Hesther Somerset - Une petite sourie ducale

On choisis pas ses parents, on choisis pas sa famille. Drôle de pensée dans la tête d’une fille de Duc n’est il pas ? Sauf qu’être fille de Duc, être riche et destinée à un mariage prestigieux ne compensera jamais le fait que voir sa mère partir avec son amant deux jours avant son dixième anniversaire, ça fait mal, très mal.

Après… Il fallait reconnaitre que la vie de couple de ses parents avait commencé sous les pires auspices possibles.

À l’époque, son père Henry Charles Somerset, Marquis de Worcester, fils du Duc de Beaufort prenait paisiblement le frais dans les jardins a une soirée quand une pimbêche en robe de soirée déboula et l’embrassa à pleine bouche. Avant qu’il ait eu le temps de lui demander son nom, une femme plus âgée débarqua et hurla qu’il avait compromis sa fille chérie.

« Elle ne serait pas compromise si vous ne hurliez pas comme un veau. » Aurait-il dû répliquer ? Mais non, il refusa simplement et quitta le bal. Pour se retrouver convoqué par son père Henry Somerset le lendemain matin. Le patriarche fut direct. Ou le Marquis épousait la fille, comme par hasard riche héritière d’un Comte de ses amis, ou il perdait tout moyen de subsistance. Le Marquis tenta le tout pour le tout et argua qu’il était marié, et donc indisponible pour épouser la demoiselle. Son père ne le crut pas et le fit enfermer au (peu de) pain et à l’eau jusqu’à ce que, trois jours plus tard, affamé et épuisé, il cède et épouse la retorse demoiselle.

Mais… Mais il n’avait pas menti. Pas à ce moment-là, en tous cas. Une semaine après son riche et « heureux » (non) mariage, il reçu une lettre qui lui annonça une terrible nouvelle. Il était veuf. Depuis après son mariage avec la fille du Comte. Il était donc bigame et ce dernier mariage ne valait rien. Ravagé par le chagrin de la perte de sa femme, l’ancienne gouvernante de son fils, né d’un tout premier mariage, il sombra dans la dépression quelques longs mois.

Jusqu’à ce que sa Marquise lui impose de consommer leur mariage sous la menace qu’elle aille se faire engrosser ailleurs. Fout de rage, il s’exécuta. Sans violence, mais en espérant bien qu’un enfant naitrait et en pâtirait un jour ou l’autre.

Un enfant en est né. Elle fut nommée Hesther. Et le temps de sa gestation, le Marquis avait eu le temps de se raisonner et de réaliser ce qu’il avait fait. Il avait engendré une bâtarde. Il avait pris des mesures pour réépouser sa marquise, mais d’actes manqués en délais imposés par son père pour les affaires de leurs domaines, et ajoutés au fait que la petite était arrivée avec un bon mois d’avance, il n’en eut pas le temps.

Hesther naquit donc bâtarde en 1797, sans que personne à part son père et l’homme qui avait marié son père et sa femme ne le sache. Pris de panique, le marquis décida donc de ne jamais avouer sa bigamie avant le mariage d’ Hesther. Une fois qu’elle serait mariée et a l’abri du besoin, il rétablirait la vérité.

Hesther grandit donc dans une maison rongée par les secrets et les mensonges. Trouvant son réconfort auprès de son frère ainé Henry Daniel Somerset (oui, on n’avait pas beaucoup d’imaginations pour les prénoms dans cette famille), mais en 1801, celui-ci quitta la maison pour aller étudier à Eton. Et s’il revenait pour les vacances, le reste du temps, la petite fille se retrouva seule.

Elle affronta donc une enfance solitaire. En 1803, son grand-père le Duc mourut et son père devint Duc, mais il ne devint pas plus affectueux pour la petite fille avide d’affection qu’elle était. L’imbécile l’aimait, mais était incapable de ne pas voir la nouvelle duchesse en elle, duchesse qu’il haïssait.

Tout changea en 1807. Quand une autre petite fille vint s’installer au château, ce qui était bien, mais aussi quand la duchesse quitta définitivement la demeure familiale pour s’installer avec son petit baron d’amant. Deux jours avant l’anniversaire de sa fille, donc.

Le cœur de la petite fille en fut définitivement déchiré. La présence de l’autre petite fille que tout le monde soupçonna vite être une fille bâtarde du Duc (et qui était en fait la fille de sa gouvernante de femme, oui, c’est dur à suivre) fut un baume au cœur pour Hesther, mais ne combla jamais le gouffre dans l’amour propre de la fillette. Si même sa mère ne l’aimait pas, qui pourrait l’aimer ?

Les deux fillettes grandirent, en taille et en beauté. Elles devinrent vite proches et en apparence, Hesther allait bien mieux, si on excluait sa timidité. La petite Théodora devint sa dame de compagnie et tout allait pour le mieux. Quand Hesther n’y pensait pas, elle se sentait presque bien. Jusqu’au jour où Théodora lui avoua rêver d’une carrière d’opéra.

Persuadée que sa presque sœur (qui l’était plus qu’Hesther ne le soupçonnait) allait l’abandonner dans la seconde, elle lui arracha la promesse de rester avec elle jusqu’à son mariage. En échange, parce qu’on n’a rien sans rien, pensait Hesther, la demoiselle Somerset promit d’aider Théodora à se lancer dans l’opéra une fois marié.

Une fois monnayé l’appui de sa dame de compagnie, Hesther se sentit plus sereine.

Jusqu’au jour ou…

Jusqu’au jour ou Père et Henri Daniel étant partis, pour la journée, et où ce filou de Philip se glissa dans la maison pour apprendre une nouvelle extraordinaire à Théodora : Le directeur de l’Opera, qui l’avait entendue chanter a une petite soirée intime chez le malandrin avait une chanteuse malade et besoin de la Dame de compagnie pour la remplacer !

Hesther vécu l’événement comme un déchirement. Ce n’était pas juste. Théodora devait faire ses débuts dans l’opéra après son mariage. C’était le deal. À quoi servait-elle, elle, si elle ne pouvait même plus lui apporter cela ?

Mais a la joie sur le visage de celle qu’elle voyait presque comme sa sœur, elle ne put que céder. Pour le moment, Père et Henri Daniel étaient absents, mais ils ne tarderaient guère à rentrer. Elle l’encouragea à se sauver et couvrit son absence, sous un prétexte de migraine, toute la soirée. Et quand sa compagne rentra, tard dans la nuit, elle était là pour lui ouvrir la porte de derrière.