Rosalie Evans • My body, my choice

TW : Sexe, évocation de violences sexuelles.

« Ai-je seulement encore des secrets à t’offrir, ô douce Venus ? Je n’ai guère envie de parler, ce jour… Oserais-je imaginer que, pour cette fois… Nous inverserons les rôles… ? Je ne sais rien de toi alors que mes doigts pourraient retracer ton corps sans même le voir… » Alors que les mots mielleux passaient le seuil de ses lèvres, l’hommes s’appliqua à repousser les mèches blondes pour mieux glisser ses lèvres dans son cou, offrant à sa gorge quelques baisers délicats, une attention bien rare dans la profession qu’elle exerçait.

Rosalie s’était déjà fait cette réflexion. Des clients, il y en avait de toutes sortes. Elle rencontrait évidemment les frustrés, hommes désireux d’asseoir leur pouvoir masculin, de prendre l’ascendant sur un corps, sur une âme, de se montrer fort et viril quand la vie leur refusait ce privilège, à cause d’une beauté douteuse, d’une fortune insuffisante ou d’une femme revêche. Les putains, elles, n’ont guère le pouvoir de refuser, de renoncer, de se défendre face à leurs assauts qui se voulaient parfois dominateurs, parfois animés par cette rage qui grondait au fond d’eux. Ensuite, il y avait ces hommes qui n’étaient que curieux. Ceux-là demeuraient passifs, attendant que l’on prenne soin d’eux, qu’on les cajole et que l’on puisse les surprendre par quelques excentricités. Rosalie n’avait rien contre ceux-là, s’habillant selon leur bon plaisir, s’offrant à eux sans crainte, prenant parfois même l’ascendant sur les rapports qu’ils avaient. En troisième, il y avait ces puceaux qui venaient à elle sans savoir ce qui les attendait, agneaux pénétrant la bergerie en frappant timidement à une porte, revenant par la suite à ses côtés en minaudant, se sentant comme redevable auprès d’elle pour ce service rendu. Ceux-là étaient des marionnettes qu’elle pouvait aisément manipuler, dresser comme elle s’en sentait l’envie. Il y avait également ceux qui, de ses services, ne venaient guère pour la voir se dévêtir. Ses talents avaient su se faire bonne réputation au cœur de Londres et ses tirages de cartes déliaient les langues, les hommes cherchant des réponses à ses côtés, pendus à ses lèvres et à ses doigts, espérant voir leur avenir se faire radieux. Et enfin, il y avait ces hommes qui ne voyaient plus en elle un objet, plus un moyen d’assouvir des désirs. Ils la voyaient comme une femme, envisageaient la possibilité d’un futur, de pouvoir se l’approprier définitivement pour mieux la garder égoïstement. Une putain désireuse de s’extraire de sa condition pouvaient prier pour rencontrer ces rares exceptions. Rosalie n’était pas ce genre de fille.

« Crois-tu ma vie si intéressante pour mériter d’être racontée ? Je n’ai rien, moi, comment pourrais-je seulement te parler de mon passé… » « Commence donc par me parler de ceci ? Il n’a guère de valeur si ce n’est sentimentale car je ne t’ai jamais vue t’en défaire… » Ses baisers se poursuivant sur sa peau nue, il avait glissé ses doigts jusqu’à son poignet, venant caresser la petite chaîne argentée qui maintenait une médaille frappée de deux lettres. « C’est bête… Mais j’m’en souviens plus vraiment, tu sais… C’était à l’orphelinat… » « Ainsi donc, tu as grandi dans un orphelinat… Tu vois, ma douce Rose, ton passé me captive d’ores et déjà car il m’intrigue de comprendre comment beauté telle que toi a pu basculer dans ce monde froid. » Elle lui sourit, laissant ses lèvres voler les siennes un instant, se mouvant en une caresse pour mieux lui rendre a tendresse dont il lui faisait part. La poussant à s’étendre sur le lit, il vint se placer à ses côtés, Adam et Eve se découvrant en plein cœur du jardin d’Eden, les doigts glissant sur l’épiderme pâle pour mieux réveiller les frissons qui la dévoraient.

« Je ne connais pas mes parents. On m’a trouvée dans la rue. Tu sais, on dit à l’orphelinat que parfois, il vaut mieux crever comme un rat dans le caniveau mais moi, j’ai eu de la chance… J’ai grandi entre quatre murs et un toit. C’est assez flou, pour moi, mon enfance. On était nombreux… Les autres enfants savaient qu’il fallait parfois se battre pour espérer être accepté dans une famille. Les plus jeunes partent les premiers et, en grandissant… On nous remarque de moins en moins. » Elle le laissait faire alors qu’il poursuivait les caresses cajoleuses, alors qu’il semblait vouloir amorcer un nouvel instant dans ses bras, pas encore rassasié du premier qui s’était achevé une poignée de minutes avant. Lui murmurant de continuer, elle sourit, haussant les sourcils. « Vraiment, j’te jure… Il n’y a rien à raconter. J’ai essayé d’être serviable et sympathique mais l’orphelinat, c’est marche ou crève. Quand j’ai eu seize ans, j’étais devenue trop vieille pour rester là-bas alors… J’ai traîné dans la rue quelques temps. » Il s’était interrompu un instant, relevant les yeux vers elle. « Une âme si belle dans des rues si sombres… Voilà comment s’est donc amorcé le désastre… Un rustre s’en sera-t-il pris à toi pour te piéger dans les filets de la prostitution ? » Elle avait ri, devant tant de théâtralité, ne connaissant que trop bien sa propre histoire pour trouver l’homme drôle alors qu’il ne souhaitait que se jouer sauveur à ses côtés. « En aucun cas… Personne ne s’en est pris à moi… Enfin… Un homme a proposé son argent contre quelques caresses. Alors j’ai compris. J’ai compris que je pourrais m’en sortir non en fabriquant du pain ou en tissant le coton. Je laisse cela à d’autres… Tu sais, les gens pensent qu’on a jamais le choix, pour finir ici. Moi, je l’ai eu. » Il semblait surpris, cessant même de faire ce pourquoi il avait payé sa place entre ses cuisses, l’écoutant plus encore. « Il n’y a rien de rabaissant à vendre ses meilleurs atouts. Les hommes me trouvaient à leur goût, j’ai donc fait ce qu’il fallait pour leur tirer leurs bourses. Et j’ai découvert que tout ceci n’était pas qu’un supplice, non… J’en tire mon propre plaisir, tu sais… » Laissant ses propres doigts glisser sur la peau de l’homme, elle finit par atteindre son entrejambe, refermant doucement sa poigne sur son membre ferme, entamant une danse qu’il avait su apprendre à ses côtés. « Voir un homme se tendre sous mon poids, possédé par cette danse que je peux lui offrir, qu’importe le sens… N’est-ce pas preuve d’un pouvoir en soi ? Je ne suis pas la victime de ce système… De quelques caresses, je me fais aisément souveraine. Et ce sentiment ne fait que décupler mon propre plaisir. »

Il tâchait de l’écouter quand toute son attention semblait s’orienter ailleurs, l’homme cherchant bien assez vite à retrouver son contact, sa présence toute entière. A nouveau, il lui murmura de continuer, bien qu’incapable de souligner ce qu’il souhaitait la voir poursuivre. Son histoire, ou bien ce geste provocateur qui lui offrait bien des délices… ? Elle eut un léger sourire en coin, se redressant, venant se placer sur lui, le chevauchant tout en poursuivant ce jeu entre ses doigts. « Mais tu sais comme la rue est dangereuse… Certains vauriens auraient tout tenté pour mieux me posséder sans avoir à débourser le moindre sou. Alors, mon nom a fini par se glisser dans la bonne oreille. Et on m’a conviée à entrer ici, entre ces murs. On a souhaité faire de moi cette jeune femme. On a espéré me voir accepter pour que je puisse satisfaire tous ces clients. Tous, je les ai eu entre mes jambes, tu sais… Parfois, c’est plus agréable que d’autres mais toujours… » Redressant son bassin, elle finit par lâcher prise pour mieux s’asseoir sur lui, sur ce mat tendu qu’elle accueillait en son giron dans un soupir, ses mains se plaquant sur son torse, le regard brûlant d’une fièvre qui semblait l’aliéner. « Toujours, j’en tire profit. » Et la danse commença, forçant ses lèvres à s’ouvrir, faisant taire les mots pour se transformer en quelques gémissements trahissant la douceur que cette sensation lui procurait.