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 Les queers sous la régence

The Regent
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Les queers sous la régence /
Ven 22 Juil - 20:57






Les queers sous la régence
◦ Explications et Subtilités ◦



CONTENT WARNING : je vais mentionner des détails en termes de parties génitales, pratiques sexuelles, actes et mentalités oppressives envers les personnes queer (homosexuelles, transgenre, intersexe...) donc faites attention à vous mes poussins !

Ci-après je vais utiliser « queer » comme terme-parapluie pour désigner toutes les personnes qui ne sont ni des hommes masculins nés avec un pénis et attirés uniquement par les femmes à la fois de manière sexuelle et romantique, ni des femmes féminines nées avec une vulve et attirées uniquement par les hommes à la fois de manière sexuelle et romantique, et j'inclus les personnes intersexe. Je trouve ça plus joli et inclusif que « LGBT+ » et autres acronymes. 

On s'imagine plein de choses sur ce qu'était la vie des personnes queer dans le passé. Nos fantasmes balancent entre une utopie dans laquelle tous les queers étaient acceptés sans exception avec bienveillance – et un enfer dans lequel toute « déviance » était punie de la plus horrible façon possible. Rassurez-vous, le côté « enfer » était réservé aux « changelins » (enfants au handicap physique ou neurologique visible dès la petite enfance). Pour les adultes queer c'était plus compliqué que ça. Il y avait plein de facteurs jouant sur la manière dont on allait les traiter, que ça soit leur classe sociale, leur type de queer-itude, le pays dans lequel on était, l'époque... Des fois à un an près l'attitude des gens variait du tout au tout. 

En résumé : c'est compliqué. Je vais essayer de démêler tout ça pour vous !

Pour les gens qui ont pas compris la différence entre les termes modernes « transsexuel » et « transgenre » : « transsexuel » est un terme périmé et médicalisant, désignant « une personne qui a le comportement sexuel de l'autre sexe, donc, strictement attirée par son propre sexe, et souhaitant avoir le corps de l'autre sexe ». Actuellement « transgenre » désigne « une personne dont l'identité psychologique et/ou sociale de genre, est différente de celle qu'on lui a attribuée à la naissance » et le reste (orientations sexuelles ou romantiques, préférences en termes de transition médicale ou de vêtements...) c'est du détail privé. Donc une femme trans est une femme parce que c'est son identité profonde. Une personne non-binaire est … non-binaire. Et un homme trans est … un homme. (C'est quand même vachement plus simple à suivre avec les dénominations contemporaines.) On s'en fout de son corps, de ses fringues, de avec qui la personne couche ou pas. 

Ça y est vous avez vos petites fiches de révision ? C'est parti ! On en remet une couche avec du vocabulaire !

Le vocabulaire sous la régence

Niveau vocabulaire, seul le mot « lesbienne » était déjà utilisé sous la Régence et continue d'être utilisé de nos jours. Pour ça on peut dire merci à la poétesse Sappho, vivant sur l'île de Lesbos. Elle nous a laissé un bel héritage de poèmes d'amour entre femmes, et nous a aussi prouvé que ça fait des milliers d'années que les queers ne savent pas s’asseoir droit sur leur chaise. (C'est un cliché marrant de dire que les personnes queer ne savent pas s'asseoir correctement sur leur chaise.) Possiblement le terme « lesbienne » pouvait aussi désigner les femmes bisexuelles, mais j'ai pas vraiment trouvé de sources sur le sujet. L'époque voyait les femmes lesbiennes comme « des bonnes copines » avant toute chose et avait du mal à comprendre qu'on puisse coucher sans pénis. Les mecs gays ou bisexuels, on les appelait des « mollies ». Ce terme recouvrait tous les hommes efféminés, actuellement on pourrait mettre des dizaines de sous catégories dedans en fonction des motivations derrière le fait de s'habiller en femme. Comme, juste aimer ça, vouloir se déguiser, être une femme au fond de son cœur, trouver que les pantalons c'est pas confortable... Mais à l'époque, un seul mot recouvrait tous ces gens et c'était, « mollies » (on écrit ça « molly » au singulier). Une personne portant des vêtements traditionnellement attribués à un autre « sexe » que le sien, est « travestie » peu importent les raisons pour lesquelles elle a fait ce choix vestimentaire. Actuellement ce terme est réservé uniquement à certaines motivations derrière ce choix vestimentaire, les autres motivations portant d'autres étiquettes. Mais sous la Régence, on s'en fiche de savoir si tu choisis tes vêtements par confort, parce que c'est joli, parce que ça exprime qui tu es au fond de ton cœur, parce que tu es pas content qu'on met les gens dans des cases... La Régence n'a qu'un seul tiroir pour tout le monde qui ne respecte pas les codes de « sexe » dans les vêtements, et c'est « travesti ».

Les personnes intersexe dont l'intersexuation est visible à la naissance (vulve ouverte et pénis formé) sont des « hermaphrodites ». Celles dont l'intersexuation est plus subtile (vulve mais pas d'utérus voire, pas de vagin non plus, pénis avec le méat urinaire à la base plutôt qu'à l'extrémité, testicules qui ne sont pas descendus dans les bourses...) ou ne devient visible qu'à partir de la puberté (seins qui poussent sur un homme, micro-pénis, femme à barbe...), sont « malformés ». Celles dont l'intersexuation est trop discrète pour être visible autrement que par la stérilité, sont « des hommes et femmes stériles ». 

Ben oui, l'époque se basait uniquement sur ce qui était observable avec les connaissances médicales de l'époque. Exit la compréhension de l'intersexuation en termes de chromosomes, présence ou absence du gène SRY, sensibilité des récepteurs aux différentes hormones, taux hormonaux du corps... T'es visiblement en-dehors des cases « homme/femme » en termes de caractères sexuels ? T'es « hermaphrodite » ou « malformé ». Tes variantes sont invisibles à l’œil nu ? Toi-même tu ne sauras jamais que tu fais partie des 1,7% des variations marrantes en termes de caractères sexuels physiques. (D'ailleurs fun fact : on estime qu'il y a environ 48 variants sexuels différents chez les humains : 2 principaux (mâle et femelle) et 46 intersexuations différentes.) (Et je parle même pas du bordel quand on rajoute par-dessus les aspects psychologiques et sociaux en termes d'identités de genre.) 

Et ouais, vous imaginiez pas apprendre ça sur un site de RP !

Bon, on va faire « simple » et s'en tenir à la manière dont la Régence conceptualisait tout ça. Si vous avez la curiosité de toutes les micro étiquettes modernes qui existent pour nommer les différentes expériences personnelles qu'on peut vivre quand on est queer, il existe des Wiki (surtout anglophones) qui font office de « Pokédex de drapeaux queer ». On s'y perd mais c'est marrant.

Des « Molly Houses » pour les mecs gays (et les autres queers aussi, on est pas sectaire)

Les personnes queer n'étaient pas super-super acceptées dans la société. Ce point de vue centré sur « les femmes à vulve mariées à des hommes à pénis et inversement » était motivée sous la Régence par l'obsession pour la famille et la reproduction. Cela a entraîné une différentiation très nette des rôles sociaux attribués aux hommes et femmes, un fort contrôle des comportements sexuels, et un enfermement des femmes dans un rôle de maternité. Bon OK ça change du rôle de salope tentatrice des siècles précédents, mais je sais pas si c'est mieux. 

Toujours est-il que les gens qui ne rentraient pas dans ces cases se retrouvaient stigmatisés. 

Ces gens se regroupaient dans des lieux nommés « molly houses » qui étaient à peu près n'importe quelle taverne, café, restaurant, hôtel... queer-friendly. Ces lieux existent depuis au moins 1709, que ça soit sous le nom de « Molly House » ou de « Molly Club » ou autre « Molly Bar ». 

Comme n'importe quel club ou bar, c'étaient des lieux pour papoter, boire un verre, fumer ensemble... et pas uniquement des lieux de débauche, de travestissement et de rencontre (parfois monnayée, la rencontre). Ce pouvaient aussi être des pensions, où les personnes queer se réfugiaient parce que personne ne voulait d'elles ailleurs. 

Quand je dis « n'importe quel lieu » cela inclut les toilettes publiques, parcs, etc. où les mecs gay se rencontraient pour se draguer ou échanger des services sexuels monnayés. Bon là on appelait ça plutôt « molly market » que « molly house » vu qu'un coin discret dans un parc, on peut difficilement appeler ça une « maison » (house). 

Un moyen de repérer ces lieux, c'est qu'ils sont souvent près d'une potence. La police construisait les potences près des repères à « mollies » pour leur faire peur et pour éviter d'avoir à les transporter sur des miles et des miles pour pouvoir les pendre haut et court. L'effet secondaire c'est que la potence de l'époque c'était presque le drapeau arc-en-ciel d'aujourd'hui. C'était une manière de retourner le stigmate, un peu comme les mecs gay qui s’autoproclament « pédé » afin que ce mot cesse d'être une insulte. C'est aussi l'histoire du terme-parapluie « queer ». 

Alors, il se passe quoi dans une « molly house » ? On y trouve des gens travestis, des gens qui flirtent, des gens qui dansent, des gens qui discutent, des gens qui s'offrent à boire, des gens qui s'embrassent, des gens qui s'aiment, des gens qui fument, et à l'occasion, des gens qui vont louer une chambre à l'heure ou à la nuit, mais aussi, des spectacles de cabaret très queer façon « Rocky Horror Picture Show » ou des célébrations non-officielles de mariages gay. Shocking, je vous dis. 

L'un des codes de comportement des « molly houses » était que les hommes queer utilisaient des prénoms ou surnoms féminins (Marie De La Jarretière, Tante Angleterre, Molly PommeGrenade...), des titres féminins (Madame, Lady, Reine, Duchesse...) et des vêtements féminins, ce qui a participé (ou inversement par retournement du stigmate) au surnom de « molly » attribué à ces hommes. 

Pour garder les « mollies » en sécurité, les « molly houses » et « molly markets » étaient situés dans les lieux les plus appropriés à leurs activités illégales, c'est-à-dire, les quartiers de Londres avec le taux de criminalité le plus élevé. Parmi les lieux populaires on trouve : 

• Les arcades de Covent Garden et le Royal Exchange ; 

• Moorfields (d'ailleurs le sentier qui traversait cette zone était surnommé « Le Passage des Sodomites ») ; 

• L'Auberge Lincoln ; 

• La partie sud de St James's Park (très populaire auprès des soldats car il y avait des baraquements de soldats non loin).

Les lesbiennes et les couples « femme féminine femme travestie »

Il existe des stéréotypes misogynes et infantilisants selon lesquels une femme ne peut pas être demandeuse de sexe ni actrice de sa propre sexualité. Voire même, pour citer un jugement en justice qui a eu lieu en Écosse opposant Dame Cumming Gordon à Woods & Pirie, le sexe entre femme est « aussi imaginaire que la sorcellerie ou l'acte charnel avec le démon ». Il en découle des concepts bien toxiques pour la société dans son ensemble, entre autres, que les femmes en couple ça n'existe pas, c'est juste des bonnes copines – et que donc toutes les femmes sont bies puisque le lesbianisme c'est juste de l'amitié entre femmes. 

C'était déjà le cas sous la Régence. Quand la société finissait par connecter ses deux neurones et réaliser que ces deux bonnes copines sont en fait des amoureuses, les risques d'être condamnées au pénal étaient minimes par rapport à ce qui arrivait aux hommes. On utilisait alors le terme de « lesbiennes » pour ces couples formés de deux femmes féminines. 

Néanmoins les couples de femmes totalement indépendants étaient extrêmement rares puisque l'accès à l'indépendance financière était très difficile pour les femmes – à moins que l'une d'entre elles ne se travestisse en homme. 

Sous la Régence vous allez pouvoir rendre visite dans le Pays de Galles aux Dames de Llangollen (Eleanor Butler et Sarah Ponsonby) dans leur domaine de Plas Newydd, dans la ville de Llangollen. 

Elles vivaient d'une pension offerte par le Roi George III sous l'influence de la Reine Charlotte qui était fascinée par ces femmes. Si vous êtes auteur/ice, Plas Newydd est LE lieu à visiter et où passer des vacances. 

Deux femmes vivant ensemble et qui étaient comprises comme un couple, pouvaient être nommées des « maris-femmes » ou « maris-épouses » lorsque l'une des deux se travestissait en homme. Savoir laquelle allait se travestir était facilité si l'une des deux avait de la barbe qui poussait à cause par exemple du syndrome des ovaires polykystiques. L'autre prétendait ne pas savoir que son mari était né femme. Difficile de dire avec le recul s'il s'agissait « juste » de travestissement ou si le mari était « un homme né dans un corps de femme » pour le dire grossièrement (un homme transgenre), car la différence entre les deux ne se faisait pas à l'époque de la Régence donc nous n'avons pas de document écrit sur le sujet. 

De façon générale, beaucoup d'histoires de couple « femme féminine x femme masculine » se finissaient devant les tribunaux... en faveur du couple en question. Le côté misogyne du « c'est mieux pour une femme de s'habiller et se comporter en homme que pour un homme de s'habiller et se comporter en femme » ne date hélas pas de hier. 

Dans tous les cas, ces messieurs nés homme étaient très TRES jaloux du succès que pouvaient avoir ces autres messieurs, nés femmes, auprès de ces dames. Et en même temps ne se sentaient pas non plus tellement en danger vu que, ces « messieurs-dames » n'ayant pas de Sacro-Saint Pénis, ils ne pouvaient pas vraiment faire quoi que ce soit, m'voyez ? (Apparemment un gode-ceinture, même si ça existe depuis des millénaires avant la Régence, ça comptait déjà pas pour ces messieurs cisgenre. La masculinité fragile a de tout temps protégé son ego comme elle peut.)

Les « travestis »

C'est super dur de faire la différence entre les mille et une raisons qui vont motiver quelqu'un à opter pour les vêtements « de l'autre sexe » et se « travestir ». La Régence ne conceptualisait aucune des distinction que nous faisons actuellement. Une seule case pour tous ces gens, « travestis » et c'était illégal. Oui c'est super ironique qu'une société qui est super pudique au point de ne pas vouloir montrer ses chevilles, codifie les vêtements des gens pour qu'on sache au premier coup d’œil si c'est une personne avec un pénis ou une vulve. Cherchez pas, logique de la Régence. 

Les hommes travestis en femme des « molly houses » pouvaient être autant des gens souhaitant se déguiser, exprimer leur identité profonde, détourner les codes vestimentaires de leur époque ou plein d'autres raisons. Les femmes travesties en homme pouvaient le faire pour ces mêmes raisons ou encore le faire pour des raisons plus terre-à-terre comme, pouvoir s'enrôler dans l'armée ou accéder à la propriété privée. 

Ainsi, si quelques femmes travesties s'habillaient en homme pour pouvoir épouser leur amoureuse, beaucoup le faisaient pour pouvoir s'engager comme matelot ou soldat, partir à l'aventure ou à la guerre, etc.

Des intersexe dans les Freak Shows ? 

Il y a des chances pour que vous ne sachiez pas ce qu'est un « Freak Show » mais rassurez-vous je suis là ! 

Pendant longtemps, les personnes en situation de handicap visible n'avaient pas beaucoup de solutions pour vivre. Soit elles étaient entretenues par leur famille, soit elles utilisaient la visibilité de leur handicap pour gagner leur vie. Ainsi, on pouvait avoir des mendiants qui exhibaient leurs malformations pour attirer la pitié publique, des femmes à barbe propriétaires de bars qui attiraient la clientèle grâce à leur pilosité faciale, ou encore, des spectacles ambulants dont l'attraction principale était d'exhiber des gens « monstrueux » : les « Freak Shows ». 

Après, c'est comme partout, y'avait aussi pas mal de comédie, ça reste du spectacle après tout. Certains mendiants « monstrueux » créaient leurs « monstruosités » de toutes pièces pour pouvoir attirer la pitié et la charité. Pareil dans les « Freak Shows », il y avait beaucoup d'histoires de mise en scène et de maquillage. Mais aussi des histoires authentiques. 

Revenons aux personnes intersexe, telles que définies sous la Régence. 

Une personne dont l'apparence des organes génitaux externes à la naissance est ambiguë, est nommée « hermaphrodite » et on lui assigne un genre, homme ou femme, d'après la tendance morphologique visible. 

De nombreuses personnes historiques sont en fait intersexe et ont été rangées dans une case de sexe binaire (homme ou femme) à la naissance. De temps en temps on a des archives historiques qui ressortent des placards dans lesquels les générations précédentes les avaient enfermées pour préserver leur vision simpliste et binaire du monde. 

Certaines personnes intersexe comme l'Allemand/e Maria Dorothea Derrier/Karl Dürrge gagnaient leur vie en faisant le tour du pays pour se faire examiner par les médecins, participant indirectement à la codification des standards de classification des sexes dans des cases binaires. La distinction entre « hermaphrodite vrai » et « pseudo-hermaphrodite » ne se fera qu'avec le développement de la microscopie durant l'ère Victorienne, l'« hermaphrodite vrai » devant présenter à la fois un ovaire et un testicule, les autres formes d'intersexuation étant définies d'après son type de gonades.

À l'heure actuelle, suivant la personne à qui on demande, le spectre de l'intersexuation peut inclure ou non le syndrome des ovaires polykystiques, la gynécomastie, le phénomène de micro-pénis, etc.

Or, les personnes présentant ces particularités pouvaient se retrouver, au côté des « hermaphrodites » à proprement parler, exposées dans les « Freak Shows », lors de foires plus généralistes, ou en tournée solo dans le pays.

Des scandales dans la Haute

On a de la Régence une vision domestique, polie, pudique, respectueuse de l'étiquette et des lois. On a tendance à s'imaginer que la « vraie vie » était la même chose que les histoires de Jane Austen ou Georgette Heyer. Pourtant les gens de l'époque aimaient au moins autant que nous les histoires de scandales. Sans compter que, comme les « gens de la haute » de notre époque, les « gens de la haute » sous la Régence étaient du genre à savoir comment s'amuser, si vous voyez ce que je veux dire. 

La Régence aime échanger autour des scandales, admire les gens provoquant ces scandales, aime interagir avec eux. Sir Lumley St George Skeffington, aka « Skiffy », et ses potes très très gay euh pardon, célibataires confirmés, tels Montague James Mathew, Beau Brummell ou même, oui oui, le Prince Régent, faisaient partie de ces gens. Les courtisans de la Régence ont été soigneusement effacés de l'Histoire par la pudibonde ère Victorienne, mais ils existaient, et ils étaient aussi fabuleusement excentriques que nos stars les plus gay du moment. 

Côté femmes, les trois plus connues étaient Julia Johnstone, Harriette Wilson et sa sœur Amy Dubochet. Ces « Trois Grâces » entretenaient les salons, les amants et les scandales, pour le plus grand plaisir de leurs ami/es et contemporain/es. 

Autant les identités queer étaient détestées chez les classes sociales les plus défavorisées, autant les classes sociales les plus élevées tiraient un certain profit en popularité à étaler leur queer-itude au grand jour. 

Certaines personnes pourraient me rétorquer que, les gays c'est pas siiii courant que çaaaaaa voyooooons ma bonne daaaaaame. Sans compter les autres queer qui « n'existent pas ». 

Je vais sortir mes stats ! Vous allez voir, c'est rigolo. 

De tous temps il y a toujours eu environ 10% de la population à être non-hétéro (gay, bi, pan...). (Pour les personnes qui ne correspondent pas à 100% à la case de genre dans laquelle on les a mis à la naissance, suivant comment on calcule et quels critères on prend en compte, ça peut monter jusqu'à 20%.) Mettons que seulement 10% de ces gens, sous la Régence, osent vivre leur nonhétérosexualité, que ça soit publiquement ou clandestinement. Ça fait 1% de la population avec une activité non-hétérosexuelle. Si on rapporte ça à la population de Grande-Bretagne de 1810, ça fait 120 000 « gays » actifs, beaucoup d'entre eux vivant dans l'entourage du Prince Régent et/ou étant célébrés par la crème de la crème de la société. 

Ça laisse pensif tout ça.

Criminalisation (ou pas) des identités queer

Avant le 18è siècle (les années 1700), le sexe non-procréatif était vu comme n'importe quel péché ou vice. Ça n'était pas plus spécial que l'alcoolisme par exemple. Mais l'évolution du point de vue moral sur le sujet a amené progressivement à une pénalisation de la pénétration anale entre hommes voire même, entre un homme et une femme – pénalisation par la peine de mort par pendaison. L'acte de la sodomie était clairement vu comme le pire de tous les actes criminels. Notez qu'à l'époque, « sodomie » veut dire à la fois « sexe anal », « sexe oral » et « sexe avec des animaux » le tout, allant jusqu'à l'éjaculation. Et il fallait avoir deux témoins visuels. Ironiquement, les personnes vraiment gay étaient moins souvent condamnées que des gens totalement innocents mais victimes de maîtres chanteurs ou autres actes de vengeance – tandis que les prêtres officiellement prêtres qui célébraient des mariages gay dans les « molly houses » étaient dans la légalité. 

Le mariage n'était pas reconnu officiellement, mais le prêtre était dans la légalité. 

Ça vous en bouche un coin n'est-ce pas ? 

Bon après il y avait des histoires de « Qu'est-ce que la société va dire ? » et les prêtres pouvaient se retrouver à nier avoir fait ça, accuser des rivaux d'avoir lancé la rumeur, etc. Parole contre parole, difficile de démêler l’écheveau au final. Donc... RP-ez ce que vous voulez, faites juste gaffe à la rumeur publique. Après tout, on condamne plus facilement pour crime de sodomie suite à des accusations à des fins de chantage, que suite à des actes vraiment avérés. En cas de problèmes vous pourrez toujours fuir en France où la sodomie est décriminalisée depuis 1791. 

Comme on le voit, ce qui était condamné ce n'est pas le fait d'être gay, mais le fait de pratiquer la sodomie. Les lesbiennes étaient tranquilles de ce point de vue là. Ce n'est pas une identité qui était stigmatisée, mais une pratique en particulier. Ce n'est que progressivement que la conceptualisation est passée de « quelque chose qu'on fait » à « quelque chose qu'on est ». 

(Pour le fun fact au passage, sortez les sacs à vomi je vais parler de pédophilie : quand on lit des livres d'Inquisiteurs comme le « Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons » ou qu'on regarde la définition de la sodomie, on remarque que le sexe avec des enfants n'est pas condamné. On comprend mieux pourquoi l’Église protège encore actuellement les prêtres pédophiles tout en harcelant les personnes queer. C'est dans son ADN). 

Les « molly houses » subissaient régulièrement des raids policiers bien que la plupart étaient infructueux. Il y en a eu un en 1810 au White Swan, qui n'était ouvert que depuis six mois à peine. Trente personnes ont été arrêtées, hommes et femmes. Deux personnes ont été condamnées à mort pour homosexualité (« buggery »), les autres ont été condamnées au pilori. La violence de la foule était telle qu'un des condamnés au pilori a perdu connaissance sous les coups de la foule. 

La même année, le fermier Matthew Tomlinson du Yorkshire écrivait dans son journal qu'il se demandait quelle était la pertinence de condamner les gays pour « crime contre la Nature » alors qu'ils sont gay par nature, et donc, créés ainsi par Dieu, et donc, c'est injuste de les condamner parce qu'ils sont ce que Dieu a fait d'eux.

Ce n'est qu'en 1828 que la culture queer est vraiment devenue clandestine en Angleterre, sous l'influence du Offenses Against the Person Act, aussi appelé Lord Lansdowne Act : on pouvait désormais condamner quelqu'un pour sodomie, sans avoir les deux témoins et la consommation de l'acte jusqu'à éjaculation. L'ère Victorienne a été encore plus stricte et cruelle, mais ça, on s'en fout un peu vu qu'on RP sous la Régence. 

En attendant, entre les années 1750 et 1810, c'était fréquent d'avoir des romans avec des personnages queer, voire même, des scènes se passant dans un bordel bien glauque ou une Molly House. La fréquence de ce genre d'histoire diminue progressivement sous la Régence pour disparaître complètement durant l'ère Victorienne.

Sources.

https://riskyregencies.com/2017/06/28/queer-in-the-regency-a-slice-of-once-hidden-lgbt-history/ 
http://cle.ens-lyon.fr/anglais/civilisation/domaine-britannique/the-perception-of-malehomosexuality-in-great-britain-from-the-19th-century-to-the-present#section-1 
https://www.atlasobscura.com/articles/regency-gay-bar-molly-houses 
https://www.geriwalton.com/husband-wives-and-gay-life-in-georgian/ 
https://katherinemarlowe.wordpress.com/2016/06/19/the-scandalous-regency-era/ https://en.wikipedia.org/wiki/Molly_house 
https://www.paullettgolden.com/post/homosexuality-in-the-18th-century 
https://en.wikipedia.org/wiki/Timeline_of_LGBT_history_in_the_United_Kingdom 
https://en.wikipedia.org/wiki/Intersex_people_in_history#Early_modern_period 
https://www.sheffield.ac.uk/nfca/researchandarticles/freakshows https://www.liberation.fr/debats/2013/06/19/il-n-existe-pas-2-sexes-male-et-femelle-mais48_1811771/




Rédigé par Amalthæ
◦ Merci à lui ◦


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