Quoi ? Il y a eu un nouveau meurtre ? (Avec Erskine et Earnest)

J'entre dans le bar. Il y a personne ou presque. Tant mieux. Je suis venu voir Earnest et j'ai quelque chose d'important à lui demander. Je pourrais demander à n'importe qui mais je doute d'avoir les réponses directes et encore moins celle amplifiées par les rumeurs et les "on dit".

Et puis je pense que lui peut vraiment comprendre que oui, ce n'est que maintenant que je m'intéresse à ce qu'il se passe dans la société et que je m'en préoccupe.

Je ne sais pas ce que je vais faire de ces informations. Mais il y a eu un meurtre et pas des moindres. Je veux comprendre ce qui est arrivé !
Je m'avance donc vers le comptoir.

- Bonjour Earnest. Je ne suis pas venu consommer,
si ça peut te rassurer. J'ai des questions à te poser.

Je secoue la tête. Comme toujours quand j'ai quelque chose en tête, je ne fais peu cas des bonnes manières.

- Mais pour commencer, comment vas-tu ?

Je lâche un rire, gêné par ma bêtise et me passe une main dans les cheveux.

Le bar vient à peine d'ouvrir que j'entends déjà quelqu'un arriver. Décidément, ils arrivent de plus en plus tôt ! Quand je vois Erskine, je pense d'abord "Tiens, cela ne fait pas longtemps, nous nous sommes vus au bal" puis moins content "Qu'est-ce qu'il fait là ?". 

Je ne le juge pas, il a peut-être une bonne raison de venir me voir ? Non, il a plutôt intérêt d'en avoir une ! 

Il semble décidément assuré Erskine, depuis la dernière fois qu'il a été dans mon bar. 

-Je ne m’inquiétais pas, je ne t'aurai rien offert en boisson alcoolisée, tu le sais bien. 
Dis-je avec un sourire narquois. 

J'hausse un sourcil à sa demande. Des questions ? A quel propos ? Il me demande comment je vais. 

-Hum... Comme à un début de service. Et toi ? 
Demandais-je. 

Je soupire, je suis un barman, évidemment que j'entends beaucoup de choses. Peut-être un peu trop pour mon bien. 

-Alors, sur quel sujet as-tu besoin d'information ?
Le questionnais-je, surpris, Erskine ne me pose jamais de question habituellement.

Je lâche un petit rire. En effet, il ne m'aurait rien servi. Autant parler à un mur, j'aurais plus de chances !

- ça va. Je reprends contact avec la réalité. Elle est bizarre, mais... Il faut faire avec. La mariage, ma fille née pendant que je n'étais pas au pays... Je fais de mon mieux pour ne pas être un danger pour elles.

Je l'observe attentivement. Il a éludé la question. Comme souvent. Un début de service... Comment dois-je le comprendre ?

- Et ça veut dire ? Je peux repasser plus tard, si tu veux.

Et pour mes questions, une autre fois.

Quand il parle du drame, je comprends qu'il parle du meurtre qui a eu lieu récemment. Il a l'air d'avoir de la peine et je ressens un pincement au coeur.

- Tu la connaissais... Je devine. Je suis désolé, Art.

Sans doute. Je fais de mon mieux. Et j'ai pourtant que ça ne suffit pas. Je hausse les épaules, sans répondre à son affirmation.
Il m'invite à poser mes questions.

- Et bien justem... Attends, la pupille ? Mais... Quoi ? Il y a eu un nouveau meurtre ?

Je comprends avec horreur qu'il ne parle pas de la même victime. Je lutte contre cette idée glaçante quelques instants. Je peine à y croire. Non, je ne veux pas y croire. Mon sang ne fait qu'un tour.

- Comment ? Que s'est-il passé ? Je demande d'une voix blanche.

Je sais bien que le monde est difficile, que rien n'est parfait. Mais... Dans quel monde va grandir Olivia ? Quand on va à la guerre... Il est normal que des gens meurent... C'est la guerre... Mais là, en ville, en temps de paix ? Comment une vie peut s'arrêter aussi brusquement de la main de quelqu'un d'autre ? Il faut que je comprenne. Et s'il y a un tueur dans cette ville, il faut l'arrêter.
Je serre les mâchoires et les poings.

-Oui, c'était mon amie.

Je secoue la tête, il n'a pas à s'excuser.

-Tu n'y es pour rien, Sky.

Enfin "Amie", c'était la sœur de mon meilleur ami. La vraie question était : si pour moi, Charles était mon frère et inversement, qu'elle est la sœur biologique de Fox, qu'est-ce que cela faisait de nous, à Lucy et à moi ? Des amis, des connaissances, frère et soeur par lien ? Je la voyais comme une amie en devenir.

Je hausse un sourcil à la surprise d'Erskine. Il n'était donc au courant de rien ?

-Oui, il y a eu un nouveau meurtre. Le premier était celui du comte de Meyfield, le deuxième a été perpétré sur... Lucy Campbell, pupille puisqu'elle a perdu sa famille dans un naufrage... Pauvre gamine. Cette famille n'aura décidément pas de chance.

Elle s'est éteinte de manière tragique.
J'ai perdu le frère et la soeur des membres du clan Renard. Je serre les poings, quel connard a osé faire du tord à la famille Campbell qui ne comptait plus qu'une membre ?

-Elle a été étranglé traîtreusement.
Dit-il amer, tout en haussant les épaules, faisant comme si cela ne l'atteignait pas.

-J'irai voir son corps, les coureurs de Bow's Street, semblent avoir du mal à avancer dans l'enquête alors ils demandent à ceux qui le veulent bien à venir enquêter, histoire de voir si un détail leur a passé sous leur nez.

Cela les rend incompétent et honnête à la fois au yeux des citoyens de Londres. C'est assez courageux d'admettre avoir besoin d'aide, courage que je n'ai jamais eu besoin d'user, après tout, je n'ai pas besoin d'aide.

-Je m'y rendrai sans doute dans quelques jours. Tu veux te joindre à moi ?

Lucy Campbell… Je ne le connaissais pas mais mettre un nom sur une victime rend les choses plus terribles encore… Je frissonne. En effet, cette famille n’a pas eu de chance…
Elle a été étranglée… Qu’elle horreur ! Il faut du temps et de la force pour étrangler quelqu’un jusqu’à ce que mort s’en suive… Mais que une certaine endurance. Et une rage terrible. Une sueur glacée coule le long de mon dos. Surtout quand je pense ça ce que la victime a du endurer… C’était un meurtre de sang froid et d’une rage extrêmement violente. Pendant tout le temps où elle était consciente… Elle a du voir son propre reflet dans les yeux de son assassin…

Je prends une grande inspiration. Je regarde attentivement Art quand il me dit qu’il ira voir le corps et parle de l’enquête qui n’avance que difficilement. Ma décision est toute prise.

- Je m’y rendrai sans doute dans quelques jours. Tu veux te joindre à moi ?

Je le regarde comme s’il avait dit une absurdité. Et c’est le cas. A-t-il vraiment pensé un seul instant que j’allais le laisser affronter cela tout seul ? Je soupire avant de répondre.

- Art, tu m’as aidé et soutenu quand j’en avais le plus besoin. Tu crois vraiment que je vais te dire « Bonne chance l’ami !» puis m’en aller comme si de rien était ? Tu ne te débarrassera pas de moi aussi facilement, je te le garantie. Bien sûr, que je me joins à toi ! Tu n’as pas le choix, de toute façon.

Je trouve cela assez cocasse que Sky semble plus scandalisé que moi... "Semble" est le bon terme. Nous sommes sûrement éxeco sur ce point. C'est juste que moi, je ne le montre pas. Je ne suis pas de ce genre. Je n'ai pas pleuré pour la fin tragique d'Elijah. Je n'ai pas versé une larme devant les cadavres qu'il y a eu avant, puis après cet homme, mon protégé. Il m'a dit de le dire, de lui dire, un mot, une phrase. Mais à qui ? Je ne sais pas, il n'a pas voulu me le dire. 

Était-elle fille de noble ? Leur relation, voué à l'échec ? Leur idylle passagère ? Leur amour fugace ? Leur espoir brisé à sa mort ? Qu'en sait-il ! Elijah est tombé sur le champ de bataille, en enterrant le nom de son amante avec lui. Que puis-je y faire ?! Hein ?! Cela commence par un E. Du moins, je le crois. Il a prononcé un "E" puis s'est tu, coupable. Il est mort coupable. De quoi ? D'aimer ? Cette femme était peut-être mariée ? 

Je ne sais pas. 

Je vois le regard d'Erskine, quoi ? Qu'est-ce que j'ai encore dit de mal ? 

À son "Bonne chance l'ami", je hausse juste les épaules. 


-Bah pourquoi pas ? Cela ne m'aurait pas dérangé. 
C'est vrai. Je peux comprendre que la vue d'un corps étranglée ne soit pas la première chose que l'on veut voir... Encore plus quand ces personnes qui refusent sont des anciens soldats qui n'ont connu que cela. Erskine pourrait se rappeler d'événement douloureux, de mort difficile. 

Et moi, face à ce corps, je pense. 

Elijah. Je ne veux pas y penser. Comme pour Lucy, leur mort, leur perte, leur fin. Tout. C'est de ma faute.

-Bien sûr que j'avais le choix ! Sinon je ne t'en aurai pas parlé, et encore moins demandé de m'accompagner. 
Dis-je avec un sourire narquois qui signifie "Oui, je me moque intérieurement à tes dépends". Autrement dit, je me fous de sa tronche. 

Après mon sourire suffisant passé, je lui dis. 
-Très bien, rendez-vous à Street Montain dans trois jours, à 9h du matin. 

Je prendrai un jour de congé pour cela, aller dans la rue où Lucy est morte. Et aussi pour donner des cours un peu particuliers à mon élève, Reese. Mais ça, je ne peux lui révéler.