CW alcool - La gueule de bois c'est la colère du houblon

Je me suis réveillée ce matin avec un mal de crâne assez persistant. Mais ce ne sera sans doute pas aussi terrible que celui que Ben va se coltiner ! Contrairement à lui, je n'ai pas bu, hier soir. Je me rends compte alors de la force dont je suis encore capable et pour être honnête, j'en suis fier.
Je n'ai pas remporté la guerre, loin de là, mais j'ai belle et bien remporté une bataille de plus contre moi-même. Et chaque bataille me rapproche un peu plus de la victoire.

De bonne humeur, je ne peux m'empêcher de siffloter en travaillant. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas senti aussi bien moralement. Et surtout, satisfait de moi-même.

Je termine de nettoyer un box quand j'entends Kelpie souffler bruyamment. Je m'approche de lui puis du corps qui repose près de lui.

- Alors mon grand, il va se réveiller, tu pense ?

Je caresse l'encolure de Kelpie avec douceur tandis que ce dernier, pour toute réponse, rapproche ses naseaux du visage de Ben. Je retiens un rire.

- Toujours aussi farceur, mon vieux... Je doute que Monsieur apprécie un tel témoignage d'affection de ta part !

Je m'assois sur mon tabouret, penché en avant, coude sur les genoux, mains croisées. Puis je fixe mon protéger d'une nuit. Il marmonne dans son réveille. Je ne connais pas de Hemma Heather mais on dirait qu'elle lui laisse une sacrée impression, à répéter son nom. Est-ce la femme dont il me parlait la veille ? Oh et puis non, ce ne sont pas mes affaires.
Kelpie pousse la plaisanterie un peu plus loin en lui léchant le visage.
Ben se réveille en sursaut, l'air vraiment surpris et horrifié. Je ne peux empêcher un rire bref de franchir mes lèvres.

- Alors, gamin ? Pas trop mal aux cheveux ?

Bon sang que je suis fier de moi de ne pas être dans le même état que lui ! Je reprends enfin le contrôle de ma vie !

Bon sang, se souvient-il de quelque chose ? Il a l'air encore plus perdu que la veille au soir, ou je rêve ?

- Je suis encore vivant. Je suis où ? Vous êtes qui ?

Je soupire essayant de rester patient.

- Tu es dans les écuries chez les Percy. Pas moyen de savoir où tu vis pour te ramener chez toi. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Et si t'es vivant, c'est certainement pas grâce à toi.

Quand il demande de l'eau, je lui tends un sceau d'eau. Kelpie va pour y plonger son museau mais je l'arrête d'un claquement de langue.

- Tu as de l'eau juste à côté, mon gros. ça se fait pas de piquer celle des invités.

Alors tête haute, il se retourne d'une démarche précieux et me présente sa croupe en soufflant. Je ris.

- Très bien, vexe-toi, qu'est-ce que tu veux que je te dise.

Je regarde Ben.

- Il a pas l'air comme ça mais il est gentil. Et tu peux le remercier, il a veillé sur toi toute la nuit. Au cas où tu vomirais dans ton sommeil...

Conscient que je parles peut-être un peu trop au vu de son état, je me tais. Je sais à quel point ça peut être douloureux. J'attends donc qu'il se désaltère.

Du café ? Il s'est cru chez lui ? Ou à l'hôtel ? Non on est dans des écuries. Et pour être honnête j'aimerais autant qu'il se dépêche de partir. Je ne suis pas sûr que mes employeurs apprécieraient qu'un inconnu passe la nuit aux écuries complètement saoul.

Je hausse les sourcils au fur et à mesure qu'il débite des paroles sans aucun sens et sans aucun respect. L'amusement cède la place à l'agacement. "Mais c'est un animal" "je les préfère plus humaines?" mais bon sang, à quoi pense-t-il ?!

- Je ne sais pas ce que tu fais avec tes animaux et je ne veux pas savoir. Loin de mes écuries ces idées de tordus ! Kelpie est un animal mais il a le droit au respect. C'est pas juste un outil pour me transporter où bon me semble, il est aussi mon ami. Dès que tu seras en état de tenir debout, tu rentreras chez toi. Je crois que t'en as assez fait et je veux pas perdre mon travail. Je doute que les Percy apprécient que je laissent entrer de parfaits étrangers sur le domaine comme ça, et ce, quelque soit son rang.

Kelpie n'est pas qu'un animal. Il est plus que ça. C'est mon ami. Mon confident. Et surtout, même à la guerre il m'a accompagné. Il ne m'a jamais abandonné. Par moment il était mon seul point de repère. La seul chose qui me soit familière dans cet enfer. Il m'a sans doute sauvé la vie plus d'une fois.
Kelpie qui comprend très bien quand on lui manque de respect, souffle fort. Il est contrarié. Je sais ce qu'il se passe quand il l'est mais je le laisse faire. Il a bien le droit de se défendre et montrer son désaccord. Il donne un coup de museau dans l'épaule de Ben, assez fort pour que ce dernier retourne se vautrer dans la paille. Puis, il lui montrer ostensiblement son derrière.

- A moins que tu ne dise merci qu'aux femmes que tu payes et dans ce cas, ça poudrais que j'en suis une... il y a droit lui aussi.

Comment ai-je fait pour le supporter toute une soirée ? Il encore pire quand il n'est plus sous l'effet de l'alcool...

- Il s'appelle Kelpie, oui.

je lève les yeux au ciel et pousse un long soupir. Je l'écoute parler sans rien dire. Je crois que de toute façon, il ne fera pas mieux. Ce n'est pas à moi de faire son éducation. Qu'il se débrouille.
Je vois bien qu'il est contrarié de ne pas avoir eu ce qu'il voulait.

- Dans la vie, on ne peut pas avoir tout ce qu'on veut quand on veut. Tu n'es pas content d'avoir de l'eau fraîche ? Ben sois content déjà que je ne t'ai pas laissé sur place. Tu te serais retrouvé nu comme un ver et peut-être même dépouillé de ta vie. Tu veux un café au réveil, des draps de soie ? Alors démerde toi pour rentrer chez toi le soir. C'est aussi simple que cela. Tu veux te faire passer pour un gars loin de la noblesse pour boire toute la nuit : soit, mais conduis toi comme tel. Ne t'attends pas à avoir un traitement de faveur parce que tu n'en auras pas, Ben, ou qui que tu sois.

Il finit par remercier Kelpie avec impertinence et je souffle agacé.

- Je ne comprends même pas ce qui a pu me faire penser que tu me ressemblais. Si tu t'y attends, que ça à ton petit café, on peut appeler une servante qui sera ravi de prévenir les Percy qu'ils ont invité surprise. Tu n'es pas de cet avis ?

Ce n'est qu'un gamin pourri gâté que chouine quand il n'a pas ce qu'il veut. Voilà ce qu'il est !
Je retourne travailler juste à côté, brossant Balte, un étalon baie. Je passe d'abord avec soin la brosse en fer pour enlever les plaque de terre séchée bien que déjà fait hier soir. Mais je sais qu'il aime ça. Il en trépigne de bonheur. Aussi, je dois faire attention qu'il ne m'écrase pas les pieds.
Je préfère arrêter de discuter avec Ben pour l'instant. Le mieux est d'attendre qu'il se remette assez pour pouvoir repartir.

Je fronce les sourcils quand il commence à me redonner du "Kikine" mais il se reprends très vite. Je soupire. Ne sait-il que pleurnicher ?

- Quoi encore ? Je réponds sèchement. Tu crois vraiment que l'argent peut tout acheter ?

Je repousse sa main agitant sa bourse d'un geste négligeant de la main, sans même y jeter un coup d'oeil. Je soupire. Encore. Comment se fait-il qu'il soit encore vivant, lui ? Comment se fait-il qu'avec se réflexe d'agiter sa richesse à tout bout de champ, personne ne l'ai tué pour le détrousser ?

- Mais range-moi ça, idiot ! J'ai une gueule à faire des livraisons, moi ?

Je me passe une main dans les cheveux avant de me pincer l'arrête du nez. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je l'ai aidé ?

- Tu as encore bu Erskine ? Gronde une voix que je connais bien dans mon dos.

Jeremiah Fraser. Mon père. Et mmmercredi. Je me retourne vers lui, me rendant compte que me pincer l'arrête du nez est une geste que je fais souvent quand j'ai mal au crâne après avoir bu... Difficile de ne pas avoir mal au crâne avec cet énergumène qui agite sa bourse comme un tas de petits drapeaux qui veulent dire "Venez me prendre mon argent, ma vie ne vaut rien!"

- Non, pas cette fois. Mais lui, oui. Je ne pouvais pas le laisser seul. Il était pas en état de me dire où le reconduire.

Sans même regarder Ben, (Mon père préfère ne rien savoir de mes affaires) il soupire longuement. Il regarde autour de lui et hoche la tête, appréciateur. J'ai réussi à faire mon travail dans les temps, ce matin. Je n'en suis pas peu fier.

- Ta bonté te perdra, mon fils... Mais je t'ai élevé ainsi, c'est un peu de ma faute... Ramène ton ami chez lui et je m'occupe du reste.

- C'est aussi ce que je me dis... Je suis trop gentil... Je bougonne en regardant Ben du coin de l'oeil.

Je grimace. Le "reste", c'est faire des exercices à Kelpie pour renforcer sa jambe qui a été blessée à la guerre avant de passer au dressage des autres chevaux.
Selon des vieilles croyances dans la famille, un kelpie est une créature magique qui peut prendre l'apparence d'un cheval entièrement noir, qui noie les gens. Mon père en a toujours eu plus ou moins peur, de mon Kelpie. Du moins il s'est toujours débrouillé pour ne pas l'approcher.

- Tu es sûr ? Je demande surpris.

Il sait dans quel ordre je travaille.

- Oui, je m'occuperai de ton Kelpie ! Il a veillé sur toi quand tu étais à la guerre et t'a ramené vivant en risquant sa propre vie. Et il continue de veiller sur toi. Une monture aussi fidèle, c'est rare. Je sais reconnaître la valeur d'un étalon quand j'en vois un.

Je regarde mon père et j'y vois un grand respect pour l'animal qu'il a toujours craint. La guerre change un homme, dit-on. C'est vrai. Mais elle change aussi ses proches. Elle change tout le monde, en réalité. Personne ne peut y rester indifférent. Je sais à cet instant que mon père va s'occuper comme il faut de Kelpie. Je souris.

- Bon, je vais te ramener, Ben.

Je me dirige vers la scelle de Balt. ça va me faire bizarre de ne pas partir avec Kelpie. Mais depuis la guerre, il est parfois nerveux si on ne respecte pas ses habitudes. Et je doute qu'il accepte que Ben monte sur son dos. Il a sa fierté. Je lui fais confiance pour bien se comporter avec mon père.

- Je n'ai rien vu, rien entendu. Evidemment.

Je bénis mon père et sa discrétion. Je le remercie d'un hochement de tête et il me pose une main sur l'épaule avant de repartir le temps que Ben et moi soyons prêts à quitter les écuries. Rien vu, rien entendu. Je me dépêche de sceller Balt qui a l'air content de cette occasion pour sortir.