est possible de savoir si elles sont vraiment grotesques, ou juste inconfortables de nouveauté. Aussi vous prêterai-je une oreille attentive. C'est la moindre des choses que puisse faire un gentilhomme.

La moindre des choses en effet, mais déjà c'est plus que ne feraient bien de mes pairs. Ont-ils donc si peu de foi dans leur propres convictions, qu'ils n'osent les confronter à d'autres de peur de les briser ? Mais alors, si une conviction se brise au moindre contact, cela ne signifie-t-il pas qu'elle est trop faible, qu'elle mérite d'être révisée ?

Aussi inconfortable que cela soit, je veux vérifier si mes propres idées sont assez solides pour résister à la confrontation avec les idées d'autrui. Ce n'est qu'en les testant que je saurai si elles ont des failles, et ce n'est qu'en découvrant leurs failles que je pourrai les consolider.
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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Dim 12 Juin - 16:18



Les grands esprits se rencontrent.
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- Je suis bien d'accord avec vous, Lord Gilderston

Il semble si sûr de lui... Et voilà, j'aurais pu le comprendre moi-même, que cela serait mieux d'user de nos titres respectifs comme nous le ferions en société. Je n'ai plus qu'à prier pour qu'il ne s'en serve pas comme argument contre moi. Il n'a pas l'habitude d'accepter ce genre de requête, cela rend la chose encore plus importante ! Je ne commence pas très bien mais il faut que je garde mon calme.
De plus, il a l'air ouvert à la discussion et cela est bon signe !

Il m'offre galamment son bras et je réponds à son invitation de m'appuyer contre lui, avec un sourire assez doux.
Je ne peux m'empêcher de mettre ma main libre devant ma bouche, saisie d'étonnement. Cela est la première fois qu'un homme me parle de confronter ses propres idées à celles d'autres personnes pour s'assurer le bien fondé ! J'en oublie ma nervosité et me détends quelque peu. Plus encore quand il affirme être à mon écoute.

- La moindre des choses... Je répète doucement. Aucun de vos pairs que j'ai connu jusqu'à présent ne s'est donné la peine de le faire ! Pardonnez mon amertume mais vous devez sûrement comprendre ce que cela fait de devoir peser chacun des ses mots afin qu'ils ne soient pas utilisés contre vous et être pris au sérieux. Le jeune âge et donc le supposé manque d'expérience et de compréhension, vous en avez sans doute pâti et peut-être même encore aujourd'hui. Mais à moins que ne je ne me trompe, cela reste possible car je n'ai pas votre expérience en tant qu'homme, cela se limite généralement aux sujets ayant pour traits tout ce qui est militaire et ou politique ou que sais-je encore.
Pour ma part, ce phénomène, je le vis tous les jours, à chaque instant et si les choses restent en l'état actuel, ça le sera toute ma vie, quelque soit mon âge. La différence entre vous et moi ? Le sexe.
Je suis une femme et par ce simple fait, ma parole n'a absolument aucune valeur dans cette société patriarchale.
Est-ce que porter une robe fait de moi quelqu'un d'inapte à comprendre le monde qui m'entoure ? Est-ce que porter une robe justifie qu'on me traite avec moins de considération qu'un enfant toute ma vie ?
Je ne demande qu'un peu de considération, de respect. Pourtant, les hommes et parfois certaines femmes me rient au nez quand je tiens de tels propos. Je vous en prie, Lord Gilderston, réfléchissez et dites-moi que ce que j'avance vous semble grotesque et absurde.


Je m'arrête là, attendant de voir sa réaction. J'ai appris à mes dépends que les hommes n'écoutant que très peu les femmes, sont incapable de comprendre un traite mots au-delà des premières phrases... Je crains d'ailleurs d'en avoir trop fait...

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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Dim 12 Juin - 18:29

 


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Elle s'appuie à mon bras et nous commençons à marcher le long des allées, en discutant. Je suis surpris de la confiance qu'elle m'accorde en se confiant à moi, mais cela s'explique rapidement. Je suis le premier homme à daigner l'écouter.

Je ressens comme une douche froide, prenant conscience soudainement du peu de considération que notre société donne à la parole des femmes. J'écoute mes propres sœurs, surtout Amelia, j'écoute les conseils de Mère, mais c'est uniquement parce qu'elles sont de ma famille. Ai-je un jour prêté une oreille aussi attentive à une femme qui ne soit ni Mère ni une de mes sœurs ? Lady Reese est la première.

Lady Reese est la première femme en-dehors de ma famille que j'écoute avec attention.

J'ai l'impression qu'un rideau se lève dans mon esprit sur une partie du monde dont je ne soupçonnais même pas l'existence, comme lors de ma première rencontre avec Wilde, il y a si longtemps. Cet entretien promet d'être intéressant.

- Je comprends votre amertume, Lady Reese. Vous m'avez fait prendre conscience de certains penchants de mon propre comportement, que je n'avais encore jamais remis en question. En effet, en tant qu'homme ma parole est écoutée et prise en compte. Il m'est déjà arrivé de me faire le messager de la parole d'une de mes sœurs, mais je n'avais pas réfléchi au pourquoi. Vous m'ouvrez les yeux, vraiment.

Je fronce les sourcils. Une femme, sans valeur ?

- Pardonnez-moi Lady Reese, mais il me semblait que les femmes étaient considérées dans la société avec une certaine valeur. Pas la même que celle des hommes, néanmoins. Si les hommes sont considérés pour leur parole en politique, leurs possessions terriennes et leur valeur militaire, les femmes sont vues pour leur valeur maternelle, leur sensibilité artistique, leur délicatesse, ce genre de choses.

J'ai le sentiment en disant cela, d'avoir dit une grosse bêtise, mais sans parvenir à mettre le doigt sur le pourquoi du comment.

- Cela est injuste néanmoins que vous soyez traitée comme une enfant. Je suis totalement d'accord avec vous sur ce point.

Elle a l'air un peu hors d'haleine, indignée également. J'aimerais comprendre exactement ce qu'il y a derrière cette indignation. Pénétrer dans son univers. Comprendre.

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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Mar 14 Juin - 23:10

 


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◦ With Arthur Gilderstone ◦


Au fur et à mesure que je parles, je guette la moindre de ses réactions. Et tout d'un coup il semble se décomposer. Je crains au premier abord qu'il ne se mette en colère. Les hommes supportent rarement d'être mis en faute. Mais à bien y regarder, ce n'est rien de cela. Une lueur d'intérêt s'allume dans ses yeux. Je souris, réprimant un soupire de soulagement. Je me retiens même de sauter de joie quand il prend conscience de son propre comportement. Montrer trop d'enthousiasme risquerait de me décrédibiliser et justifier qu'on me traite comme une enfant. Je n'en espérais vraiment pas tant de lui!
Ses réflexions suivantes m'emmènent à pincer les lèvres. Je m'arme de patience. Ce n'est pas de sa faute, s'il n'a pas eu l'éducation de prendre la femme en égal de l'homme. Au moins, lui, il essaye de comprendre ! J'essaye d'adoucir ma voix du mieux que je peux afin qu'il ne se sente pas incriminé.

- Les hommes possèdent des terres. Les femmes ne possèdent rien, pas même leur corps. Pour avoir un toit et de quoi assurer leurs jours, elles sont obligées de prendre époux, bien souvent des hommes qu'elles n'aiment pas, voire détestent. Une femme ne peut vivre seule sans créer de scandale. Elle sont obligées de se donner à leur mari pour donner des héritiers, donner naissance à des enfants qu'elles n'ont peut-être pas voulu et cela, dans les larmes, les cris, le sang et la douleur. Des femmes en meurent tous les jours.

Je repense avec crainte à l'homme que mes parents veulent que j'épouse. Ils considèrent qu'un Prince de sa qualité est l'homme qu'il me faut... Mais je ne serai pas heureuse avec lui. Je préfèrerais mourir jeune que de devoir vieillir à ses côtés ! Je desserre mes doigts sur le bras de Lord Gilderstone, me rendant compte que si je ne montre pas mes émotions dans ma voix, mon corps s'exprime pour moi.

- Les hommes font de la politique et décident injustement pour leurs concitoyens sans prendre en compte leur avis et leurs besoins. Vous le voyez déjà dans votre combat pour l'égalité. Des hommes décident pour des hommes. Mais décident aussi pour des femmes. Et tant qu'homme connaissez vous vraiment les conditions de vie des femmes ? Moi, en tant que femme, je n'arrive sans doute pas appréhender pleinement ce qu'est votre vie. Comment pourrais-je donc décider de votre vie et de vos besoins alors que je ne les connais pas ? C'est pourtant ce qu'il se passe pour toutes les femmes de ce pays, mais pas que. Je ne peux comprendre toutes vos problématiques, l'inverse est aussi vrai. Et ceux qui décident pour nous en connaissent beaucoup moins que vous sur les femmes et ce qu'elles vivent. En cela nous sommes des enfants et les hommes se conduisent comme nos pères...

Je regarde un tilleul en fleur un instant, le temps d'ordonner mes pensées, sans pour autant lui laisser vraiment le temps d'argumenter.

- Pour ce qui est de la sensibilité artistique... Connaissez-vous beaucoup de femmes peintres ? Moi, non. S'il y en a, on ne parle pas d'elles. La peinture reste une affaire d'hommes là aussi...  Vous savez, j'ai pour passion l'écriture. Et je sais déjà que si je veux avoir la chance de publier un jour, il va falloir que je travaille mes écrits deux fois plus que les hommes et que ma plume se démarque par sa qualité. Il va falloir que je sois la meilleure. Et cela n'est pas non plus une assurance. Ou alors que je me fasse passer pour un homme en publiant sous un pseudonyme. Le monde artistique, le monde éditorial sont dirigés par des hommes, là aussi. Elles est belle, la sensibilité artistique !  

Je reprends, un peu plus lentement, m'efforçant au calme mais ne peux m'empêcher de laisser transparaitre un peu plus de mon amertume. Il y a tant de choses que j'aimerais faire et qui me sont interdites simplement parce que je suis une femme !

- Quand au fait d'être délicate... Nous n'avons pas toujours envie de dépendre du bon vouloir d'un homme pour nous protéger. Alors que bien souvent le danger en a pour origine la même racine. Un homme sera toujours libre de dire non. Une femme ne le sera jamais. On lui dira de se taire et d'obéir bien sagement. Elle est là, la réalité.

Je soupire lentement.

- Admettons, Lord Gilderstone, que nous nous épousions, simple hypothèse et dans le cas où vous ne seriez pas aussi ouvert d'esprit que vous l'êtes à présent. Vous auriez parfaitement le droit m'assigner à résidence, de me violenter ou que sais-je encore sans que personne ne trouve à en redire, sans que personne ne s'en inquiète. Il vous suffirait seulement de dire que je suis indisposée. Et si j'osais parler à quelqu'un de ce calvaire, on me dirait que je suis trop sensible et que mon mari sait ce qui est bien pour moi. Que je suis hystérique et la porte à tous les abus déjà ouverte en sortirait de ses gonds.

Bon sang... Etait-ce une bonne idée de l'impliquer directement dans cet exemple ? Saura-t-il faire la différence entre un exemple et une attaque personnelle ? "Allons, reste calme Reese. Tu as déjà affronté bien pire, tu ne vas pas être morte de peur maintenant, non ?" Je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard, laissant mon chapeau dissimuler mon visage.
Je me demande si c'était une si bonne idée que cela, d'organiser cette entrevue... Sa démarche est-elle sincère ? Ou va-t-il comme d'autres, essayer de me trainer dans le boue une fois ses pairs retrouvés ?

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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Jeu 16 Juin - 12:42



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◦ With. Reese Lennox ◦


Je dissimule mon sourire de soulagement en voyant son visage s'illuminer. Je craignais de la blesser par mon ignorance de tout ce que sa condition implique. Au contraire, elle a l'air ravie que je lui prête oreille.

Je la vois se pincer les lèvres. Est-ce qu'il y a quelque chose qui l'incommode ? Je fais de mon mieux pour éviter de juger ses réactions sur la base qu'elle est une femme. J'ai appris à considérer qu'une femme qui a l'air agacée est « hystérique » et ne doit pas être écoutée tandis qu'un homme c'est l'inverse. Un homme agacé doit être écouté, une femme agacée doit être moquée. Pourquoi ?

J'acquiesce doucement à ses paroles.

- Je comprends votre point de vue. Mises sous la tutelle de leur père puis de leur mari, les femmes ne peuvent accéder à certains droits comme la propriété, que dans des circonstances exceptionnelles. La société et la loi ne les jugent pas assez matures et compétentes pour gérer des terres. Or, les exemples de ma mère ou de mes sœurs, votre exemple également, sont suffisants pour dire que certaines femmes ont assez de compétences de réflexions pour cela. Il est vrai qu'un homme incompétent ne se voit que rarement retirer son droit à la propriété... Pourquoi est-il refusé systématiquement aux femmes, y compris celles qui sont compétentes ?

Je pose doucement ma main sur ses doigts crispés sur mon bras.

- C'est injuste également, je suis d'accord, qu'une femme ne puisse avoir le droit de vivre indépendamment si elle le souhaite. L'argument du « les femmes ont besoin d'un homme pour les protéger » est assez hypocrite quand j'y pense. Car de quoi les femmes ont-elles besoin d'être protégées par les hommes ? D'autres hommes. Ne serait-il pas plus simple d'apprendre aux hommes à respecter les femmes ? Une bonne éducation retirerait bien des ennuis à la société en général.

Je ne sais quoi répondre à propos des douleurs et souffrances de la vie de mère. C'est quelque chose que je ne connais pas. Quelque chose dont Mère ne parle pas, dont mes tantes et cousines ne parlent pas. Dont en réalité, personne ne parle dans mon entourage. Sauf pour dire qu'elles le méritent, parce que, Ève, la pomme. Pourtant, Notre-Seigneur Jésus-Christ est mort sur la croix afin d'effacer ce péché originel !

- Est-ce que c'est parce que je suis un homme, qu'aucune femme de ma famille ne m'a jamais parlé des difficultés de la maternité et de l'enfantement ? Pourtant je suis un homme, je suis censé être là pour les protéger et les soutenir dans toutes les circonstances... Pourquoi est-ce que certaines choses sont comme censurées entre elles et moi ? Cela ne fait que creuser le fossé d'incompréhension entre les deux moitiés de la société.

Je cherche l'inspiration dans les parterres de fleurs et les allées d'arbres qui nous entourent.

- C'est comme si la société trouvait cela normal que les femmes souffrent en secret et en silence. De la même façon – et pardonnez-moi si la comparaison est malvenue, je ne puis hélas parler que de ce que je connais – de la même façon que les souffrances des soldats sont niées au retour de la guerre. Certains revivent en boucle les combats, encore et encore, même la guerre terminée, et le seul secours auquel ils ont droit est une médaille et l'injonction de se taire.

Grand Dieu, les horreurs que nous nous infligeons les uns aux autres en nous imposant le silence ! C'est terrifiant. C'est encore plus terrifiant lorsque je prends conscience que ce sont des choses que j'ai entendues dans la bouche de prêtres, ministres de Dieu, dont le travail est de consoler les affligés, soigner les indigents, relever ceux qui sont tombés !

Je presse doucement ses doigts lorsqu'elle desserre sa prise sur mon bras. Ses mains expriment toute la détresse, la colère, l'indignation devant les souffrances niées et réduites au silence par les conventions sociales. J'espère que ma propre main parvient à lui communiquer que j'entends tout cela. C'est désagréable, douloureux même, de prendre conscience, d'ouvrir les yeux. Mais sans cette prise de conscience douloureuse, il est impossible de travailler à résoudre le problème.

Notre-Seigneur Jésus a chassé les marchands du Temple à coups de fouet. C'était douloureux, mais nécessaire. À mon tour de chasser les marchands du Temple de mon esprit – de chasser les préjugés et idées fausses que j'ai.

- Vous avez raison, Lady Reese. Les hommes se comportent envers les femmes de manière paternaliste. Néanmoins je garde l'espoir qu'à force d'échanger, de parler, d'exprimer nos problématiques réciproques, nous serons en mesure de trouver des solutions aux problèmes que nous avons. Après tout, j'ai beau être Lord, puissant, riche, c'est le boulanger qui sait faire le pain que je mange. Moi, je ne le sais pas. Le boulanger a la solution d'un problème que j'ai. Sans doute les femmes ont la solution à certains problèmes des hommes, et inversement. Il est plus que temps de nous parler et de nous écouter.

J'acquiesce sombrement à sa question concernant les femmes peintres.

- Vous pointez là un paradoxe qu'il m'est inconfortable de contempler. J'ai grandi en entendant tout le monde répéter que les femmes ont une grande sensibilité, et en même temps j'ai toujours vu autour de moi l'expression de cette sensibilité être bridée à se limiter au logis et au foyer. L'argument répété par tout le monde est qu'une femme ne peut pas atteindre un niveau assez bon pour valoir la peine que son travail soit rendu public. Je vois à présent que les femmes artistes sont au contraire limitées par les hommes qui utilisent ensuite les limites qu'ils imposent, comme preuve que les femmes sont incapables de les dépasser. Je comprends votre indignation devant cette hypocrisie. En fait, c'est le même mécanisme qui empêche les non nobles de progresser en éducation, en esprit, ou socialement. Il prend juste une autre forme lorsqu'il s'agit de brider les femmes.

Je m'arrête et me tourne vers elle, plongeant mon regard dans le sien.

- Puisque le danger principal qui menace votre vie provient du comportement des hommes, la moindre des choses que je puisse faire pour vous protéger est d'abord et avant tout, m'assurer que mon propre comportement vous conserve en sécurité. Si à l'avenir vous avez à vous plaindre de moi, n'hésitez pas à me rappeler la journée d'aujourd'hui ainsi que cette promesse que je vous fait, de vous protéger de moi-même autant que je le pourrai.

Je me raidis un peu lorsqu'elle avance l'hypothèse d'un mariage entre nous. C'est la première fois qu'une femme aborde la question aussi ouvertement avec moi. Certes, il s'agit uniquement d'une expérience de pensée, d'un exemple pour soutenir ses propos et ses arguments. Il n'empêche que cela me surprend, tellement la situation renverse les conventions sociales.

Je fais de mon mieux pour me concentrer sur ses arguments et dissimuler mon trouble.

- Vous avez hélas encore raison, je ne le vois que trop bien. Si j'essaye de m'imaginer la situation inverse – une femme maltraitant son mari – les pensées et préjugés qui me viennent à l'esprit sont tout autres que dans la situation que vous décrivez. C'est donc que ce n'est pas la situation qui est en cause mais bien, le sexe des personnes impliquées. De la même façon que d'autres situations sont perçues de manière radicalement opposée suivant que l'agresseur ou la victime soit un Noble ou un roturier.

J'essaye de ne pas rire à sa métaphore de la porte ouverte sortant de ses gonds. L'image est peut-être cocasse, mais elle s'applique à une situation à la fois désespérée et désespérante.

Je lui saisis la main, espérant que mon geste ne soit pas perçu comme étant trop hardi de ma part.

- Lady Reese, j'entends vos doléances et j'entends vos arguments. En vertu de cela, j'aimerais vous faire une proposition.

Pourvu que mon geste ne soit pas mal interprété !
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Reese Lennox
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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Jeu 16 Juin - 22:24

 


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Je n'en reviens pas ! Il prend un à un mes arguments, non pour les confronter aux siens, mais pour pour les reformuler de manière plus juste et approfondie ! Il rajoute certains points auxquels, toute à mon emportement, je n'vais pas pensé. Si j'ai cru avoir ma chance avec lui, je n'aurais jamais pu prévoir une telle chose !
Je réprime un sursaut quand il pause sa main sur la mienne. Cela m'a surprise mais je ne trouve pas son geste désagréable pour autant. Il a parfaitement saisit l'idée qui, d'une ironie mordante,  veut qu'un homme protège une femme des autres hommes... Apprendre aux hommes à respecter les femmes... Je n'ai pas osé le formuler devant lui mais Lord Gilderstone l'a fait pour moi.

- Je suis bien d'accord avec vous, il y a là un cruel manque de communication. Et ce n'est pas faute d'essayer. Aux yeux des hommes, il est dans l'ordre des choses pour une femme de souffrir. Elle souffre, ce qu'un homme n'aura jamais à faire pour avoir une descendance, pour lui, ce ne sera que plaisir. Elle souffre et on lui dira que son esprit est faible. L'hystérie a bon dos.

Je soupire tristement avant de le rectifier.

- Ce n'est pas comme si la société trouvait cela normal, mais ça l'est réellement. Je trouve la comparaison tout à fait pertinente je ne veux en aucun cas silencier la douleur des hommes qui offrent leur vie pour leur nation, mais à la différence des hommes qui reviennent traumatisés de la guerre, les femmes n'ont pas besoin de partir sur un champ de bataille pour revivre des choses horribles en boucle même une fois celles ci passées. Leur champs de bataille est ici même, avec les hommes. Ces prédateurs...

Je repense avec émotions aux nombreux, trop nombreux témoignages de femmes ayant subi des agressions. J'avais eu, à mes début dans le militantisme, l'idée d'en faire un recueil pour libérer ces paroles anonymes, de sensibiliser mais j'ai vite abandonné l'idée. Jamais personne n'aurait accepté de publier cela et encore moins de le lire...
Il resserre ses doigts sur les miens je sens dans ce geste, toute la sincérité et le soutien qu'il veut apporter.
Et voilà des mots que même en rêve je n'ai encore jamais entendu de la bouche d'un homme. J'ai raison. Je retiens mon souffle. Mon coeur bat plus fort dans ma poitrine. Est-ce que cette conversation est bien réelle ? Ne vais-je pas me réveiller ? Une sourde angoisse me tenaille à cette idée. Il parle de ce que j'ai mentionné avec une telle limpidité !

Quand je suis confuse, j'ai tendance à faire un usage de l'humour assez... ridicule, à ma grande honte. Et ce jour ne fait pas exception...

- Etes-vous bien un homme ? Je demande avec un petit rire stupide. C'est que vous semblez si bien comprendre !

J'ai soudain envie de me cacher dans un trou de souris.
Tout d'un coup, il s'arrête de marcher et me regarde. Il me demande clairement de le rappeler à l'ordre si par mégarde il a un comportement que je juge incorrecte à mon encontre. Oserais-je user de cette autorité sur lui ? Je me rends compte alors que cela veut dire qu'il envisage d'autres rencontres !

- Et bien... Je tacherai d'y penser. Merci, Lord Gilderstone.

Cela me touche bien plus qu'il ne pourrait le penser. Je le regarde alors avec une admiration plus grande encore que lorsque je ne faisais que le lire dans la gazette.

Son trouble est bien visible quand j'évoque l'hypothèse du mariage et je prends conscience que cela était un peu trop direct, même pour une simple supposition. Malgré cela il se reprend très vite et continue de parler, de faire part de ses réflexions. Je ne peux que hocher la tête, en total accord avec ses dires.

Puis je vois le rire dans ses yeux à la mention de la porte sortant de ses gonds. Il s'agit là d'un amusement sincère qui n'est pas à mes dépends. Un rire qui est présent parce qu'il est attentif à mes propos, parce qu'il m'écoute ! Il grimpe dans mon estime à chaque mot qu'il prononce alors que je pensais qu'il avait déjà atteint les sommets. Etrangement il n'y a plus que sa voix qui existe. Plus rien autour de nous n'a d'importance.

- Lady Reese, j'entends vos doléances et j'entends vos arguments. En vertu de cela, j'aimerais vous faire une proposition.

J'écarquille les yeux. De quoi parle-t-il ? Je ne suis pas sûr de comprendre. Je m'empourpre tout de même et ne réussis qu'à bégayer :

- U... Une pro...position ? Mais à quoi pensez-vous ?

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Arthur Gilderstone
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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Ven 17 Juin - 17:30

 


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J'acquiesce doucement à ses paroles.

- Cela me peine de réaliser que la vie quotidienne civile en temps de paix, est aussi difficile pour les femmes que ne l'est le champ de bataille pour les hommes. Je suis vraiment désolé pour vous, de découvrir que ceux censés vous protéger, sont ceux qui vous font le plus de mal.

J'éclate d'un rire franc et sincère lorsqu'elle me demande si je suis bien un homme. Elle a l'air de vouloir disparaître sous terre. J'apprécie sa franchise.

- Des fois, je dois avouer que je me le demande. J'ai un tempérament plus calme que la plupart de mes pairs.

Je redeviens rapidement sérieux et me confie à elle. J'en oublie le protocole et la traite avec familiarité, comme je le ferais d'une sœur. Fleurs de véronique... Nos pensées s'accordent, pourquoi nous cacher derrière d'absurdes protocoles sociaux ?

- J'ai eu la chance de grandir en compagnie de plusieurs sœurs, ce qui m'a permis d'avoir un aperçu de leur vie ou du moins de ce qu'elles ont bien voulu me confier. Mère est devenue veuve très jeune, là encore j'ai pu observer de première main à quel point il était difficile pour elle de faire quoi que ce soit, parce que les lois disaient que le domaine m'appartenait – à moi qui, enfant, n'avait ni la connaissance ni l'expérience pour en faire quoi que ce soit de décent !

Je secoue la tête devant le ridicule de la situation.

- Mes années d'étude m'ont également appris à donner du poids à la parole des personnes concernées. Si on veut savoir comment faire du pain il faut demander à un boulanger. Si on veut savoir ce que vivent les moins fortunés il faut le leur demander directement. J'ai eu la chance d'être au contact de personnes plus défavorisées que moi à un âge où mes idées étaient encore malléables. Cela m'a permis d'apprendre à garder l'esprit ouvert et à tendre l'oreille aux personnes directement concernées par les décisions que j'ai le privilège de prendre pour elles.

Lorsque je lui annonce que je souhaite lui faire une proposition, je la vois qui se met à bredouiller, devient rouge coquelicot, et semble vouloir être ailleurs. Je lève une main en signe d'apaisement.

- Il s'agit d'une proposition professionnelle, Lady Reese. J'aimerais vous proposer un partenariat professionnel. J'aimerais vous proposer d'écrire ensemble pour la Gazette. Je vous offre mon expertise en ce qui concerne les textes de lois. Si vous le souhaitez, je vous prêterai ma voix pour vous faire entendre à la Chambre des Lords.

Je fais déjà cela pour Wolf afin de soutenir la cause des personnes moins favorisées que moi. Je fais déjà cela pour toutes les personnes dans la détresse dont j'ai pu entendre les doléances. Ce serait injuste si je triais les personnes que je défends sur la base de critères arbitraires comme le sexe.
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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Jeu 23 Juin - 10:14

 


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Il rit et je m'empourpre, mais je l'écoute attentivement. J'apprécie sa franchise. Avouer s'être posé la question doit demander beaucoup de courage.

- En effet, vous semblez plus calme et ce n'est pas désagréable. J'ai l'impression de pouvoir enfin déposer les armes.

Rares sont ceux de notre rang qui ont conscience des autres comme lui. Et j'ai aussi de la compassion pour lui et les difficultés auxquelles il a dû faire face.

- Il vous revenait donc de gérer le domaine... Cela n'a pas dû être facile. Je me dis que si les femmes souffrent qu'on leur dise comment se comporter, il est très probable que certains hommes ont souffrent également. Après tout, votre comportement vous est imposé aussi. Il est mal vu pour un homme de se comporter autrement qu'en homme... Je pense de toute façon que qui qu'on soit, si on s'éloigne de ce que la la société attend de nous, rien ne va. Avez-vous souffert de cela ? En souffrez vous aujourd'hui ? Je voudrais comprendre.

Je hoche la tête. Je suis heureuse qu'il ait eu cette expérience plus jeune. Sans cela, nous n'aurions pas cette conversation en ce jour ! Jai toujours les joues brûlantes de sa proposition. Mais très vite, il lève les mains en signe d'apaisement.

Je ne peux que cacher mon étonnement lorsqu'il propose, qu'on écrive ensemble, mais aussi de porter ma parole jusqu'à la Chambre des Lords. C'est pourtant ce que j'espérais de mieux en ayant cette entrevue. Mais je n'arrive pas à y croire.

- Pardon ? Le pensez-vous vraiment ? Enfin, je veux dire... Ce serait un véritable honneur que de travailler à vos côtés. Mais me croyez-vous vraiment capable de le faire ?

Oui, il doit sûrement le penser, sinon il ne l'aurait pas proposé. Quel en aurait été l'intérêt ? Je me reprends rapidement.

- Excusez-moi. C'est tellement inattendu ! Inespéré et devrais-je dire. Pour être honnête avec vous, j'ai pensé un instant que ce que je vous disais là... Qu'il n'était pas impossible que vous fassiez semblant de me croire, d'être d'accord avec moi pour mieux vous moquer une fois en présence de vos pairs. Cela m'est déjà arrivé. Mais je comprends que vous n'êtes pas de ces hommes. Et je suis désolée d'avoir pensé cela de vous.

Peut-être suis-je trop franche ? Non, je préfère cela aux faux-semblant. Sans franchise il n'y a pas de dialogue possible. Il ne s'agit pas nécessairement de dire ce que l'on pense, mais plutôt de penser ce que l'on dit. Je pose une main sur ma poitrine comme pour en atténuer les battements de mon coeur.

- J'ai un peu peur également de me réveiller en me rendant compte que ceci n'était qu'un rêve... Votre proposition est très intéressante, mais je préfère y réfléchir à tête reposée. Je ne m'engage à rien sans y songer avant. Sachez que cela me touche beaucoup et...

Je lui offre un sourire gêné. J'en perds mes mots. Et à ma grande honte, par pur calcul, je pense soudain, qu'un autre genre de proposition m'aurait grandement simplifié la vie. Je préfèrerai épouser un homme comme lui plutôt que Friedrich... Mais je suis en train de réfléchir à ce que l'on attend de moi. Et pas ce que moi j'attends de la vie. Non, je ne veux pas me marier. Jamais. Je secoue la tête, j'aurai tout le temps d'y réfléchir plus tard.

- Merci, Lord Gilderstone.
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Re: Les grands esprits se rencontrent. Avec Arthur Gilderston. /
Jeu 23 Juin - 19:53

 


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Je suis touché lorsqu'elle admet être assez à l'aise en ma compagnie pour ne pas être sur la défensive constamment.

- Effectivement, le poids qui est posé sur les épaules des hommes est assez lourd. Cela va de pair avec un certain pouvoir, comme vous l'avez souligné. Maître du monde, d'une certaine façon, autant politiquement que dans le foyer, apporte plus de privilèges que de contraintes. Néanmoins...

Je soupire. Elle s'est confiée à moi. Je peux me confier à elle en retour.

- Si vous saviez, Lady Reese.... Un homme qui n'agit pas suffisamment « virilement » est en effet mal vu. Pleurer en public. Montrer la moindre vulnérabilité. Ne pas s'intéresser aux chevaux, à la chasse, ou dans une moindre mesure, à l'alcool, au jeu, à l'escrime, à la boxe... C'est considéré comme « manquer de virilité ». J'ai également eu des remarques assez acerbes de la part de certains de mes camarades d'études, parce que je ne voyais aucun intérêt à « faire le mur », à m'échapper de l'internat le soir dans le seul but d'espérer entre-apercevoir l'une épaule ou la cheville d'une de ces dames qui vivent la nuit.

Je secoue la tête. Je trouve ce comportement ridicule, je n'y voit à peu près aucun intérêt.

- J'ai vraiment l'impression, régulièrement, de voir les autres hommes en société se comporter comme une bande de coqs faisant le concours de qui a les plus grosses plumes, la plus grosse crête, le cocorico le plus retentissant... Pendant que le reste de la basse-cour est en train de se faire gentiment étrangler par un chien errant. Y compris leurs compagnes poules et leurs propres poussins.

Je soupire. C'est un comportement ridicule et contre-productif.

- Lorsqu'une femme est malade, cela est valorisé car c'est une illustration de sa fragilité et de sa vulnérabilité, de son besoin d'être protégée par un homme. Lorsqu'un homme est malade, s'il est noble, cela est valorisé pour sa « constitution délicate preuve de noblesse » mais s'il n'est pas d'ascendance noble, ou qu'il ne s'agit pas de l'héritier de la famille, c'est une autre histoire.

Je souris tristement en voyant que ma proposition de collaboration la surprend. Cela devrait être normal. Quelqu'un dit quelque chose d'intéressant, cette personne devrait être écoutée.

- Je suis persuadé que vous êtes capable de le faire, Lady Reese. Vous avez le courage de parler. Vous avez suffisamment d'esprit pour être capable d'exprimer vos idées. Vous savez voir ce que l'habitude et la résignation rendent invisible à la plupart des gens. Ce serait un honneur de travailler avec vous.

Je presse sa main accrochée à mon bras, lorsqu'elle me confie qu'elle craignait que je fasse la comédie pour mieux me moquer d'elle.

- Ce que vous avez subi est inacceptable. Personne ne devrait vivre cela. Je ne vous en veux pas d'avoir été sur vos gardes : vous avez affronté tellement d'épreuves de façon systématique. Il est logique de vous attendre à devoir les affronter à nouveau. Le contraire m'aurait surpris.

J'apprécie sa franchise. Elle me donne l'impression que je peux, moi aussi, enfin être parfaitement franc dans mes paroles. C'est agréable. Je pensais être proche de mes sœurs ou de Mère, pouvoir leur parler franchement de mes pensées les plus intimes – je me rends compte à présent que je m’autocensure d'une certaine façon lorsque je parle aux femmes de ma famille.

J'acquiesce doucement lorsqu'elle me demande un temps de réflexion.

- Je comprends que vous ayez besoin de réfléchir. C'est une décision sage. Vous êtes libre de repousser ma proposition, de l'accepter, ou de lui poser certaines conditions, un cadre temporel strict, ou autre adaptation qui vous conviendrait mieux. Nous pourrons en rediscuter ultérieurement, lorsque vous aurez pris le temps de peser tous les arguments.

Je la salue bien bas lorsqu'elle me remercie.

- C'est moi qui vous remercie. Vous m'ouvrez les yeux. J'espère qu'à l'avenir je serai un meilleur frère pour mes sœur, un meilleur fils pour ma mère, un meilleur cousin pour mes cousines, et, lorsque le temps sera venu, un mari acceptable pour ma future épouse.


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