George est doux. Georges est frais. George n’est vraiment pas pragmatique.
Comment? Pourquoi je parle de George dans la fiche de William? Parce que George a beaucoup influencé la vie de William. George, c’est le frère ainé de William. Le Marquis de Granby, comme on dit.
Un crétin inconsistant, comme on dit.
Dès que Willie a su marcher, Georgie a commencé à l’emmener dans ses expéditions. Enfin… Dans ses coups fourrés. Sauf qu’au moment de se faire chopper, le petit marquis trouvait toujours le moyen de s’enfuir. Laissant son petit frère là pour être punis a sa place.
Les deux enfants grandirent ainsi. William incapable d’arrêter Georges dans ses conneries et prenant pour son frère. Le petit grandissant en responsabilité, le grand en insouciance. C’était facile, il n’avait jamais aucune conséquence pour ses actes.
Passé un certain âge, on sépara les garçons, le fantasque George partant à Eton, son frère ne le rejoignant que trois ans plus tard. Ces trois années furent propices à William. Il apprit à être seul et à l’apprécier. Il apprit à entre responsable de ses actes et plus de ceux d’autrui.
Quand il rejoignit son frère, il ne retomba pas dans ses travers. Il s’en isola un peu, refusant d’entrer dans son jeu. Si George en fut d’abord fâché, il finit par décider d’ignorer son frère à qui ça allait bien. Même si son frère lui manquait un peu quand même.
L’université les sépara également. Georges fit semblant d’étudier l’agronomie, pour se préparer à succéder à leur père. William s’orienta vers la stratégie militaire, lui qui, en tant que second fils, se devait d’aller dans l’armée. À 21 ans, il sortit de la faculté, son diplôme en poche et son père lui achetèrent une charge d’officier de cavalerie. Il partit donc en Prusse puis en Espagne.
Dans son régiment, il rencontra le sergent Archibald Fitz dit Archi, qui l’aida grandement a s’intégrer dans son nouveau rôle. Son ainé lui appris a diriger des hommes, a s’intégrer, mais en gardant la distance qu’il sied a un officier.
Il ne revit jamais son père, mort d’une attaque alors qu’il était au front. Georges devint Duc de Rutland.
Le 18 juin 1815. Bataille de Waterloo. Un boulet de canon heurta son cheval. Sa monture s'effondra évidemment sous le choc. La jambe écrasée par le cadavre de sa monture, il ne dut sa vie qu'au courage de son sergent qui réussit à l'évacuer de la colline prise pour cible par les canons ennemis. Par gratitude, il l'engagea par la suite Archi comme valet.
Il fut rapatrié en Angleterre pour sa convalescence. Depuis sa blessure, il hurle dans son sommeil et se réveille toutes les nuits en sueur, persuadé qu'il est encore là bas, sous les obus, coincé sous son cheval. Comme si le fantôme de tous les hommes qu'il avait envoyés à la mort le lui rappelait, qu'ils avaient failli l'avoir et qu'un jour ils l'auraient.
Archi tenta de l’aider. Une ou deux fois, il tenta de le réveiller, ses cris résonnant dans toute la maison. Ce fut pire. En effet, l’officier se crut revenu sur le champ de bataille et hurla encore plus fort avant que George force la porte et ne lui mette deux claques.
William le regarda. Et s’endormir.
De ce jour, tant que Georges était dans la maison, il arrivait à dormir. Quand il sortait, il avait ses cauchemars.
Le premier aout, il réussit à remonter à cheval, sous le regard fier de son frère et de son valet. Mais tout cela allait trop bien, il fallait que ça dérape. Le cinq aout 1815, Georges releva un défi idiot. Il fut mis au défi de courir dès le lendemain une course extrêmement dangereuse, sans quoi il n’était qu’un faquin sans gonades. Soucieux de prétendre avoir des gonades, Georges s’était lancé pour “passer le chas de l’aiguille” avec un autre noblion. C’est-à-dire faire une course dont le circuit passait entre des rochers si reprochés qu’on ne passait qu’a une voiture. L’autre devait soit céder la place soit s’écraser contre les rochers.
Georges s’écrasa contre les rochers.
William avait bien tenté de le raisonner, il l’avait harcelé en ce sens toute la soirée du cinq et le matin du six, mais Georges, avide d’humilier son adversaire, n’avait rien voulu savoir.
Bien, William était passé de Lord Manners à Duc de Rutland.
Ah.
Oula.
En plus du deuil difficile d'un frère crétin, mais attachant, William se devait d'endosser ses responsabilités qu'il n'avait jamais voulues ou envisagées. Il n'était pas prêt et ne doutait de l’être jamais.
Pour s’aider dans cette tâche titanesque, il se mit en tête de trouver une épouse. Il avait sélectionné quelques candidates intéressantes, mais l’amour frappe toujours par surprise.
Il retrouva une lettre de son frère, en rangeant son bureau. Adressée à une certaine Amélia :
- George a écrit:
- Ô Amy, si vous saviez...
Je nous revois ensemble à la réception de Lady Seymour, vous étiez resplendissante. Demain matin, je vais peut être mourir pour une grotesque histoire d'honneur et tout ce que je vois, c'est vous, a cette réception, étincelante comme le soleil du matin.
Je maudis l'indélicat qui vous a transmis cette fichue maladie. Je me maudis de m'être éloigné de vous à ce moment-là. Maintenant, face à cette course, je sais ce que je dois faire. Je comptais attendre la saison prochaine pour vous courtiser de nouveau, mais non. Dès demain, si je survis, je pars pour Rosings et je vous demande en mariage. Notre mariage, si vous le souhaitez, pourra être le clou de ce début de saison, éclipsant même le Bal de la Reine.
Si je meurs, pardonnez-moi. Pardonnez-moi cette histoire débile, pardonnez-moi d'être parti l'été dernier, pardonnez-moi de ne pas être revenu plus tôt. Et si vous ne pouvez me pardonner... Vengez-vous en ayant une belle vie. Une vie meilleure que celle que j'aurais pu vous offrir. Plus belle, plus vivante, plus resplendissante. Éclairez la vie d'un chanceux plus que vous n'auriez éclairé la mienne, et choisissez-le bien, afin qu'il éclaire votre vie de même.
Je vous aime.
George
Il se sentit obligé d’aller porter la lettre à la jeune fille, dans le Suffolk. Une jeune femme qui avait fait sensation l’été précédent, en 1814… avant de contracter le typhus et de passer bien prêt de la tombe.
Ce ne fut pas le coup de foudre. Pas tout à fait. Mais elle l’enchanta. Il décida de la courtiser la jeune femme. Il fut invité à la partie de chasse prévue quelques jours plus tard. Malheureusement, avec sa jambe, la chasse était pénible... donc a la place il se balada dans les jardins avec Lady Amélia. Puis il trouva le prétexte d'un rendez-vous d'affaires avec le frère de la jeune fille, quelques jours après la partie de chasse... etc...
Plus il la voyait, plus il voulait la voir. Il y avait bien cet intrigant de prince Prusse qui lui avait tourné autour au printemps précédent. Et dont toute la famille attendait des nouvelles. Mais il n’en avait que faire.
Il demanderait Amélia en mariage. Dès son arrivée à Londres.