Isabella Langdale, veuve noire mais sympa quand même

Content Warning pour la fiche : mention de violences intrafamiliales et conjugales, tentative de meurtre, meurtre, alcoolisme.

Je suis née en 1758, le treizième jour du mois de Mars. Sœur de l'actuel Comte de Nottingham, j'ai pourtant été envoyée au pensionnat pour jeunes filles. C'est là que j'ai fait la rencontre de ma meilleure amie de toujours, Ellen, actuellement Lady Ellen Bantham, Comtesse d'Angus.

J'ai été mariée, à l'âge de 22 ans, à un homme dont le nom de baptême ne mérite pas d'être remémoré, le tristement célèbre Marquis de Montrose. Il m'a offert son nom – Langdale – et le début de mes ennuis. De nombreuses grossesses se sont terminées par un deuil. C'est peut-être comme cela que tout a commencé. Il affirmait que seuls les bâtards ne vivaient pas.

En 1783 j'ai donné naissance à Edmond, héritier du Marquis, mais mon mari n'était toujours pas satisfait. Plus il me soupçonnait et me haïssait, plus je me réfugiais chez mon amie la Comtesse d'Angus, et plus je me réfugiais chez mon amie, plus il me soupçonnait et me haïssait. C'était un cercle sans fin. Il m'accusait d'un adultère que je ne commettais pas. Il était persuadé que j'étais l'amante du Comte d'Angus. Un sacrifice que je faisais de bon cœur, puisque cela me permettait de voir Ellen.

J'ai perdu d'autres enfants, puis en 1792 est née Elizabeth.

Le Marquis en a été furibond. Je ne suis pas certaine de ce qui s'est passé, car j'étais épuisée par les efforts de l'accouchement. Les souvenirs se mélangent un peu dans ma vieille mémoire. Un chandelier, des hurlements, des flammes, Edmond qui se précipitait pour saisir Elizabeth dans son berceau... Je me souviens des nourrices hurlant, des bandages sur mes chers petits enfants, de leurs larmes. Les nourrices m'ont montré leurs affreuses brûlures.

Habituellement, je suis prête à faire le sacrifice de dégâts collatéraux si cela me permet d'atteindre mes objectifs. Cela ne me pose aucun problème ni aucun état d'âme. Mais là, c'étaient mes enfants. La chair de ma chair, le sang de mon sang. J'ai convoqué la plus robuste des nourrices, je lui ai confié une cassette d'argent, et je lui ai demandé d'emporter les petits, de les cacher à Londres. J'ai dit à mon mari que la variole les avait emportés, afin qu'il ne les cherche pas.

Je n'ai plus eu aucune nouvelle, ni des petits, ni de la nourrice.

Le Marquis devenait de plus en plus insupportable. Ses mots, ses gestes... Une femme est censée supporter tout cela sans se plaindre. Alors j'ai supporté, mais je me suis plainte dans le giron de ma chère Ellen. Peu m'importait si elle parlait. Cela n'aurait été qu'un dégât collatéral, un risque que son amitié, son amour, valait bien que je prenne. Elle m'a encouragée à me soumettre, m'assurant qu'avec le temps, le Marquis se calmerait bien.

Il ne s'est pas calmé. Je me suis soumise, mais il ne s'est pas calmé. Il a en plus pris le vice de l'alcool.

Parmi les grossesses suivantes, sept sont arrivées à terme, pour quatre enfants actuellement encore en vie. Lord Christian Langdale, né en 1794, héritier du titre de Marquis. Lord Fabian Langdale, né en 1795, engagé comme officier dans l'armée. Lord Ronald Langdale, né en 1798, qui vient d'épouser la fille d'un riche marchand de Montrose. Et, grand drame, en 1800, Lady Genevieve Langdale.

Cela a démultiplié les vices du Marquis. Ce que vivait le personnel de maison était un dommage collatéral que je pouvais bien tolérer, puisque cela me permettait d'avoir un peu de répit. Mais la petite Genevieve... Je ne voulais pas qu'elle finisse comme Elizabeth avait failli terminer, grillée dans son berceau comme un changelin de fées.

Alors, un soir où le Marquis s'était adonné plus que de raison à la totalité de ses vices, j'ai profité de son ébriété pour l'aider à trébucher dans un tapis, en haut des escaliers. Oups.

Le personnel de maison, soulagé, affirme à qui veut l'entendre qu'il est tombé tout seul en pleine nuit. Il affirme également que les papiers du Marquis me cédant un généreux douaire, sont authentiques. Les juristes et autres huissiers s'en sont contentés. Mon petit Christian a hérité du titre, Fabian a terminé ses études puis s'est engagé contre ces cochons de Français, Ronald, je l'ai déjà dit, a épousé une riche bourgeoise. Quant à Genevieve, elle s'entend à merveille avec le petit Lord Sullivan Bantham, fils de ma chère Ellen. Leur mariage n'est qu'une question d'attendre qu'ils soient tous les deux en âge.

Ellen et moi sommes plus inséparables que jamais. Nous partageons notre temps entre le petit cottage auquel mon douaire me donne droit, la demeure de son Comte de mari, et Londres bien entendu. Londres est le lieu rêvé pour mettre son nez dans les affaires de tout le monde, faire avancer ses propres affaires et assurer des alliances diplomatiques, maritales et commerciales pour sa descendance.

Et puis, faire circuler de fausses rumeurs qui agitent tous les salons pendant des mois durant, c'est tellement drôle !