TW Sang et Tripaille!
- Maman a écrit:
- Mon chéri,
Je ne sais pas si je dois t'écrire cette lettre, mais le notaire me presse de te mettre au courant. J'espère que tu vas bien et que l'Empereur des Français n'est pas trop proche de ta position...
Randy leva les yeux sur l'armée française massée à l'horizon. Nan, pas trop...
- Maman a écrit:
- ...Je n'irais pas par quatre chemins...
C'était gentil, ça Maman.
- Maman a écrit:
- ...ils disent que tu es l'héritier du marquis de Bath. ...
Pardon?
- Maman a écrit:
- ... Ton père m'avait parlé de cette vieille parenté au 3e degré, mais cela n'avait pas d'importance, le Marquis ayant alors un fils vigoureux. Ce fils est mort, tué dans les bas fonds de Londres. ...
... PARDON?
- Maman a écrit:
- ... Le Notaire dit que tu es désormais trop précieux pour être risqué sur un champ de bataille. Je joins à cette lettre le laissez-passer qui te permettra de rejoindre l'Angleterre. J'espère que cette lettre te trouvera avant les Français.
Ta mère qui t'aime
Randy resta un peu con quelques instants dans l'aube de ce qui serait plus tard connu comme le champ de bataille de Waterloo. Il consulta ledit laissez-passer, puis le froissa et le jeta dans le feu.
Peut être que s'il avait reçu la lettre la veille, il l'aurait utilisé, mais ce n'avait pas été le cas et là... La bataille allait éclater dans peu de temps, il le sentait dans ses tripes. Il ne pouvait pas abandonner ses camarades. Pas aujourd'hui.
°~o~°
Il se réveilla dans une odeur de sang et de charognes. Une personne était penchée au-dessus de lui, occupée a lui arracher sa médaille de baptême. Il eut à peine le temps de gémir que la chaine céda en lui griffant le cou et que la pilleuse s'enfuyait à toutes jambes.
Péniblement, il rampa hors du trou puant qui avait failli l'engloutir. Péniblement, il hurla à l'aide, attirant d'autres pillards qui n'eurent pas de scrupules à le battre pour le dépouiller des insignes de son rang militaire. Il fut tenté de se cacher pour échapper aux suivants, mais il n'était pas idiot. Il avait besoin de soins. Son bras gauche n'était que douleur et sang poisseux. Il avait le vague souvenir d'un coup de baïonnette. Et sa jambe... sa jambe semblait en bon état. Mais il y avait un problème. Peut être un claquage, il ne savait pas. Mais il avait besoin de soins.
Alors il continua à crier. Et cette fois, il attira des fossoyeurs qui furent bien heureux de trouver un vivant parmi toute cette boucherie. Le transport, au milieu des cadavres, ne fut pas des plus… bucolique, mais ils le ramenèrent au camp. On était alors le 20 juin, la bataille avait eu lieu deux jours plus tôt. Miraculé, il était miraculé. Et il fut soigné.
Mais il n’arrivait plus à parler. Ses mains tremblaient trop pour qu’il arrive à écrire. Incapable de communiquer son identité, qu’il connaissait pourtant, il fut surnommé “Resurrection Joe” par l’équipe médicale. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, il apprit à répondre à Joe et resta en Belgique un moment, le temps de guérir. Du moins de ses blessures physiques. Il se remit plutôt bien.
Mais sa patrie, c’était l’Angleterre. À force de gestes et de mimes plus ou moins adroits, il obtint de se faire rapatrier à Douvres. De là, sans un sou en poche (absurdité administrative: sans son identité réelle, on ne pouvait pas le payer, même s’il avait manifestement participé à la bataille), il décida de marcher. En quelques semaines de marche, il réussit à rejoindre sa mère, qui le reconnut évidemment.
Les retrouvailles avec sa mère furent émouvantes. Elle s’apprêtait à écrire au notaire, mais il la supplia silencieusement de ne rien en faire. Il ne voulait pas être vu dans cet état. Il voulait regagner ses capacités avant de faire savoir son existence au monde.
Il passa trois mois dans le cottage de sa mère, à travailler avec elle sur le réapprentissage de la parole. Elle lui avait appris une fois à parler et elle réussit cet exploit une seconde fois. Fin novembre, il y réussit.
“Il est temps de réclamer ce qu’on me doit”