Entre cousins

Randall entra dans ce Pub au nom imprononçable en soupirant. James était malade comme un chien suite a leur intervention dans un incendie l'avant veille, et lui il devait aller ou? Chercher son pochtron de cousin dans un pub. Après, il préférait que ce soit lui que Keana. Elle avait bien fait de le faire appeler. Mais quand même, ça l'emmerdait.

Il s'installa à côté dudit cousin.

"Erskine..."

Je relève la tête. Et qui vois-je ? Randy...

"Qu'est-ce que tu fiches ici ?"

Avoir la paix le temps d'une soirée, c'est trop demander? Bon sang... Je lève mon verre et le termine d'un trait puis soupire longuement.
J'observe mon cousin plus longuement et remarque, acerbe:

"Tu as bonne mine, pour un mort..."

"Je m'en suis remis. Toi, par contre, tu as mauvaise mine."

Et a force de te prendre des mines régulièrement, tu force ta sœur a aller te chercher... Randall est clairement désapprobateur.

"Et je suppose que ce n'est pas pour me tenir la jambe avec de telles banalités en me foudroyant du regard, que tu t'es déplacé jusqu'ici. Qu'est-ce que tu me veux ?"

Je lève mon verre vide pour commander une nouvelle bière, tout en le regardant droit dans les yeux. S'il est venu pour me faire la morale, il est mal tombé parce que je n'en ai strictement rien à faire. Il m'énerve. Voilà tout ce qu'il arrive à faire.

"Je veux que tu te calme pour ce soir. Ta sœur est retenue elle m'a demandé d'aller te chercher."

Et j'ai pas le temps d'attendre ton coma éthylique, ne rajouta pas Randall. Il était inquiet de l’état de James, il n'avait pas envie de rester absent trop longtemps.

Il soupira.

"Pourquoi tu bois autant, Erskine? Qu'est ce que tu as vu, là-bas?"

Je pousse un long soupire. Mais de quoi se mêlent-ils ? Je sens l'agacement pointer le bout de son nez puis mon coeur rate un battement quand il demande pourquoi je bois et ce que j'ai vu à la guerre... Parce que c'est bien de cela, qu'il parle, impossible de se tromper ! Mon sang ne fait qu'un tour, ma vision s'obscurcie et je bien qu'assis, je me retiens au comptoir de peur de tomber. Je n'ai pourtant pas encore assez bu pour me trouver dans un si mauvais état ! L'agacement n'est plus. Il ne reste plus que la peur. Celle d'un cauchemar qui persiste malgré les yeux bien ouvert et l'état de veille. Je me vois pâle comme un mort sous mes cheveux sombres dans le reflet d'une vitre. Le contraste est assez effrayant, je peine à me reconnaître moi-même.

Il y a deux réactions possibles face à un danger pour moi: Soit la fuite, mais s'il est capable de me poser la question directement de front, je doute qu'il me laisse m'en tirer à si bon compte si j'élude la question. Soit le combat. Le rejet.
Je n'ai plus aucun contrôle sur le peu d'aspect qu'il me reste de moi-même. Les émotions, la peur, prennent le dessus et je ne suis que spectateur impuissant face au spectacle accablant qui s'apprête à se dérouler.

Je le regarde droit dans les yeux, avec un rictus de colère qui déforme mon visage, je le sens, c'en est presque douloureux là où les traits d'expression sont les plus prononcés.

"ça ne te regarde pas. Je n'oblige personne à venir me chercher ! Alors arrêtez de vous occuper de moi et fichez-moi la paix ! Cela vous fera un poids en moins sur les épaules. ça arrange tout le monde, non ? Alors va-t'en ! Et dit à Keana que je n'ai pas besoin de son aide. Ni de la sienne, ni de la tienne, ni celle de personne ! Tu m'entends ?"

Ces mots me laissent essoufflé, alors que je me suis levé pour agripper mon cousin par le col. Me rendant compte avec horreur de mon geste, je le lâche comme s'il m'avait brûlé et recule, terrifié. Par ce qu'il vient de se passer, mais aussi par ce que je suis capable de faire sans pourvoir y exercer un quelconque contrôle. Je détourne le regard, tremblant.

"Tu ferais mieux de t'en aller, Randy...

Je l'ai appelé par son surnom pour lui montrer que ce n'est pas à lui que j'en veux. Pas pour ça... Et j'espère qu'il le comprendra.

Si, Randall aurait laissé Erskine prendre la fuite ou éluder la question. Le jour où il voudrait vraiment une réponse, il la lui poserait plus vigoureusement. Mais il n'est pas mécontent de la réaction du cousin. Il préférait les gens qui se battaient à leur manière à ceux qui fuyaient. Il se laissa prendre au col, alors qu'il n'aurait eu aucune difficulté à mettre à terre le jeune homme. Il attendit, en le regardant dans les yeux qu'il lui dise ce qu'il avait a dire, puis qu'il le lâche, ce qu'il fit. Et pendant cette courte attente, un phénomène étrange se manifesta. De purement inquiet pour James, il se découvrit aussi inquiet pour Erskine. Il avait déjà vu ce genre de mal. Des soldats qui avaient encore les canons dans les oreilles. C'était un peu le cas de Randall, même s'il le cachait mieux. Il pensa à la petite Olivia. Ce devait être dur pour sa mère, mais tant que son père n'était pas stabilisé, ce serait complexe de réunir la famille. Avant, il fallait aider Erskine.

"Non, ça ne me regarde pas."

Il soupira.

"Ça fait huit mois. Je me réveille encore en sueur, persuadé que cette femme va me tuer. J'ai mal, j'ai peur, j'ai l'abdomen ouvert, mais je ne le sais pas encore. Cette femme... Je la vois dans mes cauchemars et je la vois aussi dans chaque femme qui me parle. Elle m'a volé ma voix. Pendant des mois, je n’ai pas pu parler. Et encore maintenant, face à des femmes que je ne connais pas, je la vois. Et je bégaie, je bafouille..."

Il passe ses mains dans ses cheveux pour camoufler leur tremblement. Parler d'Elle n'est pas anodin pour le Capitaine. Elle le terrifie encore. Littéralement.

"Tu ne nous as rien demandé, mais on ne te lâchera pas, Erskine. Parce que tu es notre frère, notre cousin. Elle ne peut pas comprendre, c'est vrai. Mais moi j'ai passé presque dix ans dans cette sale guerre. Crois-moi, je peux comprendre. Et je ne m'en irais pas."

"Mais quel con !" Je crache.

Puis je me reprends, maladroitement:

"Pas toi ! Moi. Je sius désolé. Je ne suis qu'un idiot qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, je ..."

Je m'arrête de parler, conscient que je me ridiculise. Lui aussi à vécu des horreurs et je n'ai même pas essayé de le comprendre ! Je baisse les yeux, honteux. Encore plus quand je me rappelle l'accueil que je lui réservé un peu plus tôt... "Tu as bonne mine pour un mort". Ne pouvais-je pas simplement me réjouir de le voir en vie ? Alors qu'il a fait l'effort de me comprendre, je n'ai même pas essayé de le faire pour lui...

"Randy... Je ne mérite pas l'aide que vous essayez de m'apporter... J'ai été odieux avec vous deux, peut-être plus avec toi, je ne sais pas trop... Que l'on soit frère ou cousin, ce n'est pas suffisant, pourquoi tu veux m'aider ? J'ai moi aussi été blessé, mais rien de grave. Et je...  

Ma voix se brise. Je ne sais pas quoi dire de plus et pourtant, j'ai tout à dire... Je peine à réfléchir. Je me sens comme enfermé dans mon corps et dans mon coeur. Dix ans de ces horreurs... Je n'ose même pas imaginer l'enfer que cela a dû être. Je me retiens de pleurer comme l'enfant que j'étais et qui allait pleurnicher chez son grand cousin lorsqu'il y avait un problème mais mon souffle n'en devient que plus erratique. Je me passe une main sur le visage. Mon coude heurte mon verre encore plein que le barman a déposé devant moi sans que je m'en rende compte. Du liquide passe par dessus bord trempant quelque peu ma manche. Je l'attrape main tremblante et la bois avidement.

"Tu as mal, Erskine. On est con quand on a mal. Y a pas de problème."

Il sourit tendrement.

"C'est pas à toi de savoir ce que tu mérites ou pas. C'est à nous."

Il soupira, essayant d'arranger ses idées dans le bon sens.

"À la guerre certains se prennent un coup de bâillonnait dans la tronche. Ils saignent, ils ont mal, ça se voit... Ça, c'est les blessures faciles. Ça guérit, ou pas, avec plus ou moins de cicatrices, mais ce sont des cicatrices que les gens comprennent.

Ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que parfois, les blessures, elles sont à l'intérieur de l'esprit. À la guerre, on voit des morts, on tue, on voit et on fait des choses horribles. Et les conséquences ne sont pas toutes visibles.

Tu as vécu quelque chose de pas drôle. Je le sais. Je le vois. Le seul remède que je connaisse contre ça, c'est d'en parler à quelqu'un qui peut comprendre. À un camarade. Ça... Ça fait sortir le pue de l'esprit. Et parfois ça aide à guérir. Tu peux m'en parler. Je peux t'écouter. Si tu veux. Si tu veux guerir"

Et voilà que la peur me reprend. Non, c'est plus que de la peur... Peut-être aussi du désespoir, je ne sais pas.

"Parler ? Mais je ne peux pas, Randall ! Je ne peux pas... Je voudrais le faire, je te l'assure, mais je ne peux pas...C'est impossible.

C'est impossible parce qu'alors, il me verrait comme le monstre que je suis vraiment. Je passe mon temps à le rejeter parce que ça fait moins mal que si ça venait de lui. Et puis au moins j'aurais pu choisir pourquoi il doit me détester. Et non pour une raison que je ne contrôle pas et que je n'accepte pas moi-même.

"Je suis tellement désolé... Mais ma place est en enfer et je devrais y être déjà depuis plusieurs mois. Je n'aurais pas dû rentrer. Ne te salis pas à mes côtés, pars pendant qu'il est encore temps, cousin."

Entre les émotions, l'alcool, je ne suis plus sûr que ce que je dis ait encore du sens.

"Je ne suis qu'une ordure. Un monstre..."

Et voilà, comme toujours c'est quand je veux en dire le moins que ma langue décide de se délier... Je crains ce que je pourrais en venir à lui dire. Je voudrais qu'il parte. Je ne veux pas le voir souffrir à cause de moi. Mais son visage inquiet me montre qu'il est déjà trop tard... Que faire ?
Je regarde ma bière. Je la déteste tout autant que je la désire. Elle m'a volé tout autant que la guerre et pourtant je suis incapable de l'abandonner alors que j'abandonne tout ceux que j'aime. Je lâche un rire amer qui ressemble plus à un aboiement qu'autre chose.

"Je déteste la bière. Tu le savais, ça ? Le goût est absolument infect."

Je fais tourner mon verre sur sa base comme à chaque fois que je veux dissimuler mes tremblements, ou me donner de la contenance.

"Je la déteste, je la haie. Mais je n'arrive pas à la lâcher..."

Ok. Il ne parlerait pas si facilement. Randall prit son courage à deux mains et commença à parler à mi-voix.

"C'était en Espagne. On explorait les collines pour en expulser les Français. J'essayais de rentrer à mon camp de base et je n'avais plus de munition. J'ai vu le camp, j'ai remis mon fusil dans mon dos... quelle erreur ! Je suis tombé a quelques mettre du camp sur un français caché dans une irrégularité du terrain. Il a pointé son fusil sur moi. Il était jeune, si jeune... peut être seize ans... il a pointé son fusil sur moi. Il était si proche... Je n'ai pas réfléchi. J'ai attrapé son fusil, je le lui ai arraché des mains. Et... Je ne l'ai même pas retourné contre lui. Je lui ai défoncé le crâne avec. À coup de crosses. Quand mes camarades attirés par le bruit sont arrivés, le gosse était mort, le crane dans un état..."

Randall resta plongé quelques instants dans sa mémoire et ses souvenirs. Avant de bouger et d'offrir un petit sourire désolé à Erskine.

"À la guerre, on est tous monstrueux. C'est elle qui fait ça de nous. Je ne sais pas ce que tu as fait. Mais je te connais. Si tu l'as fait, c'est que tu l'as estimé nécessaire sur le moment. Peut être que c'était une décision de merde. Peut être que tu regrettes ça profondément. Peut être que tu trouves ça monstrueux aujourd'hui. Mais ce jour-là? Tu en pensais quoi?"

La conversation passa sur un sujet plus léger. Quoi que...

"J'aime la bière. Je n'aime pas ses effets. Je n'aime pas ce qu'elle fait de mes amis. Tu n'es pas le seul à avoir fui dans ses bras."

Je l'écoute avec attention. Tout ce qu'il me confie là, je ne suis pas sûr qu'il le fasse par envie. Il le fait pour moi. Pour m'aider. Son geste me touche. Enormément. Je me demande alors pourquoi j'ai passé mon temps à le repousser depuis que nous nous sommes retrouvés...

"Je suis désolé pour ce que tu as vécu, Randy. Je ne sais pas quoi dire... Je t'en ai voulu de ne pas nous avoir tenu au courant de ton retour, mais c'était vraiment idiot de ma part...

Mon cousin me sert un sourire désolé après ses mots. Je lui laisse le temps de se reprendre. Je n'aime pas le savoir si mal... Comment ai-je pu être en colère contre lui ?
Je secoue la tête, la gorge nouée.

"Tu sais... là-bas... J'étais prêt à mourir... J'y étais vraiment préparé. J'avais peur mais je savais que ça allait arriver. Et je... J'ai pris une décision qui a coûté la vie à plusieurs camarades à la place de la mienne. Bon sang, si tu savais comme je regrette...

Je réfléchis encore à ses mots quand il me parle de la bière et de ses effets.

"Ce jour-là, j'étais absolument convaincu de sauver une vie, de l'échanger avec la mienne. Mais c'est tout l'inverse qu'il s'est produit. Je réponds avec un temps de retard.

Il a la deuxième personne avec Earnest à me faire voir les choses autrement. Je fais tourner mon verre sur sa basse avant de le porter à mes lèvre pour en boire une gorgée, ce qui est bien plus mesuré que quelques instants plus tôt. Etrangement, savoir que je ne suis pas le seul à avoir succombé à ses effets, me fait du bien. Non que je me réjouisse du fait que d'autres souffrent aussi, mais... c'est réconfortant de savoir que l'on est pas seul à vivre cela.

"Tu ne bois pas, toi... Comment fais-tu pour gérer tout ça ? Est-ce que tu y parviens ne serait-ce qu'un peu ?

Le son de ma propre voix me parait absolument pathétique...

Randall soupira lourdement.

"Non, c'était pas idiot, j'aurais du vous prévenir, mais je savais que ta soeur me tomberait dessus à la seconde ou elle apprendrait mon retour et... J'en avais pas le courage. De l'affronter. Je n'étais pas lâché, avant, mais... enfin, je t'ai expliqué, quoi."

Ouais, il avait peur de sa propre cousine. C'était débile...

"Tu regrettes. C'est important. Mais maintenant, tu dois aussi honorer leur mémoire. L'honores-tu en te tuant à petit feu, ici, chaque soir?"

Le sujet passa justement sur la bière, mais Erskine ne devait pas être prêt à abandonner le sujet de sitôt, car il précisa sa pensée.

"Tu n'es pas responsable de ça. Pas complètement. Tu as fait une erreur, oui. Mais c'est la guerre qui en a fait une erreur mortelle, pas toi. Napoléon était cinglé. C'est lui le responsable de toute cette boucherie. Pas toi."

Il ne buvait pas? Si, un peu. Il pensa à la cuite prise avec James en janvier.

"Si, un peu. Pas souvent. Jamais seul. Je... Je ne peux pas me le permettre. Maman dépend de moi. Si je sombre, comme j'en ai parfois envie, elle se retrouvera seule et sans moyens."

Une idée le frappa alors. Et si...

"Tu sais, tu as quelqu'un qui devrait dépendre de toi, aussi."

" Je crois que je comprends... Pas pour les mêmes raisons, évidemment, moi-même je ne me sens pas d'aller voir Lily Rose... Pas comme ça..."

Merde, sait-il au moins qui c'est ? Tant pis. Je crois que l'alcool me délie la langue. Je ferais face aux conséquences plus tard...

"Et pourtant, j'aurais dû au moins la prévenir..."

J'avoue n'avoir que peu penser à elle ces derniers temps... Mon erreur me frappe de plein fouet. Ce n'est pas parce que je ne ressens plus d'amour pour elle que ça va être le cas pour elle ! Elle doit être morte d'inquiétude...

"Oh putain..." Je murmure en me passant lentement une main sur le visage.

Comme mon cousin le dit, je me tue lentement, à petit feu... Cela n'a rien de correcte pour tout ceux qui sont morts... Pour tout ceux à qui je dois la vie... Oui, je dois vivre pour honorer leur mémoire. Pour honorer SA mémoire. Je pince les lèvres. C'est dur alors qu'il n'est plus là ! Mais s'il était là... Il n'aurais pas voulu voir ce spectacle. Il n'aurait pas voulu me voir dans cet état.

3Oui... Nous ne sommes que des pions dans cette boucherie. Je pensais bien faire.

Je soupire longuement.

"Tu sais que tu as quelqu'un qui devrait dépendre de toi, aussi."

Son intonation est vraiment étrange et pique mon attention au vif. Il parle sûrement de la famille.

"Je sais... J'ai une responsabilité envers ma famille, envers toi, ma soeur, nos parents... Je vais faire des efforts. Je ne sais pas encore comment, ni quand mais je vais en faire. Je te jure que je vais tout faire pour me reprendre.

Je pense également à Lily Rose. Je lui dois d'être honnête avec elle, de lui ire ce que je ressens, ou ne ressens plus, plutôt. Au moins cela. Elle a toujours été fière et indépendante. Mais je ne peux pas la laisser dans l'attente et l'ignorance. J'ai peur de sa réaction, mais il va bien le falloir. Je ne peux pas la fuir éternellement. J'ai beaucoup trop de respect et d'affection pour elle pour continuer comme cela.

Randall sourit. Pas d'un sourire moqueur ou victorieux, juste d'un sourire gentil, d'un sourire heureux de voir son cousin sortir le nez de sa biere.

En un sens, Erskine avait raison. Randall lui parlait bien de sa famille. Mais pas de celle qu'il connaissait...

"Je parlais pas d'eux, ils sont adulte. Je suis adulte. Je sais que ta soeur est, par definition, une femme, mais elle a une bonne situation."

Il paya la biee que le barman avait avec insistance posé devant lui et y trempa les levres. Hum... Pas mauvaise.

"Tu sais ce qu'est devenue Lily Rose?"

Il laussi passer quelques seconde, le temps qu'Erskine s'etouffe dans sa biere de surprise que son cousin connaisse son amante, puis il lacha sa bombe.

"Fille-mère."

Mais de qui veut-il me parler si ce n'est pas de ma famille ?

- Parfois je peine à te suivre, cousin...

Je manque de m'étouffer avec ma bière.

- Depuis quand connais-tu Lily Rose ? Tu savais pour nous deux ? Mais comment ?

Tout à ma confusion, il me faut quelques secondes pour comprendre sa question.

- Je ne suis pas allé la voir et... Non, je ne sais pas et ce n'est pas excusable de ma part...

Je me sens vraiment honteux...

- Dès que je le peux, que je serai en état, j'irai la voir. Elle ne méritait pas que je la laisse de côté comme cela. Vraiment pas.

Essayer de parler et de boire en même temps n'est pas une bonne idée. Je repose ma bière en me raclant la gorge pour m'éclaircir la voix. Randall me regarde d'une certaine façon... C'en est vraiment perturbant.

"Fille-mère" Lâche-t-il.

Et là, tout éclate. Mon coeur. Mon esprit. Mon... Je ne sais pas. Tout ce qui est possible d'éclater. C'est un de ces mouvement de conscience qui vous change à jamais et qui pourtant reste silencieux et invisible aux sens des autres... Pour un temps, je crois, je ne veux pas comprendre ce que cela implique. Puis la colère s'empare de moi. Lily Rose est fille mère. Elle a un enfant. ça veut dire que... Si elle est allé voir quelqu'un d''autre, je ne lui en voudrais pas. Absolument pas. Mais si elle est fille-mère cela veut dire que l'homme l'a abandonnée ! Comment peut-on faire cela à une femme aussi adorable qu'elle ?!

- J'espère que le connard qui...

Je ne trouve pas mes mots, tout à mon émotion et alors je comprends. Nouvelle onde de choc sur mon esprit déjà en équilibre instable...

- Le connard... C'est moi, c'est ça ? Je... l'enfant, il est... Je suis le père, c'est ça ?

Mon sang ne fait qu'un tour. Je me passe une main sur le visage. Dans ma colère je me suis levé et ai presque renversé ma chaise qui, par je ne sais quel miracle, est revenue sur ses quatre pieds dans un bruit épouvantable. Le silence règne à présent autour de nous. Mais il pourrait très bien avoir des échange de coups de fusils juste à côté, que je ne les entendrais pas, mon coeur battant trop fort à mes tempes pour que je puisse entendre autre chose. Ce dernier cogne tout aussi fort dans ma poitrine. C'en est presque douloureux. L'entement, assommé, j'essaye de me rassoir en tâtonnant de mes mains tremblantes. Mes jambes ne me tiennent plus.
Lily Rose a un enfant. De moi. J'ai un enfant. Je suis père. Je secoue la tête. C'est impossible ! Pourtant, il s'agit de Randall, en face de moi. ça ne lui ressemble pas, de plaisanter ainsi. Ce n'est au contraire que trop sérieux. Les seuls mots qui parviennent à franchir mes lèvres sont des mots que je ne me rappelle pas avoir prononcé devant lui, ou seulement en de rares occasions.

- Oh putain de merde ! Je lâche d'une voix blanche.

Patiemment, et un peu sadiquement, Randall attendit que l'information, que les informations montent au cerveau d'Erskine. L'enchainement de réplique et de mimiques de celui-ci était aussi amusant que crève-cœur. Ce n'était pas un acteur comique face a lui. C'était un homme, soul donc vulnérable, qui se prenait très violemment une nouvelle déjà violente dans les dents. Et ce n'était pas n’importe quel homme. C'était son cousin. Son ami.

"Oui. Tu as une petite fille. Olivia. Elle est adorable."

Il soupira avant de planter un nouveau couteau dans le coeur de son cousin écossais.

"Mais tu ne la verras pas avant d'avoir un minimum repris le contrôle de ta vie. Je t'en empêcherais."

- Olivia…

Je murmure le prénom pour moi-même et ne peux empêcher un sourire malgré moi. Une petite fille. Mais aussitôt, la peur me reprend. Mais comment je vais faire ? Qu’est-ce que je vais faire, surtout ? Puis je réalise.

- Tu… La connais déjà ?

Sentiment horrible que d’être partagé entre le rejet et la joie d’être père… Comment une chose aussi réjouissante qu’une nouvelle vie peut être un évènement aussi dur ? Comment un évènement aussi dur peut-il être une chose si réjouissante ? Mon cœur se déchire. J’ignore alors ce qu’il se passe en moi. J’essaye de penser à toutes les conséquences que cela pourrait avoir sur ma vie. Mais… Quelle vie ? Pour l’instant elle m’échappe totalement… Et… il n’y a pas que sur moi qu’il y a des conséquences… Il faut être deux, pour faire un bébé. J’imagine que si Randall a vu l’enfant… Il a aussi vu Lily Rose…

- Comment va-t-elle ? Comment vont-elles, toutes les deux ?


Je crois que je ne réalise pas encore. Je ne veux pas le réaliser… Cette enfant est-elle vraiment de moi ? Je ne sais pas comment réagir, quoi faire… Si mon cousin me dit que je ne verrai pas Olivia avant d’avoir repris ma vie en main… Je ne peux que lui faire confiance. Je sais à quel point il peut être intransigeant. Quand il a décidé quelque chose, il s’y tient. Mais… Est-ce que j’ai vraiment envie de la voir ? Je ne sais pas… J’ai l’impression que le sol s’ouvre sous mes pieds dans un gouffre sans fond. Je ne sais pas…

- Qu’est-ce que je vais faire, Randy ? Qu’est-ce qu’il va se passer ? Je demande inquiet.

Plus la nouvelle prend toute sa réalité, plus je suis déchiré entre le désespoir total et une pointe fugace de cette petite vie qui a vu le jour. J’essaye de réfléchir à tout ce que cela va entraîner, mais j’ai l’esprit trop brumeux pour y voir plus loin que maintenant.

"Je l'ai rencontré. Une fois. Elle est magnifique. Elle a dix doigts dix orteils. Elles vont bien, mais de ce que m'a dit Maman, elles sont dans une situation instable."

Le militaire réfléchit et attend que son cousin lui demande avec inquiétude quoi faire. Randall lui sourit alors et le regarde dans les yeux.

"La première urgence, c'est d'épouser Lily Rose. Pour le moment, les Percy l'accueillent encore, mais c'était conditionné à votre mariage à ton retour. Tu es mal, tu es brisé, mais tu es un homme et dans notre société, elle a besoin de ton nom pour retrouver son honneur. La première urgence est de le lui offrir. J'organiserais le mariage, si tu veux, tu n'auras qu'à te présenter dans trois semaines devant le pasteur et à signer le registre. Que tu l'aimes ou pas, que tu veuilles vivre avec elle ou pas, c'est nécessaire pour lui rendre la respectabilité que tu lui as volée en la mettant enceinte."

Il soupira.

"Tu acceptes?"

J'étouffe un rire un peu stupide.

- Dix doigts, dix orteils , C'est... Incroyable.

Un frisson me parcoure l'échine. Si Cécilia s'en mêle... Je sens que cela va êtrebien joyeux... J'écarquille les yeux.

- Epouser Lily Rose ? Mais... Je...

Il est vrai que nous en avions parlé, elle et moi, si une telle chose devait arriver... J'étais prêt à l'épouser s'il le fallait. Mais les choses sont différentes aujourd'hui.

- Je ne l'aime plus... Je ne peux pas lui faire cela. Elle mérite d'épouser quelqu'un qui saura l'aimer.

C'est seulement quand je prononce ces mots que je me rends compte de leur bêtise monumentale. Je me tape une main contre le front.

- Oublie ce que je viens de dire. J'ai pas l'esprit clair... Personne ne voudra d'une fille-mère évidemment... Et puis le mariage n'a jamais vraiment concerné l'amour, n'est-ce pas...?

Dans trois semaines ? Pourquoi ai-je l'impression que les évènements s'enchainent les uns après les autres, sans interruption, sans me laisser de répit ? Ah, j'oubliais que c'était la procédure normale... Je souffle lentement. J'ai envie de lui dire que c'est beaucoup trop tôt. Que je ne suis pas prêt. Et je ne le serais dans un an, voire plus. Mais est-ce que cela changerait quelque chose ?

- Quand est-ce qu'elle est née ? ça ne peut vraiment pas attendre un peu plus longtemps ?

Bon sang je me fais l'impression d'être quelqu'un d'horrible. Pourtant... Ce n'est certainement pas en trois semaines que je vais me sevrer ! Je pousse un profond soupire.

- Il faut d'abord que je parle à Lily Rose. Il faut qu'elle s'ache à quoi cela nous engage alors que je ne suis plus amoureux d'elle. je ne veux pas qu'elle se fasse de faux espoirs quant à notre relation... Je lui dois la vérité.

Je regarde mon cousin dans les yeux. Oui, c'est ce que je dois faire en premier.

"Elle a trois ou quatre mois. Elle a besoin d'un pere. Au moins sur le papier. Sinon, elle va finir par se retrouver a la rue. Mais ok, parle avec Lily-Rose. Et prépare toi a passer devant le pasteur."

Le militaire soupira.

"Quand a ton probleme d'alcool... On traitera ca ensemble. Ok?"

Trois ou quatre mois ? Bon sang... Et ce n'est que maintenant que je suis au courant ? Il faut dire qu'à fuir le monde, je n'ai sûrement pas aidé. Je soupire. J'ai trois semaines pour être présentables et aller voir le pasteur...

- Merci, cousin. Je murmure encore, étonné, qu'il m'aide autant.

J'ai encore l'impression de ne pas mériter son soutien... Je le fixe en essayant de faire transparaître dans mes yeux toute la reconnaissance dont je suis capable.

- Je suppose que tu as des conditions par rapport à ma rencontre avec Lily Rose ? Peut-être un endroit particulier, ou que sais-je encore ?  

Je me passe une main sur le visage comme pour effacer la fatigue et le trouble que je ressens.

- Je... J'ai peur. Il faut que je lui dise la vérité, que je sois honnête avec elle. Et que... J'ai peur de la faire souffrir. Mais je la fais déjà souffrir en la laissant dans le noir... J'ai peur aussi de comment elle va réagir...  Est-ce que... Tu pourras être là ? Pardon, je t'en demande peut-être beaucoup... Quand on était enfant, tu étais toujours le premier que j'allais voir quand il y avait un problème. Comme un grand frère protecteur et... J'ai eu beau te repousser depuis mon retour, je suis content que tu sois là. Merci.