Soucieuse de l’éducation de Liam, j’avais décidé quelques jours plus tôt de l’emmener au British Museum pour commencer à l’initier à l’art dans toute ses formes. Jusqu’à présent ses cours sur ce sujet n’avaient été que de la théorie adaptée à son âge. Mais il était temps de passer à la vitesse supérieure et le confronter directement aux œuvres pour qu’il découvre et appréhende toute cette dimension de mécène qui était chère à mon cœur et que j’espérais qu’il mettrait en œuvre une fois adulte. Cela serait également l’une de mes premières sorties sans être entièrement vêtue de noir, couleur du deuil que j’avais porté durant cette très longue année. Je pleurais encore la perte de mon époux et l’absence de mon confident, mais il devenait temps que je pense à un éventuel remariage, ne serais ce pour offrir une figure paternelle à mon fils. Et pour cela, il me fallait sortir de chez mon amie où je m’étais réfugié pour finir mon deuil, fuyant également mon géniteur.
C’est donc habillée de vert émeraude que je montais dans le fiacre accompagné de mon petit élève bien appliqué et d’une bonne qui lui portait ses affaires de classe. Tout au long du voyage Liam me posa des questions sur le musée et ce qu’il apercevait de Londres par la fenêtre. On approcha bientôt de Leicester Square avec sa Tamise gelée en cette saison, ainsi que de notre destination, le British Museum avec ses sculptures grecs, la dernière nouveauté amenée il y avait peu de temps par notre ambassadeur à Constantinople. Je voyais bien que Liam commençait à s’agiter dans tout les sens à mes côtés, remplis de curiosité devant tant de nouveauté et je n’eus pas le cœur à le sermonner, il était encore jeune et un enfant. Si bien que dès que nous eûmes passer l’entrée, je lui donnai carte blanche pour déambuler dans le musée du moment qu’il restait à côté de sa bonne et qu’à la fin de la visite il soit capable de me dire ce qui lui avait le plus plu et pourquoi.
De mon côté, je me mis également à déambuler à travers les collections pour les admirer et m’enrichir de leur connaissance. Je fis une halte devant un serpent naturalisé plus vrai que nature et lu la description, où il avait été trouvé, par qui et le généreux donateur qui l’avait offert au musée pour être exposé. Mais voir l’animal aussi menaçant, surtout avec comment la plaquette le décrivait, je ne tardais pas à m’en éloigner et suivit le mouvement de foule qui se dirigeais vers le nouveau secteur, celui des statues grecques. Tout Londres voulait voir ce dont le journal parlait et qui était décrit comme magnifique et très réalistes. Les plus puritains s’offensaient d’une nudité ainsi exposée alors que d’autre jugeait cela comme normal car étant d’une autre époque. En ce qui me concernait, je n’avais pas d’avis et me contentais de m’asseoir sur un des bancs mis à la disposition des visiteurs et admira la sculpture sous mes yeux représentant un homme et une femme enlacés et couvert d’un drap cachant leurs atours. Mais mon regard fut rapidement attiré par un mouvement à la périphérie de mon regard et un petit rire m’échappa en voyant la scène qui se déroulait sous mes yeux.
Mon fils qui ne m’avait pas remarqué venait de s’arrêter net devant la représentation en marbre d’une jeune femme nue tenant une pomme et regardant par-dessus son épaule. Il trépigna un instant le temps que la bonne lui donne son matériel à dessin et il entreprit de s’asseoir à même le sol pour croquer la statue se trouvant sous ses yeux, sa petite langue tiré, preuve de sa concentration. Il y avait plein d’autres sculptures dans la pièce, mais il avait choisi celle qui faisait le plus scandale par sa nudité pour la dessiner. Je n’en doutais pas un instant que cela allait être son choix pour son rapport à la fin de la visite. Je restais ainsi à l’observer tendrement s’appliquer et essayer de rendre honneur à l’œuvre qui se trouvait sous ses yeux pour me faire plaisir et prouver qu’il avait bien écouté ses leçons. Quand à la bonne, elle m’avait vu et je lui fis signe qu’elle pouvait vaquer à sa propre visite, que j’allais prendre la relève pour qu’elle profite elle aussi du musée.
Je saluais d’un hochement de tête les personnes de ma connaissance que je croisais par moment mais retournais rapidement mon attention sur ma progéniture qui continuais à s’entrainer et dessiner, sans avoir remarqué que j’étais à quelques mètres de lui et que sa bonne avait disparu.