Ils sont fous, ces Français !

C'était durant les vacances, celles d'été. Earnest avait 21 ans, il revenait à Londres en permission. Il avait été promus, de ce fait, pour le féliciter de son nouveau grade, Major, il avait eu droit a quelques semaines de repos. Lui, qui pendant trois ans n'avait demandé aucun congé, pas un seul. C'est pourquoi son Général, général Snijder autrement dit son supérieur hiérarchique, lui a ordonné de rentrer chez lui, de retrouver les personnes pour qui il se bat. 

Oui, c'est vrai, il se bat pour quelqu'un... Cependant il ne pourrait le retrouver. Et puis il y a son père, le fils Wilde était parti sans mot dire, juste un "Je pars, je t'enverrai de l'argent pour subvenir à tes besoins, ne le gaspille pas". Pas un au-revoir, ni même un sourire, pas une seule once de tristesse pour l'homme de 18 ans qu'il avait été, au contraire, Earnest était content de quitter son père. Ce père qui s'est sacrifié pour sa famille, sans doute est-ce ingrat pour les autres ? Qu'importe, Earnest a ses raisons. 

Il était entré dans leur modeste demeure, elle semblait... Moins miteuse, ou n'est-ce qu'une impression ? Il soupire. Il a eu beau regarder les moindres recoins de cette maison dont il ne se souvenait de presque plus rien, il n'y trouva guère son père ! Un voisin l'a interpellé, disant que si l'officier cherchait le vieil homme habitant là-bas, celui-ci serait plus susceptible d'être dans le bar Ye Auld Redraw. 

Un bar ! Evidemment, où d'autre aurait-il pu passer ses journées ?!  Encore à débourser de l'argent sans compter ! D'un pas pressant, Earnest entra dans ce bar, il était parti si vite, qu'il n'a pas pris le temps de se changer. Il portait encore un uniforme militaire, avec une médaille désignant son grade. 

-Capitaine Wilde ? 
Après un rapide coup d’œil à l'insigne brodé sur le torse de Wilde, l'inconnu reprit. 

-Mes excuses, Major Wilde ! 
Fit-il en se mettant au garde à vous. 

-Rompez, lieutenant Karev, je suis en... -Il soupire de dépit- En permission. Il n'y a guère besoin de tant de formalité. 

-Je... Heu... Oui, d'accord Major Wilde ! Félicitation pour votre promotion. Vous êtes venu voir votre père ? 

-En effet, savez-vous où est-il ? 

-Bah, derrière le bar pardi ! C'est son pub après tout. Vous n'étiez pas au courant ? 

-Non... Je l'ignorais. 

Ils ont pris place sur une table dénuée d'occupant. Cela fait trois ans qu'il est dans l'armée et ce n'est que maintenant qu'il est au courant que son père est... Barman ? Il en a raté des choses. Et le voilà avoir honte. Non pas de son géniteur, mais de lui-même. Son père a... Changé en bien. Earnest en a fait de même, mais en mal. Un retour des forces. L'équité, sans doute. Le jeune homme avait bien grandi, du haut de ses 21 ans, il en avait pris des dizaines de centimètres, rattrapant l'enfant chétif qu'il fut été. Méconnaissable. 

De fils en fils de la conversation, les deux hommes entreprirent de parler français, sans vraiment s'en rendre compte car la conversation était tournée vers des choses qu'un civil ne devrait pas entendre par mégarde. 

-Le gouvernement suédois est méfiant envers les britanniques, je pense. Ils commencent à recruter des hommes, 15.000 hommes pour l'instant, vont-ils s'arrêter là ? Je crains que le conflit entre nos deux pays ne se transforme en guerre. L’Angleterre n'a pas pris cette nouvelle comme étant de bonne augure... 
S'enquit Earnest. 

-Tout ça, c'est de la faute des Français ! Il n'y aurait jamais eu cette "guerre" entre la Suède et l'Angleterre si les français n'avaient pas forcé la Suède à déclarer la guerre au anglais, ils y ont trop à perdre ! 
S'enflamme le lieutenant. 

-Rien n'est encore prouvé. Ce n'est qu'une rumeur qui court... Nous ne pouvons pas nous permettre de conclusion hâtive. Il est vrai que la Suède perd beaucoup dans cette guerre. Mais pas tant que cela, quand nous y réfléchissons à deux fois. 

-Comment cela ? 

-La Russie en a aussi après l'Angleterre. Cela fait deux contre un. S'ils gagnent, la Suède pourra peut-être y gagner, cependant elle sera sous la domination Française. Ces bâtards de français qui se sert d'autres pays pour arriver à leur fin... La France, par le biais de ces deux pays qu'elle "influence" comme bon lui chante, veut soumettre l’Angleterre. 

-Comment ? Il n'y a pas encore eu de batailles ! 

-Qui a parlé de batailles ? Cette bleusaille veut nous soumettre économiquement. Les marchandises transportés par navire sont nos meilleurs revenus. Et nos bateaux sont justement la cible des Français ! L'économie de notre pays prendra chère si nous n'arrivons pas à signer un traité de paix avant que nous ne soyons vraiment sans le sou et à leur merci. 

C'est après un râle plaintif que Karev s'exclame.
-J'ai bien besoin d'un verre ! Vous prenez quoi ? 

-Vous avez raison, un verre nous fera du bien. Je paye la première tournée. Je vais prendre un whisky. Et vous ?

-Super ! Merci ! Je prendrai comme vous.

Earnest se leva donc, voulant voir ce qu'était devenu son père, il y avait trop de monde pour le voir derrière son bar. C'est alors qu'il remarqua une jeune fille, de quoi ? Même pas 18 ans d'après lui. Serait-ce une putain ? Non, elle n'en a pas l'air. Est-elle simplement perdue ? Il n'en sait rien.

Lily Rose était triste. Elle n'avait pas de nouvelles de son ami Erskine et elle craignait qu'il ne lui soit arrivé quelque chose en France ou dans un de ces pays barbares où le sang coulait pour le bonheur des nobles et la rancune des roturiers. Quand elle se sentait trop triste, elle profitait de sa pause méridionale pour aller boire une bière-limonade au nouveau pub Wilde. Elle était toujours bien accueilli et c'était le Sieur Wilde en personne qui avait décidé qu'elle était trop jeune pour de la binouze, mais il comprenait son besoin d'alcool, et avait trouvé la solution de la limonade. il était gentil, le sieur Wilde.

Mais si gentil soit-il, il avait accueilli des étrangers dans son bar. Quand elle entra, elle fut accueillie par une vague de mots étrangers qui l'agressèrent autant que les couteaux bien rangés. poliment, elle ne fit aucun commentaire et alla s'asseoir à une table, le plus loin possible des soldats en permission.

"une bière-limonade, Monsieur Wilde", demanda-t-elle tout doucement, sans savoir s'il allait l'entendre, mais réticente à se faire repérer de la bleusaille.

Elle observa quand même discrètement les buveurs de whisky (ça au moins elle avait compris) et se dit que quand même des étrangers, sûrement des français, en plein milieu de l'Angleterre pendant la guerre, ils en avaient du courage. Ou de la connerie. un doute commença à la titiller. Quel uniforme était-ce là? N'étaient-ce pas les couleurs de l'Angleterre? Lily Rose tenta de se rappeler les couleurs d'Erskine. Rouge. Les français c'était bleu. Mais alors?? Quels imbéciles portaient les couleurs du pays et parlaient une langue de barbare? pourquoi faire?

Lily Rose se rendit compte qu'elle fixait un des hommes du regard depuis une bonne minute, plein de réflexion. Elle baissa les yeux timidement et attendit sa bière-limonade.

Cette jolie demoiselle qui lui semble triste, qui était-elle ? Earnest l'ignorait. Elle dégageait une candeur, une innocence dont seuls les enfants détenaient la clef. Attiré par elle, par sa simplicité, il s'approcha lentement, le dos droit, la posture fière, la démarche presque militaire. L'habitude sans doute. Il en faisait s'écarter bien des gens sur son passage. Sans doute était-il intimidant dans cette allure que seuls ses subordonnées et ses supérieurs de l'armée lui connait. Sérieux et respectueux, peut-être trop protocolaire dans ses manières. Cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas été un simple civil qu'il ne sait plus trop comment il devait se comporter... Il entendit sa commande à "Monsieur Wilde". Son père. Il sourit pour la première envers elle, de la bière-limonade ? Cela doit être immonde. Il suppose que son père n'a trouvé que cette solution pour éviter de bourrer une jeune fille d'à peine 18 ans ! Ou alors c'est elle-même qui le lui a demandé ? Il peine à croire que son père aie eu de son propre chef cette initiative... 

-Bonsoir, jeune demoiselle. De la bière-limonade, c'est une première !
Il n'a pas fait attention au fait qu'il continuait de parler en français ! Cette langue glissait facilement sur ses lèvres, comme une deuxième nature. Il se rend compte de son erreur. 

-Pardonnez-moi, je n'ai pas fait attention. L'habitude a la vie dure.

Il incline son dos en avant, respectueusement. 

-Je me présente, je me nomme Earnest. Si je puis permettre... Que fait une triste princesse seule dans ce bar ? 

Il ne sait pas vraiment pourquoi il a dit Princesse, au lieu de Princess. Est-ce qu'elle saura faire la traduction ? Earnest ne sait pas, elle semble jeune et bien anglaise. Peut-être la langue française lui est inconnue ?

Quand Lily Rose releva le regard ce fut pour croiser celui d'un des soldats. il s'était traitreusement approché d'elle et il osait lui parler dans ce language de barbare qu'était... par Dieu, mais quelle langue était-ce là? un regard affolé au Sieur Wilde lui apprit qu'il ne serait d'aucune aide.

-Bonsoir, jeune demoiselle. De la bière-limonade, c'est une première ! Pardonnez-moi, je n'ai pas fait attention. L'habitude a la vie dure.

Ah au moins le sagouin connaissait une langue civilisée. Lily Rose inclina doucement la tête pour signifier que cette fois-ci elle avait compris. Elle eut un sourcil relevé quand il s'inclina devant elle comme si elle était une Lady. il cherchait sans doute chez elle ce que n'importe quel hussard voudrait d'une demoiselle dans un bar! Elle était prête à se défendre cependant, alors elle releva bravement la tête alors qu'il continuait à se présenter. il l'appela "princesse" -il devait franchement la déprécier s'il n'arrivait même pas à lui trouver un surnom en anglais, se vexa-t-elle en silence, peu au fait des différences de langues.

"princesse?!" s'offusqua-t-elle sans savoir que le mot, pourtant si proche de princess lui valait toutes les politesses du monde. "Quelle langue est-ce là? M'insultez vous?"

Elle s'était levée, indignée et était prête à ramasser ses jupes et s'enfuir. Mais Monsieur Wilde déposait déjà sa limonade devant elle. Elle ne pouvait donc pas s'enfuir - mais l'homme ne se mêla pas de la conversation.

Il ne lui accordait même pas un regard ! Son père. Ne l'avait-il donc pas reconnu, lui, son propre fils. Fort bien, si le paternel veut se la jouer ainsi, ignorant, Earnest n'allait certainement pas s'exclamer un "Père" à ce barman quand la réponse qu'il obtiendra sera un "Qui êtes-vous ?".

Elle qui avait des gestes doux et lents, surpris l'homme en uniforme par son brusque relèvement de la tête. Elle semblait... Oserait-il dire "Outrée" ? Il questionne donc, une fois qu'elle lui ai dit "Princesse" dans un français-anglais assez bien prononcé, pour une débutante.

-Ai-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas, Princesse ?
Sa question fut posée calmement, comme si ce n'était pas de la provocation. Et cela en était pas, évidemment. Un regard externe aurait pu penser le contraire...

Qu'est-ce qu'il avait encore dit de mal ? À croire que c'est une passion chez lui ! Le pire ? C'est que sans rendre compte, il agravait son cas ! Il réfléchissait. Peut-être déteste-t-elle la royauté ? Parce qu'il ne comprend pas cette réaction. Donc le redire dans sa question n'était pas très malin. Certes, il ne va pas le nier.

-C'est du français.
Répond-t-il posément. Donc, elle ne connaissait pas cette langue étrangère. Pourtant Princesse ou Princess, c'est proche. Bien que la prononciation diffère, c'est assez similaire.

-Une ins~

Qu'est-ce~ ?! Mais c'est insensé !

-Pourquoi voudrais-je même vous insulter en premier lieu ?
Demande-t-il rhétoriquement. Ses yeux défiant ceux de la Princesse sans couronne.

"princesse" était assez clair finalement, se dit Lily Rose mais ... disait-il ceci pour la provoquer? Avait-elle l'air d'une putain, elle qui venait seule s'abreuver dans la taverne? Appelait-il ainsi toutes les filles de joie lui ayant frappé dans l'oeil?

pourtant ce fut d'un ton tranquille qu'il s'enquit de sa réponse. timidement, Lily Rose baissa les yeux.

"pourquoi m'appelles-vous princesse avec cet accent si étrange ?"

Earnest répondait déjà à la question comme s'il l'avait prévue. Du français. Du français! Mais pourquoi un homme si éduqué qu'il parlait français s'intéressait à elle? Et pourquoi l'appeler "princess" en français...?

"oh" fut le seul mot qui réussit à sortir de sa bouche, tellement elle était intimidée. puis elle s'offusqua, craignant une insulte dissimulée. Cela sembla surprendre le jeune homme. Qui très directement lui demanda pourquoi il l'aurait insultée.

Lily Rose releva les yeux et toisa son interlocuteur.

"Appelez-vous toutes les femmes seules "princesse"?"

Elle attrapa son verre - enfin arrivé - et prit une gorgée pour se donner contenance. puis, lancée sur l'insolence, elle désigna le barman:

"Dois-je demander un verre à notre cher Maître ici-même ou avez-vous déjà un verre, Froggy? il me semble bizarre de discuter sans avoir de quoi s'abreuver dans un tel lieu."

Lily Rose bouillait intérieurement. Elle hésitait entre la honte, l'indécence, l'envie d'en savoir plus et la fierté qu'on ne la prenne pas pour une prostituée...

Avec un sourire en coin, il s'enquit de ré̂pondre à sa question par une question. 

-Et pourquoi pas ? 

Bon, le terme "Question" semblait n'avoir de cela que le point d'interrogation lisible dans son ton de voix.

Il se demande ce qu'elle avait, elle avait répondu avec éloquence un "oh", qui semblait aux oreilles d'Earnest être remplis surprise. Ou simplement sans mot ? 

Il hausse un sourcil interrogateur face à cette question. 

-Non, seulement à vous, mais si vous me faisiez part de votre nom, peut-être est-ce que je consentirais à l'échanger pour ce que vous portez depuis que vous êtes née ? 

Il ne sait pas si elle l'avait toujours eu, ce répondant, ou si la bière-limonade y était pour quelque chose. En tout cas, le toupet de la fille lui faisait bien rire ! La princesse et la grenouille, cela ferait un très bon conte pour enfant ! 

Il répondu néanmoins plus... Plus hésitant. 
-Je~ Non, je ne prendrais pas de verre. J'aimerai être lucide pour ce qui va arriver. 

Il se rend compte qu'il pourrait y avoir une grosse méprise ! 

-Je veux dire qu'aujourd'hui, je revois mon père que je n'ai plus vu depuis... Depuis quatre ans. Et j'aimerai qu'il n'assiste pas au spectacle d'un fils bourré lors de notre rencontre après si longtemps sans s'être vu. Il ne sait pas que je suis ici. Je me demande même s'il saurait me reconnaître. 
Répondit-il, passant une main dans ses cheveux, avec un rire gêné. C'est son petit tic quand il est mal à l'aise. 

-Hé bien étant donné que je ne suis pas venu ici pour l'alcool, je pense que ce n'est plus aussi étrange que vous le prétendez, vous ne pensez-vous pas ? 

Et pourquoi pas? Mais parce que la famille royale ne se réjouierait sans doute pas d'avoir une simple servante nommée par un tel grade! Sans se l'avouer, Lily Rose en était plutôt flattée maintenant qu'elle avait compris qu'il ne se moquait pas. "princesse", ça sonnait bien. Mais elle était raisonnable: et si on les entendait! Amener la honte sur la famille royale n'était pas son but premier dans la vie....

"parce que je ne mérite pas un tel titre." répondit-elle donc simplement avec sérieux.

Lily Rose se sentit une fois de plus flattée qu'un si bel inconnu l'aborde si effrontément. Son air fier et sûr de lui rendait la blague supportable.

"Lily Rose Waelsh, je suis servante chez les Percy, alors vous voyez "princess"....." répondit la jeune femme. "Vous pouvez m'appeler Lily Rose tout court maintenant que nous nous connaissons mieux " plaisanta-t-elle avant de prendre une gorgée de bière aromatisée.

Lily Rose se sentait plus à l'aise et invita Earnest à boire avec elle. Mais à sa grande surprise, il refusa. Son excuse... la fit tout de suite se sentir attirée maternellement vers le jeune homme bien qu'au début elle crût qu'il parlait de chose plus intime encore. Elle croisa les doigts pour que la rencontre se fasse bien.

"Je ne veux pas vous déranger dans votre rencontre, Mister Froggy..." chuchota-t-elle en baissant la tête.

Elle eut cependant un sourire au jeune homme en relevant la tête:

"Non ce n'est plus étrange. Et je pense que votre père va être fier de vous. Vous en imposez, même quand vous parlez français!"

Gentiment (ou courageusement?) elle se pencha vers lui et arrangea son col.

"Vous êtes prêt?"

-Vous pensez que les Princes et Princesse méritent ce titre ? Evidemment que non, ils le reçoivent à leur naissance. Donc personne n'est capable de dire qui mérite d'être dans la royauté. Pourtant, moi, j'ai choisi que vous, vous seriez une princesse, qu'importe ce que tu en penses, Princesse. 

Il était confiant, jamais il n'a flanché dans ses paroles, il semblait si sûr, comme si c'était logique. Une évidence même, quelque chose qu'il n'y avait normalement pas besoin d'expliquer, de son point de vue. 

-Je ne vois pas en quoi votre vocation me fera changé d'avis sur la question, princesse Lily-Rose. 

Il lui sourit doucement et la rassure. 
-Ne dites pas cela. Vous ne me dérangez pas. Sinon, je ne vous aurai pas abordé en premier lieu. 

Il hausse un sourcil à ce surnom. 
-Mister Froggy ? Monsieur Grenouille ? Puis-je connaitre l'origine de ce surnom ? 

Je ne peux que rire. Avec un sourire moqueur mais pas méchamment, je lui rétorque. 
-Vous avez quand même pensé que c'était une langue de barbare, ne le niez pas. Je le sais. 

Facile à deviner quand il sait qu'elle a pensé que Princesse était une insulte ! 

Il a reculé d'un petit pas quand il a vu Princesse se rapprocher de lui. Elle le... Col. Hum. Il voulait dire qu'elle arrange son col. 

C'est avec un sourire de remerciement qu'elle le lui dit à voix haute.
-Merci, princesse... 
Il détourne des yeux vers le bas à gauche, gêné. C'était très gentil de sa part. Il n'a pas l'habitude de ces gestes... Maternels. Il n'en a jamais connu donc peut-être qu'il s'est trompé ? Et puis, elle est plus jeune que lui ! Cela reste gentil... 

-Je~ Je suppose que oui. Mais je crois que je vais juste attendre qu'il n'y ait plus beaucoup de personne, il ne risque pas de m'accorder beaucoup de temps puisqu'il semble occupé. 

Il passe la main sur ses cheveux, dérangé de demander. 

-Et vous, si ce n'est pas trop indiscret, que faites-vous dans un bar ? 

L'inconnu se lança dans une diatribe anti-royaliste et Lily Rose faillit prendre peur. Mais sa curiosité et les expressions du jeune homme la poussèrent à l'écouter jusqu'au bout, après un regard autour d'eux pour vérifier qu'il n'y ait pas quelques mouchards inattendus.

"Vous m'avez donc choisi comme princesse. Ai-je des droits ou des devoirs à ce compte? Je ne sais pas bien ce que font les princesses de sang à part s'empiffrer de scones au goûter avec les filles de la noblesse...." plaisanta-t-elle soudain, emportée par son élan malgré sa timidité.

Earnest continuait à affirmer qu'elle méritait ce nouveau titre malgré son avancement comme femme de chambre... Puis elle se reprit, redevint la timide Lily Rose et secoua la tête lorsqu'il lui sourit et affirma qu'elle ne le dérangeait pas. L'humour bien trempé de la jeune femme ne put s'empêcher de transparaître quand elle l'appela Mister Froggy. Elle eut un demi-sourire narquois.

"Si je suis une princesse vous êtes un prince français. Or ne dit-on pas que les français mangent des grenouilles au petit déjeuner?"

Earnest avait le rire facile, ce qui mettait la servante plutôt à l'aise en fait.

"Je n'ai pas reconnu le français mais vous auriez parlé allemand, ça aurait eu le même effet. Sauf que je ne pourrais pas vous appeler Froggy."

Lily Rose arrangea le col de son interlocuteur comme elle l'aurait fait à Monsieur Percy. Cela sembla gêner l'homme, aussi elle se recula immédiatement.

"Désolée. Réflexe." fit-elle alors qu'il la remerciait.

Earnest ne semblait pas pressé d'aller se présenter à son père.

"Attendez avec moi? Je suis peut-être une princesse mais j'ai pas forcément leur don pour le blabla mais on ne me trouve pas si ennuyeuse d'habitude." plaisanta la jeune femme en se rasseyant devant son verre.

Earnest s'enquit de sa présence dans le bar. Avec un gros rougissement de joues et de cou, Lily Rose répondit:

"Je viens apprendre sur le monde. A la maison Percy, les bavardages sont mal vus. Ici j'apprend ce qu'il se passe en ville, je lis le journal, j'écoute ceux qui veulent me parler... Je suis une pipelette sans audience. Et j'attends mon prince charmant, en général il est à l'heure...."

Il hausse un sourcil face à cette question.

-Je dirai simplement être vous-même ? Mais cela fait ringard, non ? 
Demande Earnest avec un sourire en coin. 

-Hé bien, à défaut de scones et de filles appartenant à la noblesse, vous avez une bière-limonade avec une charmante compagnie. Cela montre que vous êtes une princesse proche de son peuple, ne croyez-vous pas ? 

Il clarifie une chose essentielle. 

-Ho et au cas où vous me poseriez la question, je suis "La charmante compagnie" cité précédemment. 
Dit-il avec un sourire trop charmant, n'en pouvant plus de ce sérieux, Earnest rigole de ses dires. 


-Je ne sais pas, ne sont-ce pas que des on-dit ? Et puis, pourquoi serais-je français, Prince qui plus est ? C'est vexant pour un officier anglais... Les français pourraient être nos ennemis, un jour. 
Il va bien sûr omettre que ce jour sera plus tôt que prévu d'aventure. 

-Et qui vous dit que je parlais réellement français, j'aurai pu mentir. 
Explique Earnest, avec un sourire joueur. 

Elle se recule, sûrement a-t-elle remarqué sa gêne. 
-Je... Non, ce n'est rien, je n'ai pas l'habitude qu'on fasse cela pour moi, voilà tout. Mais merci, c'était gentil de votre part. 

Il soupire, il aimerait qu'il y ait moins de monde. Heureusement, Princesse l'aide avec ses paroles. 

-Comment puis-je refuser cela à my Princesse ? 
Dit-il avec un rire, face au parole rigolote de la demoiselle. 

-Votre Majesté, pourriez-vous m'accorder l'honneur et le privilège de m'asseoir à vos côtés ? 
Demande avec exagération, et avec une courbette, à la Princesse de ces lieux. 

-Je suppose que pour moi, c'est le prince Barbare ? Vous n'avez pas gagné au change, demoiselle. Cependant, je comprends vos motivations, mais dites-moi, faites-moi part de vos recherches, qu'avez-vous appris sur le monde pour le moment ? 

Lily Rose n'arrivait pas à voir si le jeune soldat se montrait prévenant ou moqueur. Quand il s'étonna de la bière-limonade et assura qu'elle était proche de son peuple, elle renifla d'un air moqueur:

"j'aurais l'air bien fine, complètement alcoolisée, quand je reprendrais mon service, Mister Froggy. Et vous êtes de charmante compagnie en effet. Enfin, je crois." fit-elle, pince sans rire.

Lily Rose ne rit pas comme Earnest se le permettait, mais elle lui adressa un charmant sourire, quoi qu'un peu méfiant. Surtout quand il ajouta qu'il aurait pu parler une autre langue.

"J'ai déjà rencontré des allemands, j'aurais reconnu leur langage." apprit-elle à Earnest en souriant à son tour. "Je n'ai jamais rencontré de français mais j'aurais reconnu un italien, je crois. Nous sommes déjà allées à l'Opéra avec Miss Percy et leur langue est si belle... Non, vraiment, vous ne m'auriez pas eue."

Et sur ces mots, elle le rajusta rapidement, le gênant sans le vouloir. Puis elle hocha la tête:

"Joignez-vous à moi, il n'est guère plaisant de boire seule. Les gens ont tendance à se faire des idées." Puis elle ajouta: "J'ai entendu des choses sur les amours légères de certains soldats aisés. Ils laissent femmes et enfants à la fois au pays et à la guerre. Difficile de choisir ensuite non?"

-Au moins, vous êtes authentique, sans contre-façon. Qui n'apprécie pas une personne qui ose montrer tout ce qui fait d'elle, elle ? Tout. Que cela soit les bons côtés ou les mauvais. Et si vous voulez mon avis, ne cherchez pas un homme qui vous aime pour votre perfection mais celui qui chéri vos imperfections. 

Un air contrit sur le visage, Earnest demande. 
-Comment cela vous croyez ? Je suis vexé. 
Fit-il faussement sérieux. 

-Oh ? De l'allemand. Ou avez-vous entendu ce langage ? 

C'est sûrement eux qui détiennent la langue des barbares, quoique... De ce que j'en sais, c'est une langue très respectueuse, juste un peu bourru. 

Avec un sourire narquois, il rétorque. 
-Et qu'en est-il de l'espagnol ? Du portugais ? Ou du russe ? 

Il se recule d'un pas, quand elle eut terminé son geste presque maternel. 

-Comment pourrais-je refuser une demande de ma Princesse ? Et puis... Qu'ils se fassent des idées, je m'en moque. 

Il hausse les épaules. Il s'assit sur le tabouret à côté d'elle. Il ne l'a pas fait parce qu'il ne voulait pas être seul, d'ailleurs il a oublié son ami sur leur table. Bien qu'en le regardant du coin de l'oeil, Earnest a pu remarquer que celui qui l'a accompagné est en compagnie de quelques hommes de l'armée. Ils n'ont pas de costume, mais Earnest le sait, le sent. 

Il fronce un sourcil à la question. 

-Il n'y a pas de choix à avoir. Quel homme serait assez fou pour garder un souvenir de la guerre. 

Oui, c'est vrai, cela pourrait être assez réducteur. Une femme ou un enfant n'est pas un souvenir. D'un ton plus irrité, il continue. 

-Si ces hommes sont tombés dans ce choix, c'est qu'ils ont décidé de l'avoir. Après tout, ils ont juré fidélité, à la vie et à la mort. La guerre n'est pas une excuse. On se bat pour notre pays, pour protéger ceux que nous avons laissé derrière nous. 
Dit-il avec un regard triste envers son père. Puis il pense à un autre homme... Il secoue sa tête. 

-Ces hommes bafoues tous ceux pourquoi nous nous battons. Et cela, je ne peux le tolérer. 
Fit-il en serrant les poings tremblant. Il n'est pas en colère, juste dégoûté de ces hommes qui ne connaissent pas les vraies valeurs que l'armée a inculqué a ses soldats.

"Je suis authentique. Pur produit de l'Angleterre, mister." rétorqua d'un ton légèrement amusé la jeune servante. "Et je crois bien avoir trouvé la perle rare. Si vous voulez le savoir, je l'ai rencontré en m'occupant d'un pot de chambre fêlé."

A ces mots, Lily Rose l'authentique ne put s'empêcher de rire. Au souvenir, et à la tête que ferait certainement son interlocuteur. Chaque fois qu'elle avait raconté cette histoire à quelqu'un, chaque fois elle avait eu des réactions diverses mais toujours amusantes.
Lily Rose eut un autre rire léger quand le jeune homme s'avoua vexé de ne pas être automatiquement associé à la bonne compagnie.

"Ne soyez pas vexé Master Froggy, votre compagnie m'est agréable ou bien j'aurais déjà fui. Or, mon verre est encore plein."

Lily Rose secoua la tête:

"Il y a eu de nobles allemands pour aller chasser avec Monsieur Percy il y a quelques années. J'étais encore petite mais... ils n'étaient guère agréables, je n'étais pas à leur goût - et tant mieux - mais j'ai trouvé leur language bien âpre... Qu'en pensez-vous?"

Earnest avait trouvé de quoi embêter la jeune femme mais celle-ci avait du répondant.

"Je connais une chanson en espagnol, nous avons eu un saisonnier de là-bas. Je reconnaitrais donc la langue je pense. Par contre le portugais ou le russe... ce me semble être des langues bien ardues. Mais cela serait amusant à apprendre. A part l'anglais et le français, parlez-vous d'autres langues?"

Détendue par rapport au début de la conversation, Lily Rose se montrait très naturelle avec Earnest. Il avait des côtés amusants, voire séduisants. Si son coeur n'avait déjà été pris, elle aurait probablement fini la conversation persuadée d'avoir trouvé l'homme de sa vie.
Earnest s'assit donc à sa table, clamant qu'il se moquait des idées.

"Très bien, master Froggy. Je m'en moque aussi. Ma réputation chez les Percy ne craint rien et je doute que vous me vouliez du mal surtout en présence d'autant de faux-français."

Le sujet plus aride vint sur la table. Lily Rose se rembrunit quelque peu.

"Il y a des fous partout ... Mais je suis rassurée de voir qu'il y a des hommes vrais, tels que vous Master Froggy. Cela me donne de l'espoir quant à mon propre avenir voyez-vous? Je suis sûre que les hommes que j'ai entendu payeront leur dû à la guerre pour le mal qu'ils font. Ils n'avaient guère l'air heureux en tout cas."

Voyant les mains de son interlocuteur, elle ajouta:

" Repos Master Froggy, il n'y a personne à châtier aujourd'hui. Racontez moi plutôt comment vous avez appris le français si bien."

-N'oubliez pas d'ajouter que vous êtes un produit unique d'Angleterre ! C'est bon pour les affaires.
Dit-il avec sourire et un rire léger.

-D'un pot de chambre fêlé ? 
Demande-t-il, haussant un sourcil avec curiosité. 

Ce n'est pas commun. Mais qui était-il pour juger les rencontres d'amoureux ? Lui-même, ce n'était pas quelque chose considéré comme normal. Déjà parce que sa "romance" -peut-il nommer cela ainsi ?- prend en compte deux hommes. L'un noble, l'autre roturier. Comment est-ce que cela aurait pu fonctionner ? C'était voué à l'échec dès le départ. Pourtant, il y a quelque chose en lui qui voulait y croire, ne serait-ce qu'un peu. 

-Racontez-moi. Si vous le voulez bien ? 
Fit-il en référence à cette histoire de pot de chambre fêlé, assez intrigante. 

-Me voilà rassuré. Je peux mourir en paix ! 
Dit-il avec exagération dans le but de la faire rire. 

-Je trouve que leur langage, bien qu'au premier abord semble brutale, il n'en est rien. L'allemand est une langue très respectueuse. Elle semble juste agressive bien malgré elle. 

Earnest écoute sa phrase sans l'interrompre, et ses arguments. Il sourit, elle a une bonne répartie cette donzelle ! 

-Le portugais ne diffère pas tant que cela de l'Espagnol, cela reste la même souche hispanique. Donc il y a quelques variables, évidemment, mais dans l'ensemble, cela reste similaire. Pour ce qui est du Russe, je n'ai jamais eu l'occasion de l'apprendre, mais j'ai déjà vu des lettres russes, c'est une calligraphie différente de la notre. Et quand un bon monsieur a bien voulu me la lire dans sa langue, je n'ai pas compris un traître mot ! Cela n'a rien à voir avec les langues que je connais. Mais oui, c'est plaisant de comprendre ce qui n'est pas votre de prime abord. 

C'est d'ailleurs à ces mots qu'elle lui demande justement quelles sont-elles, ces langues dont il est capable de parler et d'utiliser. 

-Non, malheureusement. Je n'ai pas eu l'occasion d'en apprendre plus. Le devoir m'a appelé quand j'ai terminé mes études et je n'ai guère eu l'occasion de continuer vers les langues. Mais sur les champs de bataille, j'ai eu la possibilité d'apprendre une petite base d'allemand. Je ne connais que quelques termes, rien de folichon.  

Earnest secoue la tête. 
-Evidemment que non ! Aucun mal ne vous sera fait en ma présence, que cela soit de moi, ou des autres. Je le jure sur mon honneur de Capitaine ! 
Fit-il solennellement, peut-être était-ce un peu trop, mais il n'en pouvait rien, il avait horreur que quelqu'un le pense capable d'être la raison de ses tourments. 

-Personne ne peut se réjouir d'une telle situation... Je suis d'accord, mais au fond, la culpabilité a la pire des punitions, car c'est une chose qui s'impose à nous, sans qu'on ne le veuille. 

Il soupire, il sait très bien de quoi il parle, le sang versé au nom d'une guerre qu'il n'a pas choisi, pourquoi ? Pourquoi c'est à lui à payer ? Il a juste suivi les ordres mais le poids de ces morts est sur ses épaules solides et robustes mais humaines...

Il secoue la tête, pour effacer ses pensées négatives de son esprit. 
-Je suis heureux que vous me considériez comme un véritable homme.

En entendant ses paroles, il desserra les poings, après tout... Repos. 

-D'accord... J'ai obtenu une bourse à Eton quand j'avais 10 ans, c'est une école élitiste pour garçon. C'est là-bas que j'ai appris le français. 
Raconte-t-il, un peu absent.

"Pour être honnête, je suis importée du Pays de Galles même si je suis née à Londres. Mais mon amour pour l'Angleterre est réel et toute la maison Percy pourra assurer que j'en suis fière et digne." sourit-elle au jeune homme qui en savait de plus en plus sur elle.

Puis elle éclata de rire:

"j'ai rencontré mon fiancé dans les cuisines avec un pot de chambre fêlé (propre). Ca a permis de briser la glace, et cela reste une private joke entre nous."

Earnest se montrait enjoué et un peu invasif, mais il plaisait bien à la demoiselle. Leur discussion sur les langues n'avait rien de malhonnête ou galant, ce qui lui convenait parfaitement. Une discussion loin des ardeurs de la vraie vie, voilà pourquoi elle aimait autant sa limonade.

"Comment se fait-il que vous en sachiez autant sur les langues? Votre école semble merveilleuse sur ce point..." murmura-t-elle avec rêverie.

"Capitaine! Capitaine Froggy... cela vous va bien."

Il semblait être parti dans ses pensées, qu'elle ne doutait pas négatives au vu du pincement des lèvres du Capitaine (hj: si tu veux bien). Heureusement il y avait des sujets plus légers que la guerre ou l'amour, et il apprécia son trait d'humour.

"Eton. Jamais entendu parler, désolée. Mais y êtiez-vous heureux? Avant la guerre je veux dire?"

Il hausse un sourcil surpris face à cette révélation. 
-Parlez-vous donc le Gallois ? Pour ma part, je suis pur souche d'Angleterre ! Et ce, depuis des générations, les Wilde viennent d'une longue lignée de sauvage. 

Il soupire. C'est vraiment l'origine de son prénom. Sauvage ! Bah ! Pour un loup, ce n'est pas très étonnant. 

Regardant partout, au cas où il serait écouté, Wilde murmure tout bas, comme si c'était un secret que personne ne devrait découvrir, à la personne qu'il vient de rencontrer. 
-Mais je dois l'admettre, les Wilde descendent de Germain, mais c'était il y a une des générations et des générations d'antan. Il faut que cela reste confidentiel. 

Comprenant la raison de son rire, Earnest se joint à elle. 

Earnest secoua la tête, en signe de négation. 
-Mon école ne m'a enseigné que le français, la filière que j'ai décidé de prendre. Le reste, je l'ai acquis par mon expérience dans les rangs de l'armée.  

Earnest souria avec authenticité à ce surnom, Capitaine Froggy. 
-Vous serez Princesse, et je serai donc Capitaine Frog, pour vous servir. 
Fit-il théâtralement. 
Frog, c'est plus court, plus simple. Comme lui. 

-Ce n'est pas grave, je ne vous en tiendrai pas rigueur. 
Au fait qu'elle n'en avait jamais entendu parlé. C'est souvent les garçons qui ont connaissance de ce lieu, après tout "École élitiste pour garçons" semble tout dire. 

Prenant un temps pour réfléchir, a-t-il été heureux là bas ? C'est une bonne question. Il hausse les épaules. 
-Je suppose que je l'ai été, oui. 
Un sourire au lèvre, il se rappelle de ses souvenirs d'enfance, rêveur. 

-Assez parlé de moi, et vous ? Votre enfance a-t-elle été heureuse ?

Lily Rose eut un petit rire:

"Prynhawn da, Captain Froggy. J'ai les bases. Mais je suis partie jeune de la maison et chez les Percy je n'avais pas le droit de parler autre chose que de l'anglais. J'ai oublié beaucoup de ma langue natale, mais celle-ci me rappelle également les raclées de mon père." plaisanta la jeune fille.

Elle hocha la tête:

"Pure tête d'Anglais dirait-on. Sans offense, Captain. Même si vous vous voyez sauvage, votre éducation vous a bien entouré."

Soudain Earnest se mit à parler plus bas. Et Lily Rose se prit au jeu, et se pencha vers lui pour mieux entendre. Elle étouffa un rire.

"Promis, cela ne franchira pas mes lèvres.Mais vous me permettrez d'en rire un peu cependant n'est-ce pas?"

Leur rire continua quelques secondes, sur un autre sujet ensuite. La conversation plaisait bien à Lily Rose. Sans intention de flirter, elle avait là un homme "à sa hauteur", tel Erskine qui avait le mot léger et les baisers si doux. Mais à part lui, elle ne fréquentait amicalement aucun des hommes de la cuisine ou du reste de la Maison, sachant très bien que son derrière était plus amical pour eux qu'il ne l'était pour elle.

"Et cela fait longtemps que vous êtes dans l'Armée? Votre famille doit être drôlement fière d'avoir un capitaine dans ses rangs."

Lily Rose lui demanda aussi s'il avait été heureux et bizarrement cela lui fit chaud au coeur quand il répondit que oui. Elle but une gorgée de sa boisson et regarda franchement Earnest pour lui parler honnêtement.

"Je suis née dans une famille pauvre immigrée. On m'a vendue plus que donnée à la Maison Percy. Mon père nous battait et nous forçait à mendier. Quand on m'a donné un lit pour moi toute seule chez les Percy, j'ai pleuré de joie. Je regrette un peu mes frères et soeurs; je n'ai guère eu de compagnons de jeux de mon âge, j'ai travaillé tôt, mais je fais un honnête travail et je le fais bien. Je crois. Les Percy sont ma maison désormais, et je ne ferai jamais rien qui puisse leur faire du mal."

Elle ignorait que ses paroles étaient presque prophétiques.

Earnest ne réagit pas à ses dires. Il lui offre juste un sourire réconfortant. Non pas que cela ne l'atteint pas, mais que si elle lui a confié ceci, c'est surtout pour ce dont il est le plus qualifié dans son rôle de barman/ami -enfin même si pour l'heure, il n'est rien de tout cela pour elle- sa discrétion. Il est d'une nature calme, c'est pourquoi beaucoup apprécie d'être écouté par lui, il a cette stabilité qui n'existe pas quand ces personnes sont confrontées à leur problème. 

-Je ne suis pas offensé, princesse. Il ne reste que je peux me montrer impulsif. Et vous avez raison, j'ai de bons amis. J'espère qu'il en est de même pour vous ? Mais pour que vous sachiez, vous pouvez me compter dedans, si le cœur vous en dit. 

C'est vrai qu'ils ne se connaissent depuis peu mais... Il apprécie cette demoiselle.   

A sa remarque sur le fait de rire de cette information qu'il lui avait confié, il sourit juste et hoche de la tête. 

-Je vous le permets, mais pas trop longtemps, je ne voudrais pas que mes gênes en prennent un coup. 

Après leur rire commun ensemble, elle lui pose une question. Il est pris de court. 

-Depuis 3 ans maintenant, princesse. Quant à ma famille, je ne sais pas vraiment. Cela fait près de cinq ans que je n'ai pas vu mon père. Nous ne sommes plus que nous deux. 
Il n'était pas triste en disant cela, ni fataliste. C'est un peu comme parler de la pluie et du beau temps. 

Dès ses 16 ans, lors des vacances, il travaillait pour aider financièrement son père. Et le reste de l'année, il était à l'internat. Ils n'ont que peu échanger de lettre durant ces 5 années. Earnest lui a envoyé plus d'argents que de mots... 

Regardez les, en train de raconter leur vie à un étranger pour elle et une étrangère pour lui. Comme c'est étrange ! Un peu comme leur relation. Il n'y a pas de drague, ni d'attente de l'autre. Juste une envie de le connaitre sans arrière pensée. C'est... Rafraîchissant. 

-Votre père ne sait décidément ce qu'il a perdu. Mais c'est notre gain, sans cela, on aurait jamais pu se rencontrer.
 
Elle a bien dit que c'était un honnête travail, mais qu'aurait-elle voulue faire si elle avait eu le choix ? Aime-t-elle ce boulot ? 

-Aimez-vous votre métier, princesse. 

La conversation prenait des allures inattendues. Cela ne déplaisait pas à Lily Rose pour qui les tracas du quotidiens faisaient surtout partie de ses sujets de conversation au travail. Elle tenta la franchise avec Earnest, attirée par le côté goguenard et honnête du jeune homme... Il plairait bien à Erskine, se dit-elle silencieusement, priant pour que son amant revienne vite la chercher.

"Je n'ai pas de vrais amis, sauf si on compte mon presque fiancé. Nous sommes comme des soeurs, les servantes, donc beaucoup de coups bas et de bêtises. Mais on s'adore à la fin quand même. Merci pour votre proposition d'ailleurs. Si vous le désirez, vous pouvez me compter comme une amie de même. N'avez vous pas cette impression bizarre que nous étions destinés à nous appeler princesse et captain Froggy?"

Lily Rose se laissa aller à son humour, contente qu'Earnest réponde de même. Puis ils passèrent au sérieux.

" Trois ans!? Cela doit être bien difficile parfois, je me doute..."hocha-t-elle doucement la tête. "Cinq ans pour rendre votre père fier, n'est-ce pas."

Elle désigna son uniforme.

"Je suis désolée qu'il ne vous reste que votre père. Mais dieu n'a sans doute pas que de mauvais projets pour vous. Vous vous construirez une famille. Et j'espère être là pour vous dire que j'avais raison." sourit Lily Rose.

La servante hocha la tête une fois de plus:

"Je ne regrette que les câlins de ma mère à vrai dire. Les coups, le mensonge, les mendiants, tout ça ne me manquent pas. Ici je suis habillée comme il faut, j'ai de la discussion, j'ai même des économies pour boire un verre de temps en temps avec des inconnus même pas français...."

La dernière question la prit au dépourvu. Elle hésita avant de répondre:

"Je crois que oui. J'aimerai m'élever dans les rangs des servantes pour être honnête. Être demoiselle de compagnie ou travailler pour un noble plus élevé... Mais en réalité j'aime ma place chez les Percy. Ce n'est certes pas très intellectuel mais on s'amuse bien. POur l'intellectuel, j'ai Erskine ou les capitaines."

-Je ne sais pas, je ne crois pas en la destiné. Je crois au coïncidence. Tout ce qui est vie est la preuve d'une coïncidence qui n'existera que pour ce moment. 

Après, il pense qu'il n'y pas vraiment de différence entre la destinée et les coïcidences, ce sont juste deux croyances qui s'équivalent car leurs résultats sont les mêmes après tout. 

-J'ai la chance de compter des amis fidèles et solidaires même dans les jours ensoleillés comme les tempêtes, malgré nos caractères bien différents. Ils se comptent sur les doigts de mes mains mais je ne peux me plaindre, je suis reconnaissant de savoir qu'ils me considèrent comme ami. 

Il ne lui répondit pas, lui accordant un simple sourire. Cinq ans pour un père fier... hum... Difficile quand l'ombre d'un défunt frère plane sur Earnest. Comment lutter contre un mort ? Comment faire mieux que celui qui n'a rien pu faire ? Comment comparer un enfant mort à un adulte vivant ? 

Earnest rigole aux paroles de Lily. Si seulement elle savait. Cette famille qu'il souhaite ardemment posséder ne pourra exister. Il ne sera que factice, et si cette réplique traverse la frontière des lèvres de la Princess dans le futur, elle ne saura pas que ce bonheur ne sera que factice. Qu'une ennemie sera présente sous son propre toit. Que le nom dont la demoiselle sera affublée "Wilde" n'était pas crée pour elle. Il désirera ardemment qu'une autre personne porte son nom. Un homme. Cet interdit que le futur colonel voudra ardemment briser, repousser les limites du raisonnable pour s'agenouiller devant un homme et lui demander sa main. En oubliant que c'est un délit, en oubliant que c'est mal. Juste un fantasme qui n'arrivera jamais. C'est en pensant à tout cela qu'il ne peut lui répondre, sa voix est bloquée au fond de sa gorge, c'est pourquoi il ne peut que lui sourire. 

Un rire léger s'échappe d'Earnest. 
-Je comprends, ces inconnus mêmes pas français, ils sont terribles. Avec un peu de chance, vous tomberez sur un non-français qui en voudra la peine. 

Sachant que c'est un sujet sensible, il n'aborde pas le sujet de la mère. En soi, pour lui aussi, c'est une chose dont il n'aime point parler. Quoique pour Lily-Rose, il semblerait que même son passé n'est pas un sujet agréable à aborder. 

Earnest soupire de soulagement en sachant qu'elle aime son travail. 
 
-Je suis certain que vous y arriverez. 

"Je crois en Dieu et je doute qu'il n'y ait que des coïncidences ... par contre la destinée... Je vous rejoins sur ce point; nous devons agir pour dieu et les hommes, et pas pour quelque chose de plus grand, car rien n'est plus grand que dieu. Et voilà que vous allez me prendre pour une nonne plutôt qu'une princesse..."

Lily Rose éclata de rire, un rire franc loin de la terrible évocation de la Destinée, et elle sourit à son Captain Froggy. Il enchaînait sur les amis.

"Je ne sais pas si j'ai de vrais amis à part Erskine. Nous nous entendons bien entre servantes mais amies? je ne crois pas... Plutôt des soeurs de combat comme vous et vos hommes. Cela se pourrait-il?"

Loin des sombres pensées de son interlocuteur, Lily Rose souriait. Elle finit son verre et acquiesça:

"Je trouverai bien chaussures à mon pied. Même si mes chaussures ne valent pas celles d'une princesse en vrai..."

On parla travail et Lily Rose fut sincère. Cela se sentit et Earnest le comprit. Soudain, Lily Rose sursauta:


"Mon dieu, l'heure! Je vais me faire punir si j'arrive en retard. Captain Froggy, enchantée de vous avoir connu. J'espère vous revoir vite ici-même ou chez les Percy quand j'aurais un peu de temps. Pratiquez bien votre français et rendez votre père fier de vous. Il est fou s'il ne l'est pas déjà..."

Lily Rose se leva bien vite, posa ses pièces sur la table, et fit demi-tour avec un geste de la main pour son nouvel ami. La porte claqua dans son dos et elle se mit à courir pour ne pas être en retard, mais prévoyait déjà de revenir le lendemain.