Il sera non-violent, l'avenir...

Cela faisait maintenant plus d'un an que j'y avais mûrement réfléchi. L'armée. Je n'en avais pas plus envie que cela, cependant Père croulait sous les dettes. La bourse que j'avais obtenu par mes efforts aidait, bien évidemment, je n'aurais même pas pu mettre un pied dans cette école sans elle ! Mais ce n'est guère suffisant. C'est à peine si je pourrais tenir la dernière année de mes études. Mes amis riches et nobles m'avaient bien proposé de l'aider mais comment pourrais-je accepter ? Accepter, moi le nécessiteux, l'aide de ces fils de nobles, cela mettrait un terme à toutes mes convictions. Tout ce que j'ai pu dire, hurler tel le loup que je suis, serait annuler par cette simple aide. 

Ils ne comprennent pas que pour moi, cela signifie bien plus que cela. Ce ne serait que me mettre un coup de poing, et me mettre à terre tandis que j'essaie de m'élever de mes propres moyens.

Je suis assis sur une branche d'arbre, dans mon uniforme trois pièces, surement sale à l'heure qu'il est. Ce n'est pas vraiment un exemple à suivre que de jouer le casse-cou mais j'aime être en hauteur, j'ai l'impression de pouvoir atteindre les cieux rien qu'en tendant la main... Sky. Des fois je pense à lui. A mon premier ami. Avec lui à mes côtés, cela me semblait plus simple. Cela semblait être chose aisée que d'imaginer la forme des nuages. Avant j'avais cette imagination mais je crois bien avoir perdu cet art. Ce Art'... 

En parlant d'ami, je vois... Gilderstone ? Il doit surement se demander ce que je fais là, sur la branche d'arbre la plus haute, loin du regard du monde, en train de rater sciemment mon cours. Je me demande ce qu'il fait là, lui aussi ? Je sais nos horaires différents donc peut-être a-t-il une heure de fourche ? Pour ma part, je pense avoir sciences. 

-Bonjour Hunter. Dites-moi. Voulez-vous vous joindre à moi, Gilderstone ? Je puis vous assurer que vu d'en haut, nos problèmes semblent infimes... 

Comme si le vent pouvait balayer ce tapis de poussières qu'est la terre, et m'emporter dans une danse dont je ne m'en remettrai jamais. Tous ces courants d'air m'emportant dans ce ciel immense que j'essaie tant bien que bien d'atteindre. Pour arriver à la même hauteur qu'eux, que ces personnes qui foulent l'école d'élite. Ils ont un avenir, et moi, je n'aurai qu'un diplôme. Peut-être que Père avait raison ? Le lit dans lequel je suis né m'empêche de viser plus loin, plus haut. Telle une entrave invisible, me clouant sur place. Etre barman, ce n'est pas si mal... 

Non ! Je ne peux leur donner raison. L'héritage professionnel de Père sera mon dernier recours. Mais en attendant, je vais rêver du ciel étoilé, éclairé par la lune, et du hurlement d'un loup qui souhaite voir le sol se dérober sous ses pattes et juste... Simplement pouvoir voler...

Je vois le signe de main d'Arthur, il semble de bonne humeur. Je me demande ce qu'il compte faire de son avenir ? Sûrement ira-t-il dans la chambre des Lords. C'est un peu ce que beaucoup lui prédestine. 

-Oui, la météo semble être clémente. Bien que je préfère la pluie. Et vous ? 

Bien que cela fasse une année que nous nous côtoyons, depuis le duel de boxe, j'ai mis un point d'honneur à préserver ce vouvoiement qui nous lie. Et à ma connaissance, il n'a pas rechigné à garder cette habitude. Tout comme il accepte humblement son surnom de Chasseur. Ce n'est pas pour l'humilier, c'est juste une assurance comme quoi il n'oubliera pas. Quand je saurai qu'il est devenu l'Homme dont mes paroles ont bien été encré dans sa petite tête de chasseur, alors je consentirai peut-être à le nommer Lord Gilderstone. Cependant, cela risque d'attendre un peu. Il est encore trop jeune. Il n'a que 15 ans et malgré son titre, il ne reste encore qu'un gamin. J'aime à croire que je l'ai pris sous mon aile, en quelque sorte. 

Nous avons tout de même des points divergents et parfois les piques sont échangés, pourtant sans jamais que cela devienne incontrôlable. Il ne faut jamais dire quelque chose influencée par la colère, cela ne fera qu’envenimé le débat. Quand nous débattons, l'intention première n'est pas de blesser verbalement mais de faire comprendre notre point de vue à l'autre. Il se peut que les opinions diffèrent, et que nous ne partageons pas les mêmes idéaux. Ce n'est pas important, c'est même normal, tant que c'est dans le respect de l'autre. Et j'aime à croire que Gilderstone a appris cela seul. 

C'est un gars intelligent, il s'est juste surestimé trop longtemps. Oubliant parfois que, lui aussi, il a ses limites. Ayant été aveuglé par ce que dont le monde entier lui baratinait depuis sa naissance. Il a de grandes responsabilités, je conçois. Dans une certaine mesure, c'est le cas pour tout le monde. C'est juste incomparable. Ce n'est pas la même situation, pas les mêmes protagonistes et tant d'autres paramètres sont à prendre en compte.   

Je souris à sa réponse, j'ai bien cru qu'il allait refuser. Je pense que je vais avoir des problèmes avec la propreté de mon uniforme, bien que ma non-propreté serait plus approprié. Peut-être est-ce cela qui a rebuté le chasseur ? En tous les cas, j'aurais des ennuis, peut-être ai-je la réputation de faire des blagues, avec mes trois meilleurs amis. Ce n'est rien de bien méchant, et maintenant que les années m'ont assagi, je suis plus calme qu'avant. Cependant l'étiquette de Wolf et de blagueur ne m'ont pas quitté. Comme quoi, il n'y avait pas que Gilderstone qui était immature quand il était plus jeune. Cela prouve que je ne suis ni meilleur, ni pire que lui. Simplement humain. 

-N'était-ce pas le corbeau qui était perché sur une branche d'arbre ?   
Dis-je, avec un sourire narquois de pur contradiction. 

-Il est équitable que nous fassions la moitié du chemin pour se retrouver, en effet. 
Répondis-je à sa question en me levant et en descendant branche par branche, juste pour reprendre la même position sur celle à mi-hauteur de l'arbre. Je suis arrivé plus rapidement, c'est tout naturel, moi je descends, lui monte. 

Et c'est bien connu, il est tellement plus facile de chuter que de s'élever... 

Hum, ne serais-je pas mélancolique ? Je suis déjà nostalgique de cet endroit dans lequel j'ai pu m'épanouir, grandir, évoluer et me transformer en ce que je suis aujourd'hui. 

Une fois que je le sais installé, je me sais dos à dos contre lui, un tronc d'arbre entre nous. J'entame ma question qui me travaille depuis un moment et que j'ai envie de poser à tous les élèves d'Eton. 

-Quel sera votre destin, selon vous Hunter ? 

Que souhaite-t-il devenir ? Et au fond, la vraie question qui me taraude, c'est "A quel point leur voie est-elle toute tracée ?".

Je peux facilement l'entendre. Ses jambes et ses bras poussant pour le porter plus haut, au dessus de cet obstacle pour atteindre la branche à l'opposée de la mienne. Je ne commente pas son ascension, je le sais. Il est dur de grimper quand la gravité à tendance à nous clouer plus bas que terre, là où se trouve notre place. Au plus proche du noyau terrestre. 

Au plus proche du lit dans lequel nous sommes nés, oui ! 

Dans mon malheur, à ce tirage au sort du berceau qui allait accueillir le nouveau né, j'ai eu de la chance. J'ai obtenu une bourse pour intégrer cette école privée. Pourtant, ma place n'est pas ici me rappelle certain. Ironique quand nous savons pertinemment qu'une seule mauvaise note pour moi, et c'est la fin de mon apprentissage. Mais pour ces privilégiés, un petit mot à son riche et noble de père et le problème est résolu. 

J'ai ma place ici, académiquement. Mais mon pedigree semble me contredire... Arf ! 

J'entends, distrait, une oreille seulement à son écoute, ce que me raconte le Chasseur. 

-C'est la pluie qui m'a permis d’entraîner mon corps à ne plus tomber malade dans des conditions météorologiques désavantageuses pour la santé. Maintenant, il est rare que je sois souffrant. 

Je ne peux pas me le permettre. Ce serait perdre du temps pour garder ma moyenne à 15/20. J'ai évidemment plus, une sorte de police d'assurance, au cas où j'aurai des lacunes dans une matière plus qu'une autre. Compenser. Mais une maladie serait signer la fin de mon séjour ici ! Me remettre à jour, l'accumulation de devoir en retard, et puis mon entraînement quotidien, je ne m'en sortirai jamais ! 

-Je vous l'accorde, Hunter. Les cultivateurs de vos terres seront ravis d'entendre cela, venant de votre bouche. 

Quelle douce ironie. Il dit ce qu'il sait, et ce qu'il sait en ce moment est qu'il ne sait rien, ou presque. 

Il m'a bien appris, le point de vue des nobles, leur éducation qui leur fait fermer leur esprit dans un système hermétique. Ce n'est pas tout. Si Arthur a pu écouter quelqu'un de ma classe sociale et adhérer à l'injustice sur laquelle les privilégiés ont toujours fermé les yeux, c'est qu'il y a de l'espoir. Ma détermination s'était flétrie peu à peu, jusqu'à notre combat de boxe. A ce moment, j'étais lasse, lasse d'entendre les mêmes propos, blasé de me rendre compte que quoiqu'il se passe, les mentalités ne changeront jamais. Gilderstone... Oui. Gilderstone. Il a changé ce stéréotype que j'avais envers les gens comme lui... J'ai compris qu'au fond, moi aussi j'avais autant d'idées reçues qu'eux en avaient pour moi... 

Je me moque. 
-Le loup perché à la fourrure noire consent à partager son butin de nourriture avec le Chasseur. A condition qu'il soit installé. 

Décidément ! Les cuisiniers et moi ne semblaient pas nous apprécier ! Antonio, à mes 7 ans, et maintenant Lewis ! Certes, si je lui volais un peu moins, il ne m'aurait pas banni de la cuisine. Mais s'il me nourrissait autant que ces futurs ducs, marquis, comte, je n'aurai pas eu à le faire ! Une fois que je sais Gilderstone assis, je prends quelque chose dans ma poche, emballée plus ou moins consciencieusement dans un mouchoir gris, celui de ma victoire -hé ! Faut bien le rendre un minimum utile, ce bout de tissu- un quart de fromage entre mes mains, je m'enquis à séparer équitablement l'aliment en deux parts égales, pour tendre la main, contenant la moitié, à Gilderstone. Ne me retournant pas, je dis juste au Chasseur. 

-Tiens. Comme promis. 
Sans bouger d'un choya -mon dos restant sur le tronc- si ce n'est ma main que je lui offre, contenant le délice, j'attends juste que "l'orateur" me le prenne. Je garde le mouchoir pour l'heure de nos Adieu. Qui sais quand je le reverrai ? Ou si même cela arrivera ?!  

Quand il s'élance dans son monologue, je ne l'interromps pas, mangeant juste mon fromage. L'écoutant simplement. Je dois l'admettre, pendant qu'il parlait, j'étais heureux qu'il ne puisse pas voir mon poing tremblant et fermé. Une fois qu'il eut terminé, je lâche un soupire de soulagement, que je ne savais même pas que je retenais. 

-Gilderstone, vous n'avez peut-être pas le choix de votre destinée, mais vous avez au moins la chance d'avoir un aperçu de votre avenir. Je ne pourrais même pas vous dire quel sera le mien, si tentait que j'en aurai un... Avec la décision que je m'apprête à prendre. 

Je soupire une fois de plus. Je crains le temps qui s'écoule, qui m'amènera inéluctablement à ma fin précoce. Au front. 

-Hunter, je ne peux pas le nier, vous avez de grandes responsabilités qui accompagnent ces choix, donc prenez les bonnes décisions. C'est à double tranchant, ce privilège, car c'est autant une malédiction qu'une bénédiction, cela dépend de ce que vous comptez faire de votre pouvoir, Gilderstone. 

Et avec un sourire en coin qu'il ne peut qu'imaginer, je lui dis, mi-sincère, mi-ironique. 

-Sans pression, hein.

Je soupire. Je me dis que j'ai bien de la chance d'avoir survécu à cette sélection naturelle, à cette loi du plus fort. Mon frère n'a pas eu cette chance. A croire que j'ai hérédité des gênes de résistance, et lui, de souffrance. J'ai fait le deuil, rapide, express, la perte d'une moitié est dure, mais... La vie continue. J'aime à croire qu'il existe encore, qu'il vit encore, à travers mes yeux. Je partage mon corps en deux, s'il faut ! Pour qu'il puisse être là, à mes côtés. Nous étions bien différents l'un de l'autre. Pourtant, nous étions né le même jour, à quatorze minute près. Nous étions le miroir de l'autre, et bien qu'en terme de caractère, j'étais plus sociable, lui bien que timide, était intelligent. Je suppose que s'il avait été mon rival, ce serait lui qui aurait obtenu la bourse, il était tellement plus assidu que moi. Si cela s'était passé comme cela, je n'aurai eu d'autres choix que de vivre dans son ombre... Quelle ironie ! Quelle ironie... Mais cela ne me fait pas rire du tout. Maintenant, l'ombre, c'est mon jumeau. Pourquoi ? Pourquoi le malheur des uns, fait le bonheur des autres ? Et pourquoi mon malheur provenant de sa perte, fait mon bonheur de l'éducation ? Ce n'est pas juste... Je me sens juste hypocrite. 

Je souris à ses paroles. Je crois qu'il n'a pas compris ce que je voulais dire. 
-Ils ont beaucoup à vous apprendre, Hunter. Et ils ont tant à dire, mais personne pour les écouter. Trouvez quelqu'un de passionné pour vous expliquer, vous faire comprendre la richesse des terres. Prouvez-leur que vous n'avez pas de mauvaise intention en travaillant, à la sueur de votre front, avec eux. Ils veulent un minimum de reconnaissance, ils veulent être compris mais sans se mettre, littéralement, à leur place, ce ne serait que simple spéculation que de parler en leur nom.

Je reprends. 

-Ne leur en tenez pas rigueur, Renardeau, s'ils sont méfiants. Mais vous serez, à leurs yeux, un prédateur. Ils seront sur leurs gardes. Qu'ils vous accordent leur confiance, et vos terres prospéreront. Parce qu'ils auront la foie, la force de croire en vous. Dédaignez les, et ils seront indifférents à votre chute. 

Rien n'est acquis. Gilderstone le sait bien. Et plus nous sommes au sommet, et plus la descente est vertigineuse. 

Je souris modérément à son ton ironique. Mais ne dit rien. Si ce n'est que j'accède à sa requête. Pour un grand méchant loup noir et perché, il me semble que je suis bien généreux. A moins que cela ne soit une manipulation de ma part, qui sait ? 

-Et je me permets de vous rappeler que, il me suffit d'un mot envers vous pour que ma fierté tombe dans l'oubli. C'est tout ce que je possède, je ne peux pas la céder si facilement. 

Il pensait à bien faire, j'en suis certain. Il n'empêche que mon soupire a été lasse, et mes paroles mi-irritées, mi-calmes.

Je reprends, plus calmement. 

-Je vous remercie Hunter, sincèrement. Cependant, j'ai une fierté, sans doute causera-t-elle ma perte, mais c'est la seule possession que j'ai le droit ou non de céder. Je préfère être un voleur, qu'un homme qui se sert des personnes qu'il respecte.

Je pouvais déjà entendre, cette question muette. Celle qui lui brûlait les lèvres, mais sans doute, par respect envers moi, ou par peur, il ne l'a pas posée... 

-Bien entendu. Répondis-je, avec un sourire en coin. Puis plus sérieusement. Je ne sais pas quelle voie vous comptez entreprendre, Gilderstone, mais qu'importe où cela vous amène, ce sera le chemin que vous aurez tracé, rien que pour cela, ayez la tête haute. Mais gardez la tête froide et les pieds sur terre...
Le taquinais-je. Je soupire, je lui répondrai, à cette question qu'il n'ose prononcer, mais pour l'instant, je vais juste lui dire mon rêve. 

-Je ne suis qu'un imbécile têtu et borné, Hunter. Cela prouve que je ne reste qu'un humain. 
Dis-je en rigolant. 

-Je souhaitais devenir avocat, si j'en avais eu les moyens. Le monde est injuste, et cela ne changera pas. C'était donc mon devoir que de le rendre, juste un peu, plus juste. Cela n'aurait été qu'une pierre sur une édifice, je le sais bien, mais cela aurait été ma pierre. Cependant... Je n'en ai pas les moyens. Enfin si ! J'aurai pu. Le vicomte d'Esterney, mon ami depuis sept ans déjà, je suis certain qu'il accepterait de payer mes frais dans une école de droit, si je lui demandais, je sais que je pourrais lui soutirer cet argent dont j'ai tant besoin. 

Je soupire une énième fois. 

-Mais vous me savez digne, je ne peux décemment pas lui demander cela. Quand bien même cela viendrait de lui, c'est contre mon éthique, mes principes. C'est pourquoi... 

Je m'apprête à répondre, enfin, ce qui l'inquiète depuis que j'ai abordé le sujet, la réponse à son questionnement. D'une voix hésitante, ou du moins faussement confiante, je lui avoue, prudemment, craignant de le brûler par cette confidence que je m'apprête à lui faire. 

-C'est pourquoi je m'engage dans l'armée, en tant que soldat. Ma fierté me tuera, Gilderstone, parce que c'est elle qui m'amènera au front. Néanmoins, ce sera la tête haute que je pourrais partir et quitter le monde des vivants.

Certes, un cadavre reste un cadavre. Mais la fierté sera dans l'un, mais pas dans l'autre. 

-Ne soyez pas triste, Hunter. Je n'ai pas peur de mourir. Ne me pleurez pas si l'heure est venue pour moi de sonner le glas, cela ne servira à rien. Soyez juste vous-même, c'est tout ce que je vous demande. 

Puis avec une assurance exagérée, une certitude que je n'avais qu'en surface et une prétention que je ne me connaissais pas, peut-être était-ce de la suffisance aussi, en plus dans ma voix ? Qu'importe, je rassure mon cadet. 

-Ne vous en faites pas, Hunter, le loup n'est pas facile à abattre, même pour des chasseurs... Vous le savez plus que quiconque. 

Mon père, c'est bien pour lui que je m'inquiète. Il craint d'être condamné à géhenne. Nul ne sait quel sort l'attend. Lui qui était déjà malade, la vieillesse le rongeant. Et l'alcool, à petit feu, le tuant. Je peux lui assurer que je cours le rejoindre, mais je serai le premier...

J'entends les paroles de Hunter, je les saisis, mais ne les comprend pas. Je sais qu'il ne me doit rien. Qu'aurais-je pu lui offrir ? Je n'ai ni argent, ni demeure, ni prestige, mais j'ai une certaine connaissance. Je pense que Gilderstone ne se rend pas compte que la connaissance est à portée de tous, il ne me doit rien de lui avoir fait part de ce que je sais. Il en a fait de même. 

-Pour être tout à fait honnête, Gilderstone, je ne vous considère pas comme un ami. 

Je crains que mes prochaines paroles sonnent présomptueuses aux oreilles du jeune Lord. 

-Vous êtes pour moi, le petit frère que je n'ai jamais eu. 

J'ai peut-être un peu caché la vérité. Il est vrai, je n'ai jamais eu de petit frère, je l'ai juste été. Je pense qu'au fond, je veux être pour Arthur, ce grand frère de 14min plus âgé que je n'ai jamais eu l'occasion de voir grandir en même temps que moi. Bien sûr, il y a plus de 14min entre Hunter et Wolf, il n'empêche que je serai son grand-frère de deux ans plus âgé. 

Il n'en a jamais eu, Arthur, d'un frère qui lui montre l'exemple. Le jeune Lord, enfant, était impétueux, égocentrique et croyait que tout lui était dû de part son titre. J'espère que la figure d'ami plus âgé ou de grand-frère que je suis, a pu lui permettre de changer de mentalité. Je suis quand même certain que si cela n'avait pas été moi, cela aurait été quelqu'un d'autre. Je ne peux m'imaginer un Hunter comme Arthur junior. 

L'armée, j'y avais tellement pensé, un nombre incalculable de fois. Je m'étais dis que c'était ma dernière chance d'avoir un avenir un minimum respectable. Certes, ne sera-t-elle pas longue, mais au moins, je mourrai pour l'Angleterre, pour l'honneur de ce dernier mais aussi, pour le loup qui sommeil en moi. Il ne mourra pas sans se battre. Pour être honnête, je ne sais pas à quoi m'attendre. La guerre. Les armes. Ces mots blessent, ces mots tuent. Mais qu'en est-il vraiment ? J'étais très loin du compte. J'étais utopiste, innocent de crime, les mains dépourvues de sang immaculé dessus, j'étais juste un enfant. Et je l'ai encore été quand des armes m'ont été donné, quand des uniformes, j'ai du porté. Tout cela pour l'honneur et la fierté d'un seul loup, un seul ? Parce que j'étais ivre d'égo et que je suis bien au-delà de l'aide ? 

Non. Je ne l'aurais jamais avoué à l'époque mais c'était parce que je fuyais mes sentiments contradictoires pour une personne, un homme. Et j'aurai tellement préféré me faire transpercer le cœur d'une lance que de répondre à ses sentiments enfuis. Comme en deuil de celui que je ne serai jamais, j'étais dans le déni. J'aime à croire que maintenant, je ne le suis plus. 

-J'essaierai au mieux, Hunter. 
Dis-je après un soupire tranquille. Je n'ai rien promis. Parce que je savais que si je n'aimais pas le loup que j'aurai pu devenir sur le champ de bataille, je ne pourrais plus jamais présenter à lui, une lettre de ma calligraphie.  

-C'est d'accord Gilderstone. 
Comment aurais-je pu être contre ? Il avait accepté mon projet d'avenir sans broncher, à moi de lui rendre la pareille. 

-Pour ma part, je vais aussi travailler pour deux. Pour le renardeau que vous serez toujours à mes yeux, et le Loup que je suis, qui vous a intégrer à sa meute. Hunter, battez-vous au parlement, et moi je me battrai sur le champ de bataille. Comme vous, je gagnerai en grade, juste de manière différente, j'aurai des hommes sous ma responsabilité et à nous deux, je suis sûr que nous pourrons attaquer le système sur tous les fronts, littéralement.

Nous étions des gamins, des gamins qui avaient un rêve ambitieux et qui se sont faits, sans vraiment le savoir, une promesse, un pacte. Nous étions des enfants et nous avions la foi, qu'à nous deux, nous pourrions changer la face du monde. Ne serait-ce que d'un peu.