Dans le kiosque, il y a un vicomte et une comtesse.

Vauxhall, cet endroit est d'un relaxant et son thème basé sur les ruines gréco-romaines n'est pas pour déplaire aux yeux de Mésis. Quel bon vent l'amène en ces lieux ? Juste l'air de la tranquillité. Les affaires de son mari sont à la fois exaltants et contraignants sur son temps libre. Force est de constater qu'elle est une femme occupée. Bien qu'elle n'est guère d'enfant, elle se sent entouré que d'incapable. En effet, pour elle, enfant rime avec impotent. Ces petits êtres sont beaux... De loin. Approchez-vous trop près et vous êtes condamné. D'autant plus qu'un bambin ne vaut mieux pas qu'un chien. Cela mord, cela cri, cela court partout, c'est sale, cela pleurniche pour un rien. Un chien est plus pratique, il peut être laissé dehors dans une niche. Là où les mères se doivent de se coltiner ces avortons.

Bref, elle n'est pas venue pour cela. Un livre en main, elle se décide de s'installer sur le kiosque le plus proche. En y arrivant, elle découvre à sa plus grande surprise le comte d'Esterney, assis sur un banc de la structure en bois. Elle hausse un sourcil, l'homme semble si profondément plongé dans sa lecture. Elle ne sait pas si elle veut vraiment le perturber. Quelle question !? Bien évidemment que oui. Elle est plus intéressante qu'un pathétique livre dénué de vie.

Elle s'assit près du comte, sans demander son avis, et puis quoi encore ?! Il n'y pas son nom dessus, à ce qu'elle sache, et même sans cela, elle ne se serait pas gênée pour s'y installer. Elle dépose son livre, qui ne lui est plus utile maintenant qu'elle a une distraction, puis parle à Oswald.

-Bien le bonjour, milord.

Elle n'est tout de même pas impolie au point de manquer encore plus à l'éthique.

-Je ne vous vois plus depuis quelques semaines déjà, et bien que votre présence ne me manque que légèrement, votre absence, elle, elle m’intrigue. Vous qui étiez là à chaque réunion. C'est un retournement de situation fort étrange, venant de vous.

Bien qu'ils sachent tout deux de quoi parle Mésis, elle évite de le dire à voix haute, autant pour elle que pour Oswald. Celui-ci est homosexuel. Ce n'est pas si étonnant, il ne l'a jamais reluqué une seule fois ! Certes, elle ne fait pas toujours l’unanimité chez certains hommes mais tout de même ! Soit, elle a confirmé ses spéculations sur son orientation sexuelle lors d'une réunion pour les... Pourrait-elle utiliser le terme "déviants" ? "Ou Divergents" ferait l'affaire aussi. Pour ceux dont l'hétérosexualité n'est guère présente ou seulement réduite à moitié.

"Milady..." répond Oswald sans sortir de son livre.

Il a bien reconnu la comtesse de Chesterfield. Et ce n'est pas qu'il ne l'aime pas. C'est une personnalité fascinante, mais il garde en travers de la gorge le comportement de son mari au bal de la Victoire. Certes, grâce a lui, il avait atteint son objectif et s'était fiancé à Aelis, mais bon... Cette victoire avait un gout de cendres.

Mais elle insista. Et Oswald posa son livre en soupirant.

"On ne vous a pas dit, Milady? Je me fiance. Peut être ces... Réunions ont-elle perdu de leur charme, pour moi?"

Il pense à sa camarade de débauche. Elle n'est certes pas aussi déviante que lui, mais sa discrétion et ses... activités lui avaient ouvert les portes de certains cercles. Plus d'un homosexuel de leur cercle en se mariant avait fait appel à la Dame de Chesterfield. Et soudain... soudain une idée lui traverse le crâne. Mesis pouvait peut être lui apprendre a maitrisé son corps face à une femme, bien sûr, elle l'avait fait avec plusieurs camarades. Et l'idée de coller des cornes de plus a son abruti de mari... Celle-là, il l'aimait bien, cette idée.

Il lui sourit.

Elle sourit avec satisfaction quand le vicomte d'Esterney abandonne  enfin son livre pour lui accorder toute son attention. Elle savait que son charme était inégalable, et incomparable face à un grossier bouquin !

-On m'a bel et bien informé que vous vous êtes fiancé. Cela m'a moyennement surpris. Venant de votre part, c'était plus tôt que je ne l'aurai crue. Il n'en déplaise, une déviance reste encrée. Vous auriez pu faire une croix dessus pour le bien de l'heureuse élue, mais l'inverse est tout aussi bien possible. Qu'en sais-je ? Je ne suis pas en mesure de trancher à votre place.

De plus, cela ne la regarde aucunement. Bien qu'elle ne risque pas de le dire à voix haute, elle est au courant de ce détail.  

Elle hausse un regard face à ce sourire qui semble... Oserait-elle dire "sincère" ? Non pas qu'avec Oswald elle est hypocrite, c'est juste qu'ils ne se sourient pas beaucoup, tout simplement. D'après ses souvenirs en tout cas.

"C'est toujours ironique de vous entendre parler de déviance, Lady Chesterfield..."

Parce que bon, coucher avec tous les puceaux de la bonne société, ça se posait là aussi comme déviance. Et qu'on ne vienne pas lui dire qu'elle faisait ça pour l'argent. De l'argent, son mari en avait, elle n'avait pas besoin de se prostituer, mais envie, très clairement.

Mais il ne le dit pas. Il n'a pas envie de l'antagoniste. Il a envie... ben pas d'elle, mais de ses services.

"Ma déviance est toujours là. Et elle me handicape un peu pour mon mariage à venir."

Il décala son bras sur le banc pour caresser délicatement l'épaule de la comtesse.

"Connaitriez-vous des solutions à ce problème, ma chère?"

Bien sûr, il pourrait arriver puceau et aussi ignorant qu'Aelis a son mariage, mais... Mais non. Ce serait humiliant d'être incapable de l'honorer. Et ça risquait fort d'arriver. Avec l'aide de Mésis, ça marcherait peut être.

Peut être.

-Oh ? Et pourquoi cela, vicomte d'Esternay ?

Demande Mésis sans vraiment comprendre l'insinuation. Elle sait qu'elle risque de ne pas apprécier mais pas du fait que les pensées du vicomte soient mauvaises en son égard. Non, là n'est pas le problème. Le fait est qu'elle savait la vérité sur l'orientation d'Oswald, et jamais elle ne lui en a tenu rigueur. Certes, peut-être a t-elle été surprise, peut-elle lui a t-elle fait des remarques déplacées, peut-être~ Elle va s'arrêter là, cela risque d'être trop long.

Bon, tout cela pour dire qu'elle a quand même été... Là. Même quand elle lui faisait des remarques, c'était véritablement pour l'aider. Et aussi parce qu'elle est... Elle. Elle ne peut pas changer qui elle est. C'est dommage qu'Oswald n'accepte pas sa déviance à elle.

Celle d'Oswald n'est pas accepté, la sienne non plus. Pourtant ils en arrivent à ne pas s'accepter, tout en faisant plus ou moins semblant de ne pas trop juger, de ne pas être répugné. Mésis l'a été, avant Oswald. Elle est une femme, elle aime les hommes. Elle veut un enfant que son mari ne peut lui offrir. Alors elle se dit que le problème, c'est son mari et pas elle, donc elle va enseigner la sexualité a des jeunes, plus vigoureux, plus vifs qui peuvent lui offrir ce que son imbécile de mari est incapable de lui donner. Il est certain qu'elle n'avouerait cela à personne ! Surtout qu'elle s'entête à penser le contraire. Pourquoi vouloir un enfant alors qu'ils sont si... Enfin elle comprend ce qu'elle veut dire. En tout cas, cela ne concerne qu'elle et son mari. Et tous ceux qui auraient pu être le père biologique d'un hypothétique enfant qu'elle ne pourra jamais avoir. Ô joie... Cela fait quand même un paquet d'hommes ! Sans vouloir se venter. Mais en tous les cas, Oswald n'en fait pas partie, elle n'a pas à se justifier. Elle ne lui a jamais demandé pourquoi il aimait les hommes ! Tsk. Et cela, c'est vraiment véridiquement vrai. Il n'a pas à sous-entendre quelque chose de dégradant. Bon, il aurait pu penser quelque chose de gentil, certes mais... Etant donné comment elle est, elle en doute et pas qu'un minimum !

-Je comprends en quoi cela puisse être handicapant.
Bien qu'elle ne comprenne toujours pas ce que cela a avoir avec elle !

Elle plisse les yeux devant cette familiarité qui lui déplaît. C'est avec une fausse délicatesse qu'elle enlève le bras de cet énergumène de son épaule qui ne lui avait rien demandé. Comment ose-t-il ? Elle initie toujours le contact. Toujours. Sauf exception pour son mari.

-Qu'attendez-vous de moi au juste ? Je n'apprécie que vous usiez de votre "charme", ne tournez pas autour du pot. J'en ai une sainte horreur. Vous voulez... Faire appel à mes services ?

Demande-t-elle de sa voix normale, sauf pour la question qu'elle a posé en veillant bien à ce que personne ne l'entende, regardant chaque coin possible pour espionner leur conversation. Puis elle a chuchoté cette interrogation qui lui brûle les lèvres. Clairement, s'il dit "oui", celle-là, elle ne s'y attendait pas ! Mais alors là, pas du tout.

Qu'attendait-il d'elle? Vraiment?

Le vicomte se figea et se referma sur lui-même.

"J'attends de vous..."

Il soupira.

"Rien. Je n'attends rien de vous. Je... J'ai eu envie de vous demander vos... services, mais... Mon problème n'est pas le manque de connaissance, c'est le manque de désir."

Il avait eu envie de se venger de son mari, aussi. Mais c'était trop nul pour être dit à voix haute. Mysis était presque son amie. On n’utilise pas ses amis pour humilier les gens.

Il soupira. Avant de rire.

"Ouais, je me dégonfle... désolé..."

Elle hausse un sourcil devant sa nervosité et son manque de confiance qui ne lui ressemblaient pas. Elle le savait confiant, de ce fait elle est décontenancée devant cette attitude qu'elle ne lui connaissait pas. 

Elle l'entend soupirer, tandis qu'elle est très inquiète, bien qu'elle n'en dira rien. Elle ne le pousse pas à se confier, ce n'est pas de son ressort. Elle attend juste. Qu'il parle de lui-même ou se taise. Parce que pour dire des non-sens, autant ne rien dire. 

-Ha le désir. C'est une chose fascinante et dévastatrice. Parfois il parvient même à prendre le contrôle de certains hommes, ou femmes. Ne soyez pas désolé d'en être dépourvu dans certaines situations. Mais vous avez raison, je ne peux rien faire pour vous donner du plaisir que vous n'avez pas. Tout simplement parce que je ne peux pas créer ce que vous n'avez jamais eu envers...  

Puis elle murmure doucement, tel un tabou. 
-Les femmes.

Elle soupire, elle aussi. 
-Mais cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas en avoir pour votre épouse. 

Elle attend avant de continuer.

-Vous savez, c'est peut-être méchant mais je suis content que vous vous soyez dégonflé, Monsieur le vicomte d'Esternay. 

"On verra..."

Le ton du vicomte est inquiet. Oui, il verrait bien ce que ça donnerait avec Aelis...

"Moi aussi, j'en suis heureux. C'était une très mauvaise idée."

Il soupira et regarda au loin.

"Permettez-moi de m'enfuir, à présent, Comtesse."

Joignant le geste à la parole, il salua avant de s'éloigner.